Psychanalyse et idéologie

Micheline Weinstein • Bon anniversaire, Jean-Pierre Faye !

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Il est plus facile d’élever un temple que d’y faire descendre l’objet du culte

Samuel Beckett • L’innommable

Cité en exergue au « Jargon der Eigentlichkeit » par T. W. Adorno • 1964

It is easier to raise a temple than to bring down there the worship object

Samuel Beckett  « The Unspeakable one »

Underlined in « Jargon of the authenticity » by T. W. Adorno • 1964

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Personne n’a le droit de rester silencieux s’il sait que quelque chose de mal se fait quelque part. Ni le sexe ou l’âge, ni la religion ou le parti politique ne peuvent être une excuse.

Nobody has the right to remain quiet if he knows that something of evil is made somewhere. Neither the sex or the age, nor the religion or the political party can be an excuse.

Bertha Pappenheim

point

ψ  = psi grec, résumé de Ps ychanalyse et i déologie. Le NON de ψ [Psi] LE TEMPS DU NON s’adresse à l’idéologie qui, quand elle prend sa source dans l’ignorance délibérée, est l’antonyme de la réflexion, de la raison, de l’intelligence.

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© Micheline Weinstein

 

7_Suite Journal 1967-2020 ininterrompu par intermittence

 

Extension des post-it en vrac

 

Ich will Zeugnis ablegen bis zum letzten

[Je veux témoigner jusqu’au dernier jour]

Victor Klemperer • Journal 1933-1947

 

8-19 juillet 2020

 

Jean-Pierre Faye

[Membre d’honneur de notre association-site]

Il ne faut pas avoir peur du bonheur. C’est seulement un bon moment à passer • Romain Gary


Bon anniversaire, Jean-Pierre !

Le corps miroir

Jean-Pierre Faye

Préface de Michèle Cohen-Halimi

 

Le corps miroir, premier livre de Jean-Pierre Faye aux éditions Nous et annoncé par l’auteur comme son dernier livre, révèle la puissance de pensée de cette figure majeure de la philosophie contemporaine. C’est un livre fascinant, composé d’une chaîne de récits et de réflexions sur le temps, sur les langues, sur l’homme - mais aussi sur le corps, sur le visage en tant que reflets du monde. Le volume s’ouvre par une préface de Michèle Cohen-Halimi, qui retrace le parcours de l’auteur et interprète la place de ce livre en son sein.

Ce dernier livre de Jean-Pierre Faye porte à son comble certaines des questions soulevées ailleurs dans son œuvre : celle du montage des récits, celle de l’écoute ou de la lecture de ce montage et, plus radicalement que jamais, celle du statut du sujet narrateur. Dans cette méditation, il s’agit également de repérer les surgissements de certains vocables, de certaines expressions dans l’histoire, leurs bougés, leur impact, leur “frappe”, de les déchiffrer et d’en analyser les transformations.

Tous les vocables repérés et poursuivis par Jean-Pierre Faye dans ce livre composent le grand récit de la déraison narrative de l’histoire du XXe siècle : la disqualification de la “métaphysique”, sa mise en équivalence par Heidegger avec le “nihilisme”, la genèse du totalitarisme nazi à partir de la circulation du syntagme “Stato totalitario” prononcé par Mussolini, l’invention du “logocentrisme” par Ludwig Klages.

Enfin, magistralement, le premier surgissement dans la langue d’Homère du mot qui, à partir de l’idée de la confluence des fleuves, va dessiner les premiers contours de la “conscience ”.

 

 

https://www.decitre.fr/livres/le-corps-miroir-9782370840806.html

 

 

Le Corps Miroir, selon la décision de Jean-Pierre Faye, est son œuvre ultime. Son fils, Emmanuel Faye, remarquable philosophe-historien de la philosophie, en ces temps où elle est aplatie jusqu’à être réduite à des verbiages médiatiques, assure un courageux relais.

Un seul exemple d’ignorance délibérée véhiculée par iceux verbiages de la part du trust lacanien = s’étant épargné la lecture de Freud, les intitulés psychanalystes et y afférents assimilent sans état d’âme pulsion de mort et vœu de meurtre.

 

Pulsion de mort - Inhérente chez chaque être humain en sa qualité d’individu singulier, elle désigne la poussée qui l’incitera sa vie durant à retrouver ce que Freud nommait son état originaire anorganique. Ainsi, elle agit sur le principe de plaisir, autrement dit sur le désir inconscient d’en faire le moins possible pour durer le plus longtemps, de se contenter de la satisfaction immédiate d’un plaisir dans le présent, quelle qu’en soit la nature. La pulsion de mort n'a pas de mémoire.

Vœu de meutre ou d’assassinat - Issu de la conjoncture œdipienne, donc infantile, il s’adresse à l’autre en tant que métaphore d’une jalousie irrépressible animée du désir tout aussi inconscient de tuer qui gêne (à l’origine, le père, la mère, les frères et sœurs, l’entourage, puis tout être vivant).

Ce sont deux instances à explorer lors d’une psychanalyse individuelle dans la perspective de les maîtriser si l’on aspire à une vie intérieure autant que sociale plus harmonieuse.

Le passage à l’acte criminel relevant, en tout cas dans un premier temps, de la criminologie.

 

Revenons à Jean-Pierre Faye, dont les lectrices et lecteurs intéressés trouveront en pièce jointe le recensement non exhaustif des contributions que nous avons eu le privilège de publier, alors en éditions-papier, dont certaines sont reproduites sur notre site et inventoriées par les moteurs de recherche.

En 1967, j’avais répondu dans un écrit (cf. in mes Travaux 1967-1997) à la Proposition d’octobre… pour la fondation de son École de Lacan par une étude du langage dont j’avais l’impression d’une proximité entre le sien et celui et d’Heidegger. Voici un extrait de la pensée de Heidegger, datée de 1949, soit 5 ans après la fin de la 2e G. M., laquelle m’avait consternée, dont j’espérais qu’elle allait éveiller l’attention des collègues psychanalystes :

 

[…] Alors, quelle était l’appréciation de Heidegger sur la psychanalyse ? En portait-il seulement une ? En effet. Dans son “Introduction” de 1949 à « Qu’est-ce que la Métaphysique ? », dédiée à Hans Carossa pour son 70e anniversaire, dédicace omise dans la traduction française car Carossa présida une fois la Chambre Internationale des Écrivains, créée et contrôlée par Goebbels, voici ce qu’on peut lire, in “Questions I” :

S’il en était ainsi de l’Oubli de l’Être, ne serait-ce pas une raison suffisante pour qu’une Pensée qui pense l’Être soit prise d’Effroi, car rien d’autre ne lui est possible que soutenir dans l’Angoisse ce Destin de l’Être afin de porter d’abord la Pensée en présence de l’Oubli de l’Être ? Mais une Pensée en serait-elle capable tant l’Angoisse ainsi destinée n’est pour elle qu’un État d’Âme pénible ? Qu’à donc à faire le Destin Ontologique de cette Angoisse avec la Psychologie et la Psychanalyse ?

 

Et dans la langue, à l’intention des germanistes, qui sauront y mettre le son :

Wäre wenn es mit der Seinsvergessenheit so stünde, nicht Veranlassung genug, dass ein Denken, das an das Sein denkt, in den Schrecken gerät, demgemäss, es nichts anderes vermag, als dieses Geschick des Seins in der Angst aus zuhalten, um erst das Denken an die Seins vergessen heit zum Austrag zubringen ? Ob jedoch ein Denken dies vermöchte, solange ihm die so zugeschickte Angst nur eine gedrückte Stimmung wäre ? Was hat das Seins geschick dieser Angst mit Psychologie und Psychoanalyse zu tun ?

 

Ce galimatias, selon Jankelevitch, du bas latin ballimathia “chanson obscène”, entortillé sur lui-même, évoque de façon aiguë le mince écart dont parle Freud entre le discours philosophique et le discours du délirant, avec son risque de bascule...

 

Freud, en son temps, se méfiait de “l’obscure philosophie hégelienne.” […]

 

En 53 ans, j’eus beau, inlassable, la répéter auprès des collègues, en privé et en public, par écrit et à l’oral, cette étude n’a intéressé personne.

 

C’est ainsi qu’en 1972 j’ai acquis Langages totalitaires de Jean-Pierre Faye, devenu mon livre de chevet, rejoint en 1995 par Ich will Zeugnis ablegen bis zum letzten de Victor Klemperer, dans lequel Freud et son œuvre n’échappent pas à la chasse aux Juifs.

 

C’est ainsi que j’ai rencontré Jean-Pierre Faye qui en 1991, lors d’un colloque de psychanalystes lacaniens, a lu cette introduction de Heidegger.

Elle n’a intéressé personne.

 

Aussi, Jean-Pierre, Emmanuel, demeurons d’authentiques philosophes, remettons-nous-en à Pierre Dac,

 

Il faut une infinie patience pour attendre toujours ce qui n'arrive jamais.

 

Bon anniversaire, Jean-Pierre !

Micheline W.

 

ψ  [Psi] • LE TEMPS DU NON
cela ne va pas sans dire
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