Psychanalyse et idéologie

Psi . le temps du non

Daniel Cordier

Suite, par JForum, à l'entretien entre Patrick Cohen et Daniel Cordier sur France Inter

ø

Il est plus facile d'élever un temple que d'y faire descendre l'objet du culte

Samuel Beckett • « L'Innommable »

Cité en exergue au « Jargon der Eigentlichkeit » par T. W. Adorno • 1964

It is easier to raise a temple than to bring down there the worship object.
Samuel Beckett • “The Uspeakable one”

Underlined in « Jargon of the authenticity » by T. W. Adorno • 1964

Ø

Personne n'a le droit de rester silencieux s'il sait que quelque chose de mal se fait quelque part. Ni le sexe ou l'âge, ni la religion ou le parti politique ne peuvent être une excuse.

Nobody has the right to remain quiet if he knows that something of evil is made somewhere. Neither the sex or the age, nor the religion or the political party can be an excuse.

Bertha Pappenheim

point

ψ = psi grec, résumé de Ps ychanalyse et i déologie. Le NON de ψ [Psi] LE TEMPS DU NON s'adresse à l'idéologie qui, quand elle prend sa source dans l'ignorance délibérée, est l'antonyme de la réflexion, de la raison, de l'intelligence.

© • M. W. / 02 juin 2013

Daniel Cordier

Suite, par JForum, à l'entretien entre Patrick Cohen et Daniel Cordier sur France Inter

Nous reproduisons ci-dessous les commentaires parus dans JForum, à la suite de l’entretien sur France Inter entre Patrick Cohen et Daniel Cordier. Hélas pour l’information des auditeurs, juste avant la clôture de l’émission, un célèbre journaliste que j’ai connu tout petit, a cru pertinent de manifester sa présence, dénombrant les glorieux chiffres de Juifs en France non déportés, témoignant ainsi, une fois encore, de son ignorance incongrue. Daniel Cordier eut juste le temps de conclure, paisible : “C’est ce que j’ai vu”. Ajoutons : “entendu et recueilli dans les archives”, autrement dit : “je sais de quoi je parle, j’y étais”.

 

Par ailleurs, sur le même sujet, parution d’un petit livre,

 

Nelcya Delanoë

D’une petite rafle provençale

Préface de Laurent Joly

Le Seuil, Paris, mai 2013

 

dans lequel nous retrouvons le poète Aragon,  écrivains, éditeurs ... ... ... ... ... ... ... ....

Exergue de ce petit livre,

« Il souffle un vent de toute beauté sur l’Enfer » 

En 1942, le long poème d’Aragon (pp. 27-29 de la « petite rafle... ») fut interdit de publication par Pétain et édité en Suisse dans la Revue « En Français dans le texte ».

m. w.

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http://www.jforum.fr/forum/france/article/la-denonciation-des-juifs-une

 

image 1 cordier

Antisémitisme, ce que la France veut absolument cacher

 

http://www.jforum.fr/

31 mai 2013

 

Mais si, les lettres de dénonciation des juifs sont accessibles.

Mercredi 20 mai 2013, dans la matinale de France Inter, Patrick Cohen a reçu Daniel Cordier, historien, résistant et secrétaire particulier de Jean Moulin.

L’interview porte sur son livre, « Alias Caracalla », son adaptation télévisée et la documentation disponible sur la Seconde Guerre mondiale, dans laquelle Daniel Cordier s’est plongé.

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Soudain, l’historien énonce un fait surprenant sur l’Occupation  :

« Daniel Cordier : – Actuellement, vous n’avez qu’une partie des archives qui sont ouvertes. Et l’ensemble des archives de la guerre sera ouvert après la mort de ma génération.

Patrick Cohen : – C’est-à-dire qu’il y a des choses que les historiens des années 2040 et 2050 vont découvrir sur la Résistance et sur l’histoire de la France libre ?

– On va découvrir, hélas la situation de la France. Parce que l’ensemble des Français est antisémite. [...] J’ai eu de la chance, dans les trois mois que j’ai passés à Chartres. Un jour, après un déjeuner, le directeur [des Archives, ndlr] m’a dit : “Avant de vous mettre au travail je vais vous montrer quelque chose.” Nous sommes descendus à la cave. J’ai vu par terre des paquets blancs, empilés les uns sur les autres. Il dit : “Ça vous ne le verrez jamais, parce que ce n’est pas pour votre génération. Ce sont les lettres de dénonciation des juifs.”

– Pour protéger les personnes et leur descendance, ces archives sont encore inaccessibles pour quelques années ou quelques décennies.

– Ça sera difficile à ouvrir, mais tout s’ouvrira. Dans les années 2040-2050, il y aura une nouvelle génération d’historiens qui aura encore plus d’exigences que les historiens d’aujourd’hui. Et là, je pense que ce sera une autre histoire de la Résistance et qu’on s’approchera de la vérité. »

Des lettres de dénonciation en ligne

Les lettres de dénonciation des juifs pendant la Seconde Guerre mondiale seraient inaccessibles ? À Rue89, on s’est cassé la tête pour essayer de comprendre si c’était une question de délai, de protection des héritiers ou de données nominatives qui ne devraient pas être mises à la disposition du public.

Pourtant, avec une simple recherche Google, on trouve très facilement des documents :

Õ ici, la lettre d’un dénommé Lozet, « garde assermenté » au cimetière du Père-Lachaise, qui moucharde sur un de ses collègues. Dans une autre lettre, écrite à Avignon, une mère de famille s’inquiète qu’un jeune homme juif courtise sa fille. Elle demande au préfet de l’éloigner ;

Õ dans ce documentaire d’André Halimi, diffusé en 1983, des lettres sont reproduites :

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Õ un colloque sur « la dénonciation en France pendant la Seconde Guerre mondiale », réunissant une trentaine d’historiens, a même eu lieu en 2008 à Caen.

« Les gens ressortent bouleversés »

En fait, Daniel Cordier a tort et raison à la fois :

Õ raison, parce que la plupart des documents sur la Seconde Guerre mondiale ne seront pleinement accessibles au public qu’entre 2015 et 2020 ;

Õ tort, parce que ce délai n’empêche pas leur consultation par des historiens, professionnels ou amateurs, des journalistes, des écrivains ou même des particuliers qui font des recherches. Ils peuvent demander (et obtiennent le plus souvent) des dérogations pour travailler sur les archives avant expiration du délai.

Pour comprendre, il faut se plonger dans le maquis réglementaire. Les « délais de sérénité », au-delà desquels les archives de l’administration sont rendues publiques, se sont raccourcis. D’abord encadrés par une loi de 1979, ils ont été réduits par la loi de 2008, comme le montre ce tableau.

Un dossier judiciaire, par exemple, peut aujourd’hui être consulté au bout de 75 ans. S’il date de 1940, il ne devrait donc être disponible qu’en 2015. Cependant, les historiens bénéficient de nombreuses exceptions. Et ces dernières années, l’accès à tous ces documents s’est largement démocratisé.

Jean-Marc Berlière, professeur d’histoire contemporaine, passe beaucoup de temps aux archives de la préfecture de police de Paris. Il a vu le public s’accroître.

« Dans les années 1980, c’était fermé de chez fermé, j’étais tout seul. Maintenant, c’est plein tout le temps. Les lois et surtout les circulaires sont allées dans un sens extrêmement libéral.

Les gens ressortent bouleversés par ce qu’ils ont trouvé, émus et surpris que les archivistes les accueillent à bras ouverts. »

Gilles Morin, professeur d’histoire aussi, confirme que les affirmations de Daniel Cordier relèvent d’une conception un peu datée des archives.

« Une grande partie des dossiers qu’on ne pouvait pas voir il y a dix ans, quinze ans, sont visibles maintenant. »

Les dérogations sont très souvent accordées. Et comme le rappelle Antoine Prost, historien qui siège à la Commission d’accès aux documents administratifs (Cada) :

« Le refus de dérogation peut être soumis à la Cada, qui se montre généralement ouverte s’il s’agit de recherches, et non de règlements de comptes anciens. »

Quelques difficultés pratiques

Cet accès aux archives de la Seconde Guerre mondiale a permis par exemple à l’historien Laurent Joly de publier des travaux sur la dénonciation des juifs sous l’Occupation. S’il estime, dans Libération, que « l’historiographie a du retard », ce n’est pas parce que les archives sont fermées mais plutôt sous-exploitées :

« Nombre de fonds d’archives restent à analyser, celles de l’administration, celles des polices parallèles de Vichy, les mains courantes des commissariats de quartier. »

Les difficultés rencontrées par les chercheurs sont davantage pratiques que juridiques :

Savoir où chercher

Pour savoir à qui demander la consultation d’un dossier, « il faut connaître l’organigramme administratif de l’époque », explique Jean-Marc Berlière.

« Tout le monde ne sait pas que certaines archives de la police nationale se trouvent aux Archives départementales, que tel service de police disparu s’occupait de la répression des juifs, que pour trouver des documents sur les meurtres miliciens dans le Gard, il faut aller à Marseille, que certains dossiers judiciaires de l’épuration ont été dépaysés, etc. »

« Certains fonds restent méconnus parce que personne n’en connaît l’existence », complète Gilles Morin. D’autres sont mal inventoriés, au point que les archivistes eux-mêmes ne savent pas forcément ce qu’ils contiennent. Ils disposent d’un grand nombre de documents non classés, et ne peuvent accéder qu’à des demandes très précises.

Protéger les données personnelles des tiers

Gilles Morin poursuit en citant un autre écueil fréquent :

« Si je cherche le dossier concernant une affaire judiciaire, à partir d’un nom dont je dispose, je dois prouver que la personne est morte depuis plus de 25 ans.

Mais en consultant son dossier, je risque de tomber sur le nom de tiers évoqués dans la procédure, auquel cas certains services d’archives préfèrent refuser l’accès. »

Des documents manquants

Même si le versement des dossiers aux archives est obligatoire passé un certain délai, certains services administratifs gardent la main sur leurs documents. Volontairement – pour les services secrets notamment, qui tardent à rendre leur butin public –, mais parfois simplement par négligence ou méconnaissance des règles en vigueur.

Parfois aussi, l’état de certains documents, imprimés sur du papier de très mauvaise qualité pendant la Seconde Guerre mondiale, rend leur consultation risquée : des frottements trop répétés pourraient les faire tomber en lambeaux.

Les archives de la préfecture de police de Paris sur l’Occupation sont ainsi en cours de numérisation, pour être mises en ligne et accessibles à tous en 2015. Mais dans l’intervalle, elles sont gelées : les chercheurs ne peuvent pas les voir.

Finalement, avance Jean-Marc Berlière :

« Il n’y a pas d’archives cachées, il n’y a que des archives égarées, non inventoriées, volées (notamment par les FTP et le PCF à la Libération), détruites. »

Mais selon lui, si les archives de la Seconde Guerre mondiale recèlent encore des secrets, c’est moins en raison des difficultés d’accès que du fait des historiens eux-mêmes, qui selon lui passent de moins en moins de temps à travailler sur ces sources brutes.

DE 150 000 À 500 000 LETTRES

Selon Antoine Prost, « les chercheurs qui ont travaillé sur ces paquets de lettres, effectivement très nombreuses [entre 150 000 et 500 000 dans toute la France, ndlr], ont trouvé une minorité de dénonciation de juifs : on dénonce les trafiquants du marché noir, des voisins qu’on n’aime pas et qui écoutent la radio de Londres, des femmes de prisonniers qui trompent leur mari, etc... Et bien sûr des juifs. »

Camille Polloni - Rue 89

 

ψ  [Psi] • LE TEMPS DU NON
cela ne va pas sans dire
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