Roméo
et Juliette en Tunisie
Nous avons reçu
cette lettre écrite directement en français
par
Nino
Mucci
Introduction
Une
jeune fille tunisienne, attristée par une situation
familiale malheureuse, fait une rencontre qui
change sa vie dans la Cathédrale de Tunis, en
mai 2002.Elle a récemment été affectée par une
crise morale et psychologique due au divorce de
ses parents et en ce temps où elle recherche vraiment
le conseil de Dieu et une lumière dans sa vie,
elle rencontre un homme chrétien qui pourrait
vraiment l'aimer et l’aider. Le tragique fut qu'elle
n'a pas trouvé une voie à son désengagement du
préjugé islamique : de plus en plus anxieuse et
psychologiquement incertaine, après trois mois
passés loin de sa famille à la recherche d'une
issue à son enfermement social, vivant un rapport
passionné avec l'homme qui a promis de l'épouser,
elle s'est sentie très déprimée. Puisque le gouvernement
tunisien refuse encore aujourd’hui d'entériner
un acte de mariage entre un homme chrétien étranger
et une femme chrétienne « nouvellement-née
» c’est-à-dire convertie, la seule solution était
de s'exiler à l'étranger. Or la jeune femme, Imén,
ne pouvait pas facilement obtenir son passeport
pour partir et en même temps elle ne pouvait se
débarrasser des nombreux liens qui l'attachaient
à une véritable embrouille de famille. Lors d'une
visite à sa famille, effectuée sans rien dire
à son ami, elle a trouvé une atmosphère très hostile.
Peut-être elle imaginait-elle que sa quête de
liberté finirait par être acceptée. Résultat tragique
de sa démarche : sa famille l'a condamnée à l'asile
psychiatrique, la mère, travaillant dans un service
public d'aide sociale ayant pu facilement manœuvrer
toute la situation, retirant totalement à la jeune
fille toute indépendance future, toute décision
individuelle, grâce à l'appui d'une commission
gouvernementale qui l'a déclarée comme étant un
cas de handicap nécessitant la mise sous tutelle.
Aucune jeune fille, et Imén en particulier, ne
mérite d'être considérée et traitée en tant que
psychologiquement aliénée sous prétexte qu'elle
a décidé d'épouser un homme chrétien et d'être
elle-même chrétienne.
Par
la suite, son jeune oncle, le frère de la mère,
qui seul est écouté en tant que responsable, puisque
c'est la seule figure virile dans une famille
divisée, ayant fait des efforts pour comprendre
la situation, s'efforça d'aider Imén et son fiancé
à obtenir une chance d'être mariés civilement
à l’étranger, en faisant promettre au fiancé d'assurer
l'assistance psychologique nécessaire pour Imén.
Hélas, cela n'a pas suffit pour faire fléchir
la mère, qui n'aurait accepté le mariage - chantage
typique, absurde et inacceptable de nos jours
- qu'à la seule condition que le futur mari renie
le christianisme et devienne musulman.
Cette
société musulmane où vit Imén, son entourage même,
la condamnent humainement, malgré l'évidence de
cet amour partagé, qui n’a pu convaincre sa famille.
C'est
ainsi que cet homme, triste et désespéré, a voulu
écrire cette lettre afin de permettre au monde
entier de mieux comprendre comment l'oppression
humaine dans la loi islamique peut devenir un
malaise désastreux dans la société tunisienne
promise à la démocratie et à la liberté par sa
nouvelle Constitution et dans les discours de
son Président.
VIRGINITÉ,
TRADITION ou FUITE :
«
Roméo et Juliette en Tunisie »
Aujourd’hui je veux exprimer mes dernières considérations sur la malheureuse
relation qui m’a vu, homme chrétien et italien
de tradition catholique, engagé avec Imén, une
jeune fille tunisienne, condamnée à porter définitivement
la marque d’une maladie psychique. Elle est ainsi
punie par son milieu familial de n’avoir pas voulu
rester dans un rôle soumis de jeune fille musulmane.
Imén est exemplairement victime du vice radical de la société islamique,
l’hypocrisie, condamnée à porter le masque de
l’acceptation d’un code qui ne doit pas se discuter.
Un code qui torture, en recouvrant les plaies
des péchés humains et de la défaite morale d’une
société qui ne sait pas se libérer des sources
du mal qui la mine : indifférence humaine
et autoritarisme.
Je me réserve le droit de publier librement ce texte, dans la mesure où
aucune précision ne sera faite sur l’identité
de la personne ou de sa famille.
Quelqu'un
pourra se poser la question : pourquoi ne
pas solliciter une intervention directe, en faisant
un usage médiatique de ce “cas” précis ?
Il y a là deux raisons principales. La première
est l’extrême fragilité sociale de Imén, qui n’a
aucune défense légale adéquate, du moment où elle
est obligatoirement soumise à la tutelle de sa
mère, qui refuse ma position, dans cette société
encore fortement attachée à ses traditions islamiques
où la relation de la femme musulmane avec un non-musulman
n’a pas de reconnaissance de droit. De ce fait,
la situation d’isolement de Imèn ne peut que s’aggraver.
En deuxième lieu, ma préoccupation principale
est de ne pas rendre pires les conditions psychologiques
de Imén, en l'exposant à des pressions qui par
ailleurs peuvent servir des fins exclusivement
politiques.
Ma dénonciation se situe exclusivement au plan humain et elle me donne
l'occasion d’approfondir le rôle de la tradition
religieuse qui isole la femme des revendications
plus larges dans le terrain de ses droits. C’est
ici que justement que je voudrais montrer que
cette dénonciation n’est pas purement faite de
l'intérêt d'une satisfaction égoïste d’un besoin
sentimental ou amoureux, mais de celui de l’extension
d'un cas exemplaire à la tragédie humaine de tant
de femmes tunisiennes comme Imén, privées d’un
instrument de revendication sociale sur le terrain
du droit civil au mariage.
Cela
est une réalité brutale qui ne doit pas rester
cachée au sommet international de décembre 2003
à Tunis, axé sur la relance du processus euro-méditerranéen
sur les accords de protection des droits de l’Homme
signés à Barcelone en 1995 par les Pays de l’espace
méditerranéen, Tunisie incluse, naturellement.
La souffrance que cette relation m’a causée et qui continuer de me causer
m’est difficile à exprimer,
comme elle est difficile à concevoir pour
qui n’est pas au courant des détails particulièrement
humiliants qui la concernent. Je ne souhaite à
personne de se retrouver dans la même situation
et espère que la publication de cette lettre pourra
contribuer à renforcer dans les cœurs de beaucoup
de jeunes tunisiennes la conscience de l’oppression
des droits humains contre leur liberté concernant
le mariage. J’espère également que leur volonté
de se libérer de toute hypocrisie sociale pourra
un jour très proche les affranchir et leur permettre
de conquérir la juste liberté.
Je me réserve ainsi de présenter des extraits de cette lettre aux associations
internationales féministes et à ceux qui se battent
pour les droits de la femme afin de pouvoir donner
l’élan nécessaire aux réformes dans le contexte
du statut de la femme et sur la base d’un article
précis de la nouvelle Constitution Tunisienne.
Je me demande amèrement comment une telle méchanceté peut ainsi rendre
une relation d’amour, toute sa richesse de sentiments,
de contenus humains, en l'instrumentalisant de
façon à s’approprier des avantages économiques
ou matériels que le mariage prévu d’une jeune
fille représente pour sa famille, tout en exerçant
des privilèges religieux que la famille traditionaliste
tunisienne prétend détenir absolument, et ce,
en pleine contradiction avec le texte constitutionnel
actuel.
Aujourd’hui la fin de la comédie tressée autour d’une relation qui a été
dénuée de sa valeur profondément humaine, est
marquée par mon refus total de vouloir accepter
le chantage honteux d’une conversion clownesque
à l’Islam, apte à satisfaire la vision idéologique
d’une société aplatie dans le plus banal conformisme.
Toute notre intimité ayant été marchandée à la
lumière de cette réalité rudement égoïste, intéressée
et calculatrice, comment ne pas considérer tout
cela comme étant d'une grande vulgarité ?
Imén est une fille malade à cause d’un entourage
inhumain, à cause d’une sensibilité et une intelligence
restées mortifiées par l’ombre obscurantiste des
traditions qui ne collent plus à la réalité de
notre temps et qui pérennisent le voile du silence,
la soumission et l’incommunicabilité.
Il n'y a pour une jeune fille ni faute, ni erreur morale
dans sa décision de vivre une relation
interdite malgré la mentalité sociale prédominante.
d'accomplir l'acte charnel d’une amoureuse dans
l’intimité d’une cohabitation de quelques mois,
en s‘éloignant ou en fuyant son foyer familial,
du moment que sa volonté est de concrétiser son
désir d’union conjugale par tout moyen possible.
La faute morale est de l'autre côté, elle serait dans le recours au mensonge
comme étant une obligation pour se protéger ou
pour se justifier de ses actes.
Je ne trouve pas indigne ni illégitime le désir et l’aspiration d’une
femme tunisienne de s’unir à un homme de religion
différente de celle de sa famille ou de son clan
d’appartenance, du moment qu’il s’agit d’une personne
adulte et encore plus du moment où elle a exprimé
clairement sa volonté d’être chrétienne et de
désirer un mariage chrétien.
Je
trouve au contraire inapproprié pour un Pays qui
a ratifié une Constitution démocratique, inscrite
dans la reconnaissance « globale et universelle »
des Droits de l’Homme, de vouloir exercer un veto
sur une union matrimoniale qui est pleinement
légitimé du libre choix selon l’intention de l’Art.
16 de la Décl. Univ. des Droits de l’Homme et
de l’empêcher au nom d’une foi religieuse qui
n’est plus pratiquée ni désirée par la jeune femme
en question, comme citoyenne jouissant de la parité
des droits. Les déclarations à la Presse du Président
de Tunisie Ben Ali ont exprimé maintes fois une
leçon de démocratie et d’égalité entre citoyens
hommes et femmes, mais la réalité dément ses paroles.
L’éditorial
de La Presse, premier quotidien tunisien d’information,
reportait samedi 8 mars 2003, dans un article
consacré à l’allocution présidentielle lors de
la Journée mondiale de la Femme, les remarques
suivantes : « des efforts seront également
déployés en vue de changer les mentalités par
l’action de sensibilisation et l’éducation… »,
par rapport à l’égalité de chances dans le monde
du travail. Ensuite : « ces importants
acquis font que la femme tunisienne envisage l’avenir
avec confiance et assurance, surtout que le droit
à l’égalité effective est stipulé dans la Constitution
et que les perspectives renouvelées devant la
femme occupent, grâce à la volonté politique qui
anime le Chef de l’Etat, une place de choix dans
le programme présidentiel pour l’avenir.
Le Chef de l’Etat Tunisien n'est pas seul à avoir déclaré textuellement
l’égalité des droits stipulés dans la Constitution
; Mme Léila Ben Ali elle-même, épouse du Président
de la République, a signé l’éditorial publié par
la revue « Femme », organe de l’Union
Nationale de la Femme Tunisienne, samedi 23 août
2003 à l’occasion de la fête nationale de la Femme,
en marquant ces paroles assez importantes et lourdes
de responsabilité : « …le renforcement
des droits de la femme constitue, à n’en pas douter,
une immunisation de la famille, en tant que cellule
fondamentale de la societé, contre tout ce qui
peut mettre en danger sa stabilité et sa cohésion,
la promotion de la condition féminine étant, au
surplus, une condition sine qua non du progrès
de la société, de son épanouissement et de sa
modernisation.» .
Ensuite
Mme Ben Ali déclare expressément : « Autant
la femme tunisienne est en droit de s’enorgueillir
des acquis qu’elle a accumulés à l’ère du Changement,
autant elle se doit d’être plus consciente de
l’ampleur des paris nationaux à venir, et d’avoir
une conviction plus profonde de l’importance du
rôle qui lui incombe face aux enjeux futurs. (…)
En
outre, elle est, aujourd’hui, investie de tous
ses droits, depuis le droit au respect de ses
spécificités jusqu’au droit de participation à
la vie politique et à la définition des choix
nationaux majeurs, en passant par le droit à la
sécurité et à la cohésion familiale et sociale. »
Assez
significativement, la “First Lady” de Tunisie
nous rassure : « Fidèle à son passé
réformiste, la Tunisie a réussi à mettre en place
des conditions sociales et civilisationnelles
qui ouvrent des horizons plus larges devant la
femme, pour participer à la construction du présent
de la Tunisie et de son histoire, en ravivant
constamment en elle la flamme de l’ambition pour
modeler son avenir … »
Je rends hommage à cette expression de bonne volonté politique, car à
première vue on ne peut que s'associer au souffle
de courage qu'expriment ces paroles généreuses,
lesquelles toutefois devront vite être honorées
par des reformes concrètes et visibles, pour ne
pas les voir pas se faner comme fleurs de rhétorique
- arrosées par le vitriol de la réalité quotidienne.
Car
je trouve indignes de notre sensibilité humaine
et tout à fait immoraux les agissements d’une
famille tunisienne qui par un veto réligieux administratif
boycottent et écrasent le droit sacré d’une jeune
femme à réaliser son bonheur avec l’homme qui
l’aime et qu’elle a élu pour sa vie. Et encore
plus humainement intolérable de détourner toute
tentative de sa part, dans le cas de Imén, d'exprimer
librement ses propres décisions, par des allégations
d’instabilité psychique et d’incapacité conséquente.
Jusqu'à en faire un fantoche incapable
d’agir spontanément et d’exercer sa propre volonté,
en l'assommant de surcroît par un lourd traitement
de sédatifs.
Je crois que personne n'ignore aujourd’hui les effets catastrophiques
de dépendance aux sédatifs, encore plus en raison
du stress de la mécanisation et des formes d’aliénations
des nos sociétés modernes, qui en favorisent la
consommation et le recours continuel.
Par ailleurs, la Tunisie n’est pas avantagée comme l'est le monde occidental
par des services médicaux préparés aux exigences
de la psychothérapie – car la société même ne
reconnaît pas son importance en n’estimant pas
assez le rôle du psychothérapeute, en raison de
certaines formes de tabou religieux. Les jeunes
souffrants du stress familial et social sont souvent
manipulés par des psychiatres « de fortune »
sans aucune formation professionnelle solide et
qui appliquent par conséquent des solutions expéditives,
se limitant à tamponner avec des tranquillisants
les symptômes du malaise psychique.
Dans la plus part des cas, il s’agit des jeunes plus sensibles – souvent
des jeunes filles de tempérament vivace et socialement
plus ouvertes – qui subissent les blessures dérivées
d’un échec scolaire ou le mépris social à la suite
d'un flirt malheureux ayant entraîné la perte
de leur virginité. Régulièrement renvoyées chez
elles avec une liste d’anxiolytiques à bon marché,
la souffrance morale qui est à la base de leur
détresse psychologique restant cachée à l’entourage,
elles subissent en outre les conséquences des
effets secondaires de tels médicaments qui à long
terme vont compromettre leurs capacités scolaires
et leur insertion ludique et sociale : somnolence,
pertes de mémoire et de concentration, troubles
de la vision et du sens de l’équilibre. Effets
qui selon le Prof. Antoine Pelissolo, chercheur
et psychiatre à l’hôpital de la Pitié à Paris
– unique consultation spécialisée en France dans
le sevrage des tranquillisants – s’ils ne constituent
pas un danger pour la vie des patients, entraînent
pourtant une dépendance plus longue à combattre
que celle des drogues dures.
Le cas d’Imén s’inscrit dans ce cadre épouvantable,
aggravé par les trop longues périodes de traitement
systématique avec des substances – les benzodiazépines
– qui ont compromis à jamais son évolution scolaire
malgré ses brillantes ressources intellectuelles
et créatives. À l’âge de vingt-cinq ans, elle
ne réussira pas à franchir le cap du Bac, après
une suite humiliante d’échecs aux examens.
Non, je le déclare, j’ai ne pas serré entre mes bras une folle, ni une
femme psychiquement handicapée, car si avoir eu
des fortes émotions, si aimer une personnalité
particulièrement sensible, signifient pour cette
mère et pour ces anxieux défenseurs de l’ordre
tribal, maladie psychique, alors je l’ai moi-même.
Mais alors, à eux de démentir la logique dont
je suis capable et dont leur surdité par contre
ne saisit pas l’enjeu.
Le
recours à la maladie psychique est probablement
l’arme la plus lâche et déloyale dont la famille
d’Imén pouvait faire utilisation pour condamner
à toujours sa liberté et lui ôter la possibilité
d'échapper au conflit juridique que l’Etat Tunisien
n’a pas encore résolu rationnellement à faveur
d’une plus large liberté, bien qu’elle soit explicitée
par sa nouvelle Constitution. En effet Imén avait
exprimé dans une lettre adressée à sa mère son
intention
de voyager à l’étranger pour réaliser son
vœu d’une heureuse union dans un entourage plus
favorable. Les agissements de sa famille sont
lâches en ce qu'il enfoncent la malheureuse -
j'utilise cette expression volontairement -, dans
l’angoisse des sentiments de culpabilité auxquels
elle ne peut se soustraire qu'en jouant la partie
qui lui est assignée à l’avance, c’est à dire
celle de victime d’un séducteur étranger hostile
à la tradition musulmane. Le portrait ne pourrait
pas être plus éblouissant, car il y a malheureusement
une juxtaposition de faits contradictoires qui
vont favoriser telle interprétation.
Et rien ne peut me peiner davantage que
tels mensonges.
On serait en effet vraiment tenté de liquider toute la relation dans les
termes d’un vulgaire opportunisme, car l’expérience
et la réalité sociale tunisienne favorisent une
telle lecture disqualifiante des relations mixtes
entre une tunisienne et un homme étranger non
musulman.
Mais les situations affectives et le relations
humaines ont toujours des aspects trop subtils
et des articulations complexes qui ne permettent
pas des réponses univoques ou, pour ainsi dire,
tranchantes. Dans des circonstances qui se reportent
inéluctablement à une situation de souffrance,
de repli identitaire et de victimisation, de réclusion
forcée dans un ego quasi « préfabriqué »
et aliéné à ses propres expériences et, ce qu’il
est encore plus exaspérant, d’incommunicabilité,
on est, je crois, vraiment exonéré de prononcer
une condamnation morale directe, « ad personam »,
malgré – et je tiens à le souligner - on a fortement
raison d’y voir
un
défaut moral.
Or quelle est l’origine du défaut moral
et à qui appartient-il ?
Pour
que le discours ne dégénère pas dans une amère
invective vers l’« aventure à l’occidentale »,
autrement dit celle d'une femme tunisienne qui
envisage un flirt avec un homme occidental ou
encore le concubinage (illégal puisqu'au seuil
de la prostitution), comme un tremplin pour amorcer
un mariage dans le seul but de s’installer dans
un Occident économiquement plus prospère et socialement
plus tolérant, l’essentiel est d'analyser cette
présence sociale qui n’est plus simplement accessoire.
Il
y a certes un problème de prostitution. Mais c'est
à l'État tunisien d'en combattre les cause pour
essayer de la limiter. Notre devoir est approfondir
l’analyse des facteurs matériels et émotifs qui
exercent leur action délétère. Comment la jeune
fille tunisienne devient-elle facilement victime
de ce processus de désintégration morale et perd-elle
dirait-on même sa capacité d'auto-estime ?
En
vérité, le danger est énorme, parce que les structures
éducatives et les valeurs morales sont assez conformistes
d’un côté et de l’autre la tolérance humaine et
la capacité de réintégrer moralement la femme
considérée comme déchue, fautive
et débauchée est pratiquement inexistante.
Celui
qui écrit a vécu encore d’autres situations aussi
graves sur le profil humain et moral au point
d'estimer nécessaire une analyse plus approfondie,
peut-être par le biais d’une courageuse enquête
sociale qui pourra dénoncer l’affreux chantage
qui se vérifie dans certaines familles où sous
le voile d’un respect des traditions, on manipule
la vie déjà malheureuse de jeunes filles que l'on
entraîne vers le chemin de la prostitution « de
luxe », dans des grands hôtels ou par l’action
des proxénètes, parfois au sein même de leurs
propres familles.
Je
suis témoin de cela aussi dans mes longues années
de séjours en Tunisie et je crois qu’il y a une
résistance par certains gouvernementaux à prendre
des mesures immédiates contre de tels phénomènes
de dégradation sociale. Car ce qui peut attrister
davantage encore, c’est que l’on refuse par exemple
de réparer un tel désastre en donnant une chance
morale de « nouveau départ », par l'insertion,
grâce à un mariage, dans une autre famille, quand
par exemple la jeune fille a rencontré un partenaire
qui comprend ses blessures, ses humiliations de
jeune fille condamnée à subir le pouvoir destructif
des menaces et des conditions de mauvais liens
de famille, où elle était délibérément vendue
comme une marchandise. Cette chance de nouveau
départ est interdite par le chantage de la « conversion »
islamique ou pire, par le refus total du mariage
avec un homme chrétien ou occidental, au profit
de la poursuite sur le chemin de la prostitution.
Telles sont les situations dramatiques auxquelles
on peut parfois assister et dans ce cas hélas
l’élément religieux intervient comme justificatif
même de tels crimes humains. On n'accepte pas
la conversion de la jeune fille et son insertion
dans le cadre d’une nouvelle appartenance religieuse
sûrement plus tolérante, alors qu'on estime « plus
juste » leur vie d’esclavage.
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