Psychanalyse et idéologie

Micheline Weinstein • Lettre à Jean-Pierre Faye 2006

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Il est plus facile d’élever un temple que d’y faire descendre l’objet du culte

Samuel Beckett • « L’Innommable »

Cité en exergue au « Jargon der Eigentlichkeit » par T. W. Adorno • 1964

It is easier to raise a temple than to bring down there the worship object

Samuel Beckett  « The Unspeakable one »

Underlined in « Jargon of the authenticity » by T. W. Adorno • 1964

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Personne n’a le droit de rester silencieux s’il sait que quelque chose de mal se fait quelque part. Ni le sexe ou l’âge, ni la religion ou le parti politique ne peuvent être une excuse.

Nobody has the right to remain quiet if he knows that something of evil is made somewhere. Neither the sex or the age, nor the religion or the political party can be an excuse.

Bertha Pappenheim

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ψ  = psi grec, résumé de Ps ychanalyse et i déologie. Le NON de ψ [Psi] LE TEMPS DU NON s’adresse à l’idéologie qui, quand elle prend sa source dans l’ignorance délibérée, est l’antonyme de la réflexion, de la raison, de l’intelligence.

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© Micheline Weinstein


Lettre à Jean Pierre Faye
Invité d'honneur permanent de l'Association

Paris, le 24 août 2006

Cher Jean Pierre,


...et voilà que ça dure depuis vingt ans tout juste... Avec et pour toi, cela dure seulement depuis plus de quinze ans, c'est-à-dire quand j'ai participé en 1991 et 92 aux premier et deuxième colloque que tu sais, uniquement et tout simplement pour pouvoir te publier.
Cette association que j'ai créée, les éditions, le site, dont j'ai assuré seule, jusqu'à l'an passé, la continuité financière, c'est-à-dire l'existence, avec des moyens que je n'avais pas, fonctionnait à peu près tant que Françoise Dolto était là pour m'imposer quand c'était nécessaire, se heurtant souvent aux difficultés habituelles. Depuis son départ, les relations avec les éditeurs, grâce à mes estimés collègues qui, pour beaucoup, ont une place en leur sein, nous sont devenues impraticables.
Depuis vingt ans, des analystes, les uns après les autres, individuellement ou en groupe, ont eu tendance à vouloir essayer d'absorber, de récupérer l'association, principalement via son joli nom.
J'ai dû finir par déposer la marque, comme on fait avec les cosmétiques...
Contre quoi, il traîne dans les officines et les caniveaux que l'association, l'édition, le site, les intitulés, les travaux, c'est moi seule, exactement comme s'il s'agissait d'une page de “blog” actuelle.
Alors que parmi d'autres auteurs de notre choix, tous ces analystes, universitaires et assimilés, ont été publiés par notre association, 200 environ, depuis 1989. Et qu'il suffit de se reporter au sommaire qui figure à la page « Courrier » du site pour trouver les archives, les auteurs, les infos, le caractère de l'association, où mon rôle de président consiste à la présider au plan administratif et, et naturellement, d'origine, à assurer la qualité de ses publications, qui réservent un espace égal à la psychanalyse et aux arts.
Au début de l'été encore, lors du Festival de la Correspondance à Grignan, quelqu'un a carrément présenté au public sa communication, avec un titre et des notes qui m'appartenaient, mais qui heureusement étaient déclarés. Cela, on ne me l'avait pas encore fait. J'ai dû exiger un erratum public et l'interdiction de les reproduire, dans les comptes-rendus et autres minutes des colloques et congrès, sans aucune intention de m'abaisser à un recours juridique. L'erratum public n'a pas été fait, les affiches et programmes n'ont pas été modifiés, malgré la lettre manuscrite qui s'était engagée à le faire. J'ai alors dû adresser un rectificatif, dès le lendemain de la clôture de cette manifestation culturelle, aux institutions et aux média qui en relevaient.
C'est ce qu'on appelle dans notre vocabulaire un “acting out”, un de plus. Mais, ici, jusqu'à présent, inédit.
Les rivalités, ces jalousies infantiles, de la part des milieux analytiques et ceux qui les fréquentent, sont navrantes et scabreuses. ce qui témoigne que, contre tout espoir de Freud, les analystes se conduisent comme tout le monde.
D'où le substantif de “Gesindel” lancé à leur intention, que l'on reproche encore à Freud lequel, effectivement n'y est pas allé de main morte.
Les analystes, toutes tendances confondues, depuis l'après-guerre n'ont pas lu, lisent encore moins que pas, Freud, aujourd'hui.
C'est ainsi que, pour la plupart, les analysant/e/s qui nous arrivent, sur plus de deux générations, n'ont aucune idée de ce qu'est la psychanalyse, autre que déformée, contrefaite, banalisée, une sorte de “hobby” surdimensionné par les médias.
C'est là l'effet produit par la « Lacanpride ».
Pendant ce temps-là les analystes s'occupent de leur “moi d'abord”, à toutes marches cinématographiques de la hiérarchie, éparpillant des ragots sur leurs contemporains, afin de bien les discréditer, les saloper - depuis 40 ans j'en ai entendus, notamment ceux de Lacan sur Dolto et alii ! Sans s'intéresser; cela va de soi, le moins du monde aux travaux de chaque auteur, si ce n'est pour les piller, tout à fait comme dans les sectes ou sous Staline.
Voilà pour le tableau d'ensemble.
Sur ce qui nous occupe, c'est-à-dire l'organisation d'un colloque, d'une journée ou autre intitulé à trouver, dont le sujet est la responsabilité intellectuelle devant l'histoire, je n'ai pas changé d'un iota depuis vingt ans. Et n'ai pas cessé de l'écrire, dans chacun des textes que j'ai publiés.
Donc les nouvelles, depuis la dernière réunion de bureau.
Le lieu : *** ayant accepté de trouver un amphi prestigieux, pour ce faire, avait tout simplement supprimé les références et le nom de notre association pour les remplacer par les siens. Par ailleurs, mais aussi, - *** y est partie prenante -, dans la mesure où je connais des personnes de qualité - ce qui est fort utile ces temps-ci -, considérées comme “de droite”, j'en suis punie et les analystes contactés personnellement pour ce colloque se sont désolidarisés radicalement de nos projets.
Tout cela pour te dire que les obstacles rencontrés jusqu'à présent ne sont que d'ordre matériel, pratique.
À la lumière donc de tous ces impedimenta inintéressants, destinés à empêcher de penser, le bureau de l'association a choisi de procéder différemment, c'est-à-dire de ne plus compter sur personne.
Les relations de qualité des uns et des autres membres de l'association sont maintenant suffisamment solides et peu nombreuses, pour que nous envisagions, prenant le temps nécessaire, une journée dans un lieu qui nous convienne.
Dès que le cadre matériel de cette journée sera en place, je te le dirai. Et si cela te va, nous en rédigerons ensemble l'argument définitif, avec son titre, les différentes formes d'interventions, les auteurs. Ta lettre et les précédentes sont sur mon bureau, ainsi je ne risque pas de le perdre de vue, mais au contraire de garder vivace ce très ancien projet.
Avec toute mon amitié,

M. W.

 

 

 

ψ  [Psi] • LE TEMPS DU NON
cela ne va pas sans dire
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