Psychanalyse et idéologie

Psi . le temps du non

Micheline Weinstein

...de la civilisation / de la dénégation...

Ø

Il est plus facile d'élever un temple que d'y faire descendre l'objet du culte

Samuel Beckett • « L'Innommable »

Cité en exergue au « Jargon de l'authenticité » par T. W. Adorno • 1964

Ø

Personne n’a le droit de rester silencieux s’il sait que quelque chose de mal se fait quelque part. Ni le sexe ou l’âge, ni la religion ou le parti politique ne peuvent être une excuse.

Bertha Pappenheim

Micheline Weinstein

18 janvier 2008

...de la civilisation / de la dénégation... *

En dernière analyse, quand les choses ne sont plus à comprendre, lisez les poètes.

Freud, cité par François Perrier

Le drame des jeunes d'aujourd'hui, c'est le manque total de mystère de l'inconscient. Ils désirent de l'inexistence.

François Perrier

Hoirie • Héritage des anciens, ai-je trouvé en faisant des mots fléchés.

Les “jeunes d'aujourd'hui” sont aujourd'hui entre “quadra-” et “quinqua-”. Leurs enfants, s'ils en ont, sont aujourd'hui les jeunes d'aujourd'hui. Captés par les images et par les excès de décibels intrusifs ont-ils encore un imaginaire qui laisse flâner leur imagination ?

Mais commençons par un fait divers. 

Lettre aux institutions de référence, aux personnes et personnalités de toutes conditions et à la Halde

Vendredi 4 janvier 2008.

Comme un café, place de la Convention, est un lieu informel de réunion de sympathisants, nous avions décidé, avec Noureddine, d'aller y manger un morceau. Noureddine est père de ma petite-fille d'adoption, Kenza (cf. Baba Yaga à « Audio / vidéo » sur le site, et Récit de Noureddine à « Courrier »).

Il était 14 h. Noureddine est algérien, apparemment ça doit se voir. D'abord “on” ne nous sert pas - ce qui est assez fréquent dans les brasseries du coin quand nous sommes ensemble, également place Jacques Marette, même quand notre jolie Kenza, 8 ans, est avec nous.

Après 20 minutes, j'appelle le serveur qui nous dit qu'il arrive et... n'arrive pas. Encore 1/4 d'heure (nous sommes patients).

Enfin, quand le serveur vient prendre la commande, il nous déclare qu'il n'y a plus de ceci ni de cela et nous propose les plats et les boissons les plus chers. Je lui demande s'il nous mène en barque. Bref, il prend notre modeste commande, nous amène la boisson - du coup nous ne pouvons plus partir sauf à faire un éclat. Nous attendons encore une petite demi-heure... des hamburgers (préparation rapide).

J'étais allée retirer 100 €  dont j'avais besoin, au guichet de la S. G. car je ne règle jamais mes divers achats par carte bleue dans ce quartier, vu mon nom bien juif. Au moment de l'addition, je donne un billet de 50 € au serveur et le second tombe de ma poche (50 € également). Le serveur les ramasse et les fourre dans la sienne. J'attends la monnaie et le prie de me restituer le billet de 50 € escamoté, en lui demandant cette fois s'il se fout de nous. La terrasse était pleine et même à voix discrète, elle porte, il a dû s'exécuter en bafouillant des imbécillités.

Ce quartier est détestable, mais il paraît, à chaque fois que je m'en étonne, que c'est bien connu...

Bonne année 2008 !

Noureddine, harcelé par les démarches administratives quotidiennes, pour rester un paisible père et un homme agréable, prend sur le temps, il a du mal à en trouver pour continuer d'écrire son livre.

Commençons par l'héritage des anciens, à propos de civilisation, via l'intitulé de notre association (se reporter à la page d'accueil du site, lien ci-dessous),

Accueil

En 1983, j'étais invitée à présenter un travail de commande pour l'École Freudienne, aux séminaires de laquelle j'assistais, à partir de la traduction, particulièrement difficile, que nous venions de terminer avec Petra Menzel, La libido chez Freud et l'Éros chez Platon, de Max Nachmansohn.

J'avais étudié pendant des semaines le sujet de la rupture Freud / Jung, avais acquis la copie de l'édition originale de 1905 des 3 Essais en allemand [Lien] pour suivre l'évolution des notes de Freud à chaque réédition, en même temps que je reprenais la correspondance de Freud avec ses différents interlocuteurs ainsi que l'histoire du mouvement analytique. 1905 est l'année de séparation de l'État d'avec l'Église.

Ceci, bien que dans le circuit de l'analyse en vogue depuis un certain temps, je n'eus pas encore compris le fonctionnement de la transmission de l'enseignement lacanien, plus précisément celui de la place réservée à l'importance de la parole des analystes praticiens rendant compte de leurs travaux théoriques.

Après une vingtaine de minutes d'exposé, au moment où j'abordais l'hypothèse de Freud selon laquelle l'homosexualité ne serait pas à ranger dans la catégorie structurelle des perversions, je me suis entendu dire, par l'Autorité présidente de ce soir-là : « Ça suffit ! ».

Anna Freud, en 1977, apportera sa contribution à l'évolution de certains descriptifs de la vie amoureuse par son père, en observant lors d'un Congrès que,

Certaines remarques de Freud concernant l'attitude des femmes vis-à-vis des tâches culturelles sont la conséquence de l'exclusion des femmes de la vie professionnelle à son époque. En tant que description, elles ne sont plus valables à notre époque où toutes les activités professionnelle sont ouvertes aux femmes, dans les affaires, la médecine, le droit, ou à la tête des États.

Freud, honnêtement, a reconnu, sitôt la première édition des 3 Essais parue, que la femme représentait pour lui un continent tamisé où il perdait un peu ses repères conceptuels, il laissait ainsi préférentiellement aux analystes femmes l'analyse de la sexualité féminine avec son incidence sur la vie amoureuse ultérieure.

En 1991, puisque j'avais accepté de publier un Colloque de collègues, on m'accorda tout de même une intervention. Cette fois, ma réflexion critique portait sur la théorie dudit “Nom-du-père” chez Lacan. J'utilisai mon temps de parole pour placer ce paragraphe de l'introduction de Heidegger à « Was ist Metaphysik ? », réédition de 1949,

S'il en était ainsi de l'Oubli de l'être, ne serait-ce pas une raison suffisante pour qu'une Pensée qui pense l'Être soit prise d'Effroi, car rien d'autre ne lui est possible que soutenir dans l'Angoisse ce Destin de l'Être afin de porter d'abord la Pensée en présence de l'Oubli de l'Être ? Mais une Pensée en serait-elle capable tant l'Angoisse ainsi destinée n'est pour elle qu'un État d'Âme pénible ? Qu'à donc à faire le Destin Ontologique de cette Angoisse avec la Psychologie et la Psychanalyse ?

Et dans la langue, à l'intention des germanistes, qui sauront y mettre le son :

Wäre wenn es mit der Seinsvergessenheit so stünde, nicht Veranlassung genug, dass ein Denken, das an das Sein denkt, in den Schrecken gerät, demgemäss, es nichts anderes vermag, als dieses Geschick des Seins in der Angst aus zuhalten, um erst das Denken an die Seins vergessen heit zum Austrag zu bringen ? Ob jedoch ein Denken dies vermöchte, solange ihm die so zugeschickte Angst nur eine gedrückte Stimmung wäre ? Was hat das Seins geschick dieser Angst mit Psychologie und Psychoanalyse zu tun ?

J'avais demandé à Jean-Pierre Faye, invité d'honneur de cette manifestation, de bien vouloir lire le texte allemand devant l'auditoire.

C'était, là encore, un travail assez volumineux.

Mais comme j'avais été programmée en toute fin de colloque, juste avant la courte synthèse de clôture par l'organisateur, je me suis entendu dire qu'il me fallait conclure très rapidement car “on devait rendre la salle”.

Des tas de fois comme ça... ce ne sont que deux exemples...

J'ai appris il n'y a pas si longtemps, deux ans environ, de la bouche même de cet organisateur que, quand “on” ne voulait pas écouter ce que quelqu'un avait à dire, “on” programmait ses travaux juste avant l'heure de fermeture imposée, ici dans le grand amphithéâtre de la Maison de la Chimie à Paris. Le locuteur doit ainsi obligatoirement se taire. Il semblerait alors que cette manière de procéder par élimination de la parole de l'autre signifie que  l'“on” ne veut délibérément pas savoir.

Or pour Freud, ne pas vouloir savoir témoigne de la résistance et de la force contraire à la psychanalyse les plus irréductibles, d'où résulte une difficulté, sinon une impossibilité pour l'esprit, à se représenter la notion-même de civilisation, à la conceptualiser.

La civilisation - Kultur en allemand -, exactement comme la psychanalyse, est étayée du désir constant de savoir, issu de la “curiosité polymorphe infantile” non satisfaite qui, dans un premier temps, apprend déjà à accéder, en acceptant d'abandonner le plaisir instantané que procurent les répétitions infantiles, à la maîtrise de ses pulsions les plus abominables, cet invariant chez tout être humain parlant et pensant.

Après quoi, bon vent et jolie brise, c'est à chacun/e son frayage pour avancer de sorte d'entrevoir ce « Là où “Ça” était “Je” doit advenir » qui lui permettra de s'impliquer réciproquement dans le public comme dans le privé avec une certaine “classe”, pour ne pas employer de grands mots.

 

* N. B. Toutes les références aux textes, auteurs, documents, figurent dans le site.

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