L'association
ψ
[Psi]
LE TEMPS
DU NON
existe maintenant, déclarée sous
cette appellation depuis 28 ans tout juste
- 1983 sous un autre nom, trop parisien. Elle
a toujours pour but de favoriser la réflexion
pluridisciplinaire par les différents moyens
existant, la publication et la diffusion de matériaux
écrits, graphiques, sonores, textes originaux,
uvres d'art, archives inédites, sur
les thèmes en relation à la
psychanalyse, l'histoire et l'idéologie.
ψ =
psi grec, résumé
de Ps ychanalyse
et i déologie.
Le NON
de ψ
[Psi]
LE TEMPS DU NON
s'adresse à l'idéologie
qui, quand elle prend sa source dans l'ignorance
délibérée,
est l'antonyme de la réflexion, de la raison,
de l'intelligence.
ø
© Jean-Jacques Pinto / janvier-février
2013
Travaux
• Traduction et interprétation
• Propagande et psychanalyse
Résumés en français,
anglais, allemand, italien, espagnol, portugais, russe
• Psychanalyse et neurosciences
• La personnalité du Cyrano de Rostand
• Présentation de l’A.L.S.
ø
Traduction et
interprétation
L’interprétation en
psychanalyse
Traduction, transcription, ou
translittération ?
Ce
texte, distribué aux étudiants de Mme Inès
OSEKI-DÉPRÉ (Master "littérature mondiale et
interculturalité", Spécialité : traduction
littéraire, Faculté des Lettres d'Aix-en-Provence), est en cours
d'évaluation pour publication - sous une forme plus
développée - dans la revue du CLAIX (Cercle linguistique d'Aix-en-Provence).
Translation and interprétation
This paper, handed to the students of Mrs. Ines
OSEKI-DÉPRÉ (Master "orld Literature and interculturality,
Subject : literary translation, Faculté des Lettres, Aix-en-Provence,
France), is under review for publication - in an extensive form - in the CLAIX
publication (Cercle Linguistique d'AIX-en-Provence).
I. INTRODUCTION
• Nous parlons ici de
l’interprétation en psychanalyse freudo-lacanienne,
différente de l’interprétation en psychologie analytique
jungienne.
• En dépit de ce
qu’on peut lire même sous la plume de certains psychanalystes, l’inconscient
n’est pas archaïque, primitif, sous-développé ou
inculte. Il connaît toutes les possibilités de transformation
linguistiques et rhétoriques, et utilise pour se manifester toutes les
combinaisons et permutations imaginables.
Exemple vécu :
une amie marseillaise, peut-être travaillée par la faim,
s’écrie devant un immeuble monumental : "Quelle belle
charcuterie", au lieu de "Quelle belle architecture".
C’est une anagramme presque parfaite (à part le t
répété dans architecture). L’inconscient a fourni
instantanément le résultat de la permutation, là où
la pensée consciente aurait mis au minimum une dizaine de secondes (par
exemple dans l’ancien jeu télévisé : "le mot le
plus long").
De même, indique Freud, on
trouve souvent dans le rêve "des opérations très
complexes que le rêveur accomplit avec une facilité
stupéfiante".
• Le "codage"
inconscient peut utiliser n’importe quel niveau de complexité
linguistique, donc la solution - le déchiffrement des énigmes
qu’il nous soumet - relève de n’importe quel niveau :
« Tout élément linguistique, du trait distinctif des
phonèmes à la transformation et à la phrase, est un
support potentiel de l’insistance du signifiant » (Mitsou Ronat).
Nous insisterons aujourd’hui sur les rébus inconscients,
ignorés du grand public et souvent hélas de beaucoup de
psychanalystes. Pour celà nous recourrons au fonctionnement des langues
à écriture non alphabétique.
• Annonçons déjà que la limite de
l’interprétation en psychanalyse freudienne, c’est sa
disparition : les analystes doivent être "sourciers"
(orientés vers la source) et non "ciblistes" (orientés
vers la cible). L’interprétation doit émerger et
s’imposer du réseau d’associations faites par le patient
à partir d’une des formations de l’inconscient (rêve,
symptôme lapsus etc.), réseau qui conduit non pas à une
explosion combinatoire, mais à des nœuds où se recoupent les
fils associatifs et où se lit la solution. Quand Freud lui-même se
détourne de sa propre méthode, il devient cibliste : c’est
l’inconscient de l’analyste augmenté de ses normes qui
parle, et non celui du patient.
II. LES LANGUES A
ÉCRITURE NON ALPHABÉTIQUE
A. Il vaudrait peut-être
mieux les nommer "Langues à écriture non
phonétique", car il existe
1. des écritures
phonétiques : alphabétiques ou syllabiques
2. des écritures non
phonétiques au départ, mais en fait toujours mixtes :
sumérien, akkadien, égyptien, hittite hiéroglyphique,
chinois. Nous prendrons deux exemples, l’un antique,
l’égyptien hiéroglyphique, l’autre actuel, le
chinois.
a) L’écriture
égyptienne. En théorie, chaque signe peut :
(1) dessiner la chose
concrète à représenter : pictogrammes (maison, arbre, animal), signes à valeur figurative ;
(2) évoquer un concept
abstrait : idéogrammes (dérivation du sens concret par des figures de rhétorique comme
métaphore, métonymie, synecdoque : jour, mère, marcher),
signes à valeur symbolique ;
(3) écrire sous forme de rébus les consonnes correspondantes sans noter les voyelles : phonogrammes, signes à valeur phonétique :
(a) Les signes unilitères correspondent, à l'origine, à des
signes-mots d'une seule consonne, mais sont utilisés comme nos lettres
de l'alphabet pour noter des consonnes.
(b) Les signes bilitères valent pour deux consonnes. La pénurie de
figures symboliques mène au rébus graphique.
Encyclopædia
Universalis :
"Toutefois, si
ingénieux soit-il, l’homme peut difficilement traduire dans le
système pictographique des abstractions comme « se souvenir
» ou « aimer ». Pour exprimer ces conceptions, […] le
système d’écriture égyptien utilisa […]
l’homophonie et le rébus graphique.
Le principe de l’homophonie
est simple : dans la langue parlée, « échiquier » se
disait men. Le dessin qui représentait un échiquier fut
alors utilisé, d’une part, pour signifier l’objet
échiquier, mais aussi pour écrire le son « men » ; le
mot abstrait « rester, demeurer », qui se prononçait ainsi,
s’écrira donc, lui aussi, par l’échiquier. La «
houe » se disait mer, le dessin qui la représente servira
de plus à écrire le mot homophone mer « amour ».
[…] Mais, même ainsi,
le nombre d’homophones est limité, et il fallut trouver un moyen
d’étendre le procédé à des mots
composés. Par exemple, le mot « établir » se disait
s(e)m(e)n, pour lequel il n’existait pas d’homophone qui puisse
être dessiné ; le scribe utilise alors deux images qu’il
accole l’une à l’autre : une pièce
d’étoffe pliée qui se lisait s(e), et
l’échiquier m(e)n , et l’ensemble des deux se lit alors :
s(e) + m(e)n = s(e)m(e)n. […] C’est le principe du rébus
graphique dans lequel le mot
« chagrin », par exemple, pourrait être
décomposé en deux dessins : un « chat » suivi
d’un « grain »."
(c) Les signes trilitères valent pour trois consonnes : n(e)f'e)r (dessin
d’un instrument de musique) note par homophonie le mot "beau".
(4) enfin chaque signe peut,
placé à la fin d'un mot et non prononcé, classer ce mot
dans une catégorie de sens (déterminatif) : signes à valeur déterminative.
Encyclopædia
Universalis :
"Pour distinguer entre les
mots similaires d’une part, d’autre part sans doute pour
séparer les mots entre eux, les scribes prirent peu à peu
l’habitude d’ajouter, après les signes écrivant
phonétiquement le mot, un idéogramme indiquant à quelle
catégorie générale ce mot appartenait. Ainsi les mots
impliquant une notion de force seront suivis du signe d’un bras
armé ; les noms d’animaux, d’oiseaux seront suivis
d’un bœuf, ou d’une chèvre, ou d’une oie ; les
noms de plantes, de fleurs, les mots abstraits, d’un rouleau de papyrus
scellé. On a appelé déterminatifs ces idéogrammes
qui, bien entendu, ne se lisent pas."
b) L’écriture chinoise repose sur les mêmes principes que la
précédente, et comprend :
(1) des pictogrammes (objet) : soleil, lune
(2) des idéogrammes
simples (idée) : symbole
(représentation abstraite). Exemples : les chiffres 1, 2, 3. Les
caractères "shang" (monter), "xia" (descendre).
(3) des idéogrammes
composés (idée) :
combinaison simples, sans phonétique formant de nouveaux mots : soleil +
lune -> lumière ; femme + enfant -> (être) bien ; femme +
toit -> paix
(4) des emprunts rébus : le signe "wo" (je) désignait
à l’origine la hallebarde, homophone.
(5) des idéophonogrammes (cf en égyptien phonétique +
déterminatif): femme (catégorie) + cheval (son "ma")
-> caractère "ma" (maman); l’équivalent du
déterminatif se nomme "clé".
B. Dans ces écritures, le
"contenu manifeste" (ce qui se voit, le dessin) diffère, sauf
pour les pictogrammes, du "contenu latent" (ce qui se lit), chaque
signe peut se lire de plusieurs façons, et cette lecture dépend
du contexte : en égyptien le signe "pr" (maison) peut
signifier le mot "maison", dans un autre mot "hpr"
(naître) les consonnes "p" + "r", enfin placé
à la fin d'un mot, il indique qu'il s'agit d'un bâtiment ou d'une
partie de bâtiment.
Dans les formations de
l’inconscient comme dans ces écritures chaque
élément à interpréter a plusieurs lectures, et
c’est le contexte (ici les associations du "patient") qui donne
la fonction de chaque élément.
Les raisons qui ont
empêché pendant près d’un millénaire et demi
le déchiffrement des hiéroglyphes, notamment la
méconnaissance des rébus graphiques, s’apparentent à
celles qui faisaient et font souvent encore obstacle au déchiffrement de
l’inconscient, avec en prime le "conflit des
interprétations".
Extrait de notre article dans Marges
Linguistiques :
« […] les cliniciens
de la psychanalyse […] partent certes d’un matériel verbal
abondant, mais se condamnent à une babélique confusion des
langues, faute d’expliciter leurs procédures de traduction du
contenu manifeste (le matériel verbal) au contenu latent (ce
qu’ils y lisent). Prenons, a contrario, l’exemple du
déchiffrement de l’écriture cunéiforme (le
parallèle entre l’inconscient et les écritures
non-alphabétiques est constant chez Freud et Lacan) (Doblhofer, 1959,
pp. 137-138) :
"On envoya sous pli cacheté
à chacun des quatre assyriologues la copie d’une inscription
cunéiforme qu’ils ne pouvaient connaître parce que
récemment découverte. […] Les quatre savants furent
priés de la traduire chacun pour son compte et de faire connaître
le résultat de leur déchiffrement. […] Les transcriptions
revinrent, également cachetées, à la Société
[la Royal Asiatic Society] qui choisit un jury et convoqua une assemblée
solennelle. On put alors étaler aux yeux du monde entier la preuve
éclatante que la jeune assyriologie reposait sur des fondements solides.
Les quatre textes concordaient sur tous les points essentiels, bien qu’on
dût y reconnaître évidemment de légères
divergences […] Mais selon l’avis unanime du jury, le
déchiffrement était une affaire acquise."
On imagine mal l’obtention
d’un tel résultat en soumettant un rêve, une séance,
une portion de biographie, une interview ou quelque matériel verbal que
ce soit à quatre psychanalystes différents […] En
psychanalyse règne donc le conflit des interprétations».
III. LES FORMATIONS DE
L’INCONSCIENT On désigne en
psychanalyse par cette expression l’ensemble constitué par les rêves,
les symptômes des différentes névroses
(hystérique, obsessionnelle, phobique), les lapsus, oublis et actes manqués, et l’on y rattache les mots
d’esprit. A titre bibliographique on peut lire les trois seuls
livres de Freud où il donne vraiment tout le matériel
d’associations qui lui sert à asseoir ses interprétations
(et donc, en accord avec Karl Popper, nous laisse la possibilité de les
réfuter !) :
Psychopathologie de la vie
quotidienne
L’interprétation
des rêves
Le mot d’esprit et ses
rapports avec l’inconscient.
A. Ces formations de
l’inconscient fonctionnent en grande partie comme les écritures
non alphabétiques, notamment — et nous commencerons par là
— en ce qui concerne le recours au rébus graphique (pour Freud
fonctionne le principe, simplifié pour l’occasion : "Le
rêve est un rébus, nos prédécesseurs ont
commis la faute de vouloir l'interpréter en tant que dessin")1-2.
1 Lacan : "Telles les figures hors nature du bateau sur le
toit ou de l’homme à tête de virgule expressément
évoquées par Freud, les images du rêve ne sont à
retenir que pour leur valeur de signifiant, c’est-à-dire pour
ce qu’elles permettent d’épeler du « proverbe »
proposé par le rébus du rêve. Cette structure du
langage qui rend possible l’opération de la lecture est au
principe de la signifiance du rêve, de la Traumdeutung."
(in « L’instance de la lettre dans l’inconscient ou la
raison depuis Freud »)/
2 Lacan : "Voyez les hiéroglyphes
égyptiens : tant qu’on a cherché quel était le
sens direct des vautours, des poulets, des bonshommes debout, assis, ou
s’agitant, l’écriture est demeurée indéchiffrable.
C’est qu’à lui tout seul le petit signe
« vautour » ne veut rien dire ; il ne trouve sa
valeur signifiante que pris dans l’ensemble du système auquel il
appartient. Eh bien ! les phénomènes auxquels nous avons
affaire dans l’analyse sont de cet ordre-là, ils sont d’un
ordre langagier." (Entretien avec Madeleine Chapsal paru dans
L’express du 31 mai 1957).
1. Il existe d’une part des
rébus inconscients portant sur des mots : apparition, par exemple dans un rêve, d’images dont la
lecture phonétique aboutit à des mots mono-, di- voire
trisyllabiques homophones de ces images. C’est bien sûr la
séquence des associations d’idées du rêveur, et elle
seule, qui garantit, par le contexte qu’elle fournit, la lecture
phonétique plutôt que figurative ou symbolique.
Freud : "Le contenu
du rêve nous est donné sous forme d’hiéroglyphes dont les signes doivent être successivement traduits dans les
pensées du rêve [les associations du rêveur]".
Quelques exemples :
a) Dans un rêve
apparaissent successivement une île, puis une faux. La
lecture par pictogrammes aboutit à un non-sens : aucun rapport entre une
île et une faux. La lecture par idéogrammes donnerait par exemple
: l’île symbolise l’isolement, la faux symbolise la mort,
donc cette séquence signifie l’isolement conduit à la
mort. La lecture phonétique, confirmée par les association
du rêveur, montre que la séquence est à prononcer :
"il faut", et que le rêve énonce un impératif
dont le contenu est à déchiffrer dans la suite du rêve.
N.B. : nous ne parlerons pas ici de la présence de
déterminatifs dans certains rêves, c’est-à-dire
d’éléments qui, sans être eux-mêmes à
lire, n’apparaissent que pour orienter ou préciser la lecture
d’autres éléments du rêve, par exemple pour indiquer
si tel élément doit être lu comme pictogramme,
idéogramme ou phonogramme.
b) Une épouse
délaissée par son mari rêve une nuit du chanteur Gilbert
Bécaud. Les associations qu’elle fait dans les séances
suivantes livrent le rébus suivant : elle désire que son mari,
prénommé Gilbert, se remette à lui faire des bécots (à lui donner des baisers).
c) Une jeune femme ne
pouvait s'empêcher de tromper sans motif son compagnon régulier
avec un amant ; elle fait une nuit un rêve où elle se
promène avec cet amant sur les quais de Londres et contemple un port
de plaisance. Le psychanalyste lui demande un synonyme de "port de
plaisance" et la patiente répond "une marina". Or il se
trouve que c'est son prénom, d'où une signification possible du
rêve, confirmés par les séances suivantes : "m'appelant
Marina, je suis moi-même un port de plaisance, l'homme avec qui je trompe
mon compagnon est dans la réalité un marin, qui a
probablement "une femme dans chaque port" (et un port dans chaque
femme ?!). La jeune femme avait pour des raisons anciennes un fantasme de
prostitution. Son comportement a progressivement changé par la suite.
d) Dernier exemple : une
enseignante commence une psychanalyse car, abandonnée par son ami
(Jacques) qui la torture psychologiquement en s’exhibant au bras de ses
nouvelles conquêtes, elle n’arrive pas à faire le deuil de
cette relation et à rencontrer un autre homme. Après quelques
mois surviennent les deux séances suivantes :
(1) Elle parle de Jacques
pendant un quart d’heure, s’interrompt pour décrire la seule
image qui lui reste d’un rêve de la nuit : elle est dans une
grande prairie verte, puis termine la séance par des associations
diverses. Le psychanalyste vers la fin de la séance entend se
former dans son esprit un jeu de mots tellement saugrenu qu’il
l’écarte avec scepticisme : Jacques, pré vert -> Jacques
Prévert.
(2) Lors de la séance suivante, presque identique, la patiente
parle de Jacques pendant un quart d’heure, s’interrompt pour dire
qu’elle a rêvé mais qu’elle a oublié son
rêve, puis enchaîne : "ce matin j’ai traité en
cours un poème de Jacques Prévert". Quelque temps
plus tard elle a pu revenir sur son rêve, est passée
elle-même par association phonétique de la prairie verte au
pré vert, pour finir par énoncer l’anagramme "Je
trouve Jacques pervers", ce que sa conscience admettait
d’emblée mais que son inconscient refusait jusqu’au
rêve. Cette reconnaissance lui a permis de se détacher de cet
homme, et de rencontrer peu après quelqu’un d’autre.
(3) Dans ce rêve, l’inconscient combine le rébus (pré
vert) avec l’anagramme (pervers). Il peut recourir à
d’autres permutations comme la contrepèterie : un rêve
où figurent des poutres de fer se révèle par les
associations du rêveur concerner le foutre
du père (son sperme).
2. Il existe d’autre part des rébus inconscients portant
sur des expressions entières, sans
recours à homophonie : le rébus met alors en images une
expression figée ("rouler à tombeau ouvert",
"avoir le pied au plancher") et la scène obtenue fait
énigme par le non-sens apparent d’une métaphore illustrée
à la lettre. Si ce procédé ludique n’est pas
attesté dans les écritures non alphabétiques, il
apparaît dans les livrets "idiomatics" (répertoires
comparatifs bilingues d’expressions) ainsi qu’au cinéma
(Chico Marx demande à son frère Harpo adossé à une
maison : "tu tiens le mur ?"; celui-ci acquiesce,
s’écarte, et le mur s’écroule …!).
Exemple en psychanalyse : un patient qui a entendu la veille une
amie dire de son analyste (à lui) "je le trouve en perte de
vitesse" se rêve au sommet d’un immeuble
d’où il voit avec effroi un avion tournoyer lentement en
perdant de la vitesse pour s’écraser finalement quelque part
dans la ville.
3. L’existence de ces deux types de rébus montre clairement
que l’analyste doit absolument connaître la langue maternelle des
patients s’il veut, pour lui-même, anticiper sur la solution des
énigmes inconscientes qu’ils énoncent, solution
qu’encore une fois seuls les recoupements associatifs peuvent valider.
D’autre part il lui faut en quelque sorte se rendre aveugle aux images qu’on lui rapporte pour ne pas rester sourd aux sons qu’elles véhiculent …
4. En dehors des rêves, et sans parler des calembours et charades
avec ou sans tiroirs (cf. Freud : Le mot d’esprit), on rencontre
des rébus-charades :
—
dans les
lapsus et les oublis de mots.
—
Exemple
de Freud : un jeune homme oublie le mot latin aliquis; ses
associations, dont la première, qu’il juge incongrue, consiste
à scinder ce mot en a- privatif et -liquis,
l’amènent à dévoiler sa secrète
préoccupation : sa maîtresse n’a plus (a-)
ses règles (-liquis) ;
—
ainsi que
dans certaines hallucinations :
Un patient "retombé
en enfance" visualise l’énoncé "je suis
petit" en percevant son corps comme rétréci, un clochard
ramassé en coma éthylique par deux policiers se réveille
en hallucinant qu’il est attaqué par des "hirondelles".
B. Nous avons jusqu’ici parlé de rébus graphiques inconscients pour illustrer l’analogie avec les écritures non
alphabétiques, et parce qu’ils sont les plus fréquents.
Mais en fait chaque fois que du phonétique (auditif verbal) est codé par du non-verbal issu d’une perception quelconque (les
"cinq sens"), il y a rébus, et l’inconscient utilise de
tels rébus. A côté du rébus classique où l’auditif
verbal est codé par du graphique
(visuel figuratif), on rencontre donc :
1. des rébus musicaux
où du phonétique est
codé par de l’auditif non verbal (musique) :
a) Un homme
s’interrompt au milieu d’une conversation qui amène sur ses
lèvres des propos agressifs pour son amie. Une mélodie de Jazz
s’impose alors à son esprit de façon insistante. Lorsqu’il
se demande quel en et le titre, il s’avère que le morceau
s’appelle Suspended sentence (la phrase en suspens).
b) Un jeune scientifique
africain fuit son pays la veille d’un mariage dont la perspective
l’effraie. Il reprend ses études à Marseille, mais
lorsqu’il commence une nouvelle liaison quelques mois plus tard, il est
atteint d’impuissance sexuelle. Le médecin, ne trouvant aucune
cause biologique, l’adresse à un psychanalyste. Ce jeune homme,
malgré son esprit rationnel, ne peut s’empêcher de penser
que sa future belle-mère lui a jeté un sort pour le punir de sa
désertion. Lors d’une séance, il reste un moment
silencieux. Questionné à ce sujet par l’analyste, il
répond qu’aucune pensée verbale ne lui est venue, mais
qu’un air de Carlos Santana résonne dans sa tête de
façon obsédante. Or le titre en est : Black Magic Woman (femme à la magie noire) …
2. des rébus gustatifs :
certaines préférences et aversions alimentaires
héritées de l’enfance ses révèlent à
l’analyse reposer sur des jeux de mots :
a) de type calembour : un constipé chronique raffole de
féculents (fait-cul-lent !!!) ;
b) de type mot d’esprit reposant sur une métaphore :
Un patient obsessionnel, que la
violence culpabilise, ne peut supporter ni la tomate ni l’oignon (il
rejette tout plat qui en contient la moindre trace). Lorsqu’enfant il
était angoissé au cinéma en voyant couler le sang ou
verser des larmes, sa mère croyant le rassurer lui disait : "ce
sont des truquages : le sang, c’est de la sauce tomate, et pour
les larmes, les acteurs se font pleurer avec un oignon" !!!
c) Ces préférences et aversions disparaissent
d’ailleurs au cours de l’analyse, preuve qu’il ne
s’agit pas de tendances héréditaires ou d’origine
biologique acquise.
3. des rébus olfactifs : un
patient obsédé par la crainte d’émettre des pets en
public a l’illusion de sentir des émanations de gaz dans une
cuisine collective qui ne comporte pourtant que des plaques
électriques ! !
4. des rébus tactiles :
dans les symptômes de la névrose hystérique on rencontre
soit des anesthésies de zones corporelles ayant une signification
particulière pour tel patient, soit de l’hyperesthésie sous
forme de douleur :
Un homme présente à la joue gauche une douleur inexplicable
médicalement. Ses associations sous hypnose révèlent que
celle-ci est apparue le lendemain d’un soir de fête où sa
femme lui a dit : "Comment peux-tu ainsi, devant moi, jouer les
séducteurs auprès de toutes ces dames, alors que je sais
très bien que tu n’es plus un homme !" (que tu es
impuissant). "Ces mots, dit-il, m’ont frappé comme une gifle au visage" …
IV. EN QUOI CONSISTE DONC
L’INTERPRÉTATION
PSYCHANALYTIQUE ?
Il faut ici distinguer pour les
phénomènes psychiques humains l’interprétation-décodage, non contextuelle, et l’interprétation-déchiffrement, contextuelle.
A. Les prémisses de l'interprétation-décodage sont
fausses : on suppose qu'il existe un code (le langage étant considéré comme un code parmi d'autres),
donc on cherche à décoder les signaux psychiques.
Dans un code il y a correspondance
biunivoque entre deux signes, non-ambiguïté (souvent
imparfaite), fonctionnement non-contextuel du système de
signaux. Deux possibilités :
1. Négation de la structuration verbale du
psychisme : on interprète des comportements. La garantie est
biologique.
Si on croit trouver une correspondance
biunivoque innée entre les
comportements et leur signification, le garant est l’hérédité (ex: "langage" des abeilles") : on est dans l’éthologie.
Si on croit que cette
correspondance est acquise, on est dans
le modèle comportementaliste : le comportement
résulte d’un conditionnement familial ou social du type
stimulus/réponse, entrée/sortie (le psychisme est une boîte
noire dont on ne veut rien savoir).
2. Reconnaissance de la structuration verbale du
psychisme : on suppose une correspondance biunivoque entre la
langue-source des rêves et la langue-cible du niveau conscient. Deux cas
:
L’antique clef
des songes dont le garant est divin. Dieu ou les
dieux nous parle(nt) dans nos rêves, et l’oniromancien traduit. Ex
: Joseph et le rêve des vaches grasses et des vaches maigres.
L’interprétation
par symboles en psychanalyse. Elle fonctionne comme clef des songes
moderne dans la presse de vulgarisation et une certaine littérature
psychanalytique "pansexualiste" : tout objet allongé (stylo,
etc.) est un pénis, tout objet creux (sac à main etc.) est un
vagin, tout objet rond (ballon etc.) représente le sein ou la grossesse
!
Ce décodage stupide est
tourné en dérision par un philosophe scandinave :
Interprétation
des rêves simplifiée :
"Tout ce dont vous
rêvez est concave ou convexe, donc quoi que vous
rêviez, il est question de sexe" !
B. L'interprétation-déchiffrement :
Roland Barthes dans Éléments
de séméiologie démontre que chez l'homme tout
code est défini à partir du langage, tout le non-verbal (analogique) est défini depuis le verbal (digital). Or le
langage humain n’est pas un code : avec sa double articulation,
il est fondamentalement ambigu et équivoque, donc le contexte joue un rôle essentiel dans sa compréhension.
Dans l'interprétation-déchiffrement,
l’ambiguïté du signifiant acoustique ou graphique est prise
en compte : il n’y a pas de clef des songes, un même rêve qui
se répète peut signifier chaque fois une chose différente.
Pour le psychanalyste Jean
Allouch dans Lettre pour lettre (Editions Erès, 1984) :
1. transcrire est écrire en réglant l’écrit sur quelque chose en
dehors du champ du langage [réel] ;
2. traduire est écrire en réglant l’écrit sur le sens
[imaginaire] ;
3. translittérer est écrire en réglant l’écrit sur
l’écrit [symbolique] : déchiffrement d’une
écriture non alphabétique ou des formations de
l’inconscient.
Donc
l’interprétation en psychanalyse n’est ni une transcription,
ni une traduction, mais une translittération.
C'est un déchiffrement littéral de
l’écriture inconsciente.
[Cette conclusion
trop succincte sera bientôt développée]
ø
Propagande
et psychanalyse
Un
article dans la revue TOPIQUE
Fantasme, Discours, Idéologie.
D’une transmission qui ne serait pas
propagande
La
revue « Topique », sur le
theme "Violence ou persuasion",
a publié à l'automne 2010 dans son numéro 111 une
série d'articles, dont un rédigé par Jean-Jacques Pinto,
fondateur de l'Analyse des Logiques Subjectives (A.L.S.), et intitulé Fantasme,Discours,
Idéologie - D'une transmission qui ne serait pas propagande. Ce texte offre un bon exemple d'application de
l'A.L.S. à l'analyse d'un phénomène de
société.
Référence et
texte de présentation (argument)
Topique
Revue
freudienne
Éditeur
: L’Esprit du temps
N°
111 (septembre 2010) Violence ou persuasion
Les techniques psychologiques
de persuasion sur lesquelles s'appuient les propagandes en tous genres
relèvent d'une vision associationniste du fonctionnement psychique,
illustrée en son temps par Pavlov et perfectionnée depuis. Revenir
sur cette question, c'est aussi plus profondément poser la question
éthique et technique de ces méthodes qui visent à
influencer ou à formater le sujet. Parce que la psychanalyse est riche
d'une réflexion sur les fonctionnements du collectif qui ont occupé
une très grande partie des préoccupations de Freud, elle offre un
outil conceptuel pour analyser les processus en cause dans ce
phénomène. L'illusion, on le sait, renonce à être
confirmée par la réalité, mais elle va plus loin encore
car elle construit aussi le fantasme de cette réalité pour un
temps affirmé futur. Au nom de quoi elle va pratiquer la
désinformation, le caviardage, la construction du faux.
Viol psychique ou
séduction illusionniste, l'efficacité de la propagande nous met
face à l'impuissance de la pensée critique face aux
sirènes de l'affectivité; elles sont plus convaincantes car plus
immédiatement sensibles.
Hier l'éloquence de
l'orateur, aujourd'hui le matraquage audio-visuel médiatique se mettent
au service non pas de la conviction fondée sur une pensée mais
sur le court-circuit du passage à l'acte. Mais même si la
propagande est capturée par le pouvoir qui l'organise comme une arme au
service de l'obéissance des masses, ces dernières peuvent aussi
s'en emparer et retourner sa stratégie à l'employeur.
On envisagera ici la
propagande dans ses divers aspects: politique bien sûr mais aussi
publicitaire, l'un n'étant pas très éloigné de
l'autre. Répondre au désir, à la haine, à la peur, à
l'angoisse narcissique en les confirmant n'est pas très difficile.
L'approche par la psychanalyse de l'avenir des illusions et du besoin de croire
qui engendre la préférence pour les mythes plutôt que pour
l'histoire peut expliquer le désir d'auto-aliénation qui rend la
propagande si efficace.
Voici
le résumé de mon article en français, anglais, allemand,
italien, espagnol, portugais et russe.
Fantasme, Discours, Idéologie.
D’une transmission qui ne serait pas
propagande
Auteur : Jean-Jacques
Pinto
Psychanalyste et
chargé de cours à l’Université de Provence
Résumé
La propagande se rencontre partout, pas seulement en
publicité ou en politique. Avant d’être verticale et
adressée aux lointains inconnus, elle est horizontale et s’adresse
aux connaissances proches. C’est qu’elle repose en fait sur une
structure psychique apte à la recevoir et à la répercuter,
structure qui résulte de l’identification subjective, inconsciente
donc non modifiable par la cognition, l’argumentation, la raison.
Plutôt que par Pavlov,
la forme et le contenu de la propagande s’expliquent par la
subjectivité inconsciente. Celle-ci se laisse décrire dans le
champ social par notre « Analyse des Logiques
Subjectives » (héritière critique de la théorie
des Quatre Discours de Lacan, insuffisante à maints égards).
Nous passerons de l’analyse
des facettes du « fantasme de propager » (par le
détail des expressions qui en constituent les réalisations)
à la description des rapports entre Fantasme, Discours et
Idéologie : comment les habiles suscitent un écho dans le
psychisme de leurs victimes en fédérant des fantasmes
divers – voire opposés dans une synthèse instable,
mais que sa patiente répétition a pour effet de maintenir.
En psychanalyse, transmettre
sans propagande est non seulement possible mais souhaitable :
horizontalement chez les analystes, à condition d’y déjouer
l’argument d’autorité, et verticalement dans chaque analyse,
en défaisant chez l’analysant les réseaux de
suggestibilité. Car la psychanalyse, loin de se borner à la
simple disparition des symptômes individuels, a pour vocation plus
ambitieuse de contribuer à déconstruire le « malaise
dans la civilisation ». On serait alors en droit de parler
d’un authentique « prévention de la
propagande ».
***
Fantasy, Discourse, Ideology –
Transmission Beyond Propaganda
Abstract
Propaganda is everywhere, not
only in commercials or politics. It is aimed at faraway strangers as well as
nearby friends and relations. Propaganda in fact relies on a certain type of
psychic structure, one that is tuned to receive it and disseminate it. This structure
is a result of an unconscious subjective identification which is therefore not
open to change through either cognition, argumentation or reasoning.
Propaganda’s form and
content are best explained by an unconscious subjectivity rather than by Pavlov’s
theory. The social dimension of this subjectivity may be defined by what we
refer to as our ‘Analysis of Subjective Logics’ (a legacy of
Lacan’s theory of the Four Discourses, which is deficient in some
respects).
We will first explore the
various facets of the ‘Fantasy to Propagate’ by means of a word by
word analysis, and will then go on to describe the connexions between Fantasy,
Discourse and Ideology. We will show how a clever manipulator triggers an echo
in the psyche of his victims, knitting together different and sometimes even
contradictory fantasies in an unsteady synthesis he manages to maintain through
patient repetition.
As for psychoanalysis, it is
not only possible but also highly desirable to practise it in the absence of
all propaganda : among analysts, on condition that the precept of
authority be outwitted, and within each analysis, by undoing the
analysand’s sensitivity to suggestion. Psychoanalysis indeed does not
only address the individual’s symptoms and their unravelling, but also,
more ambitiously, aims to heal civilization of its discontents. This would
entitle us to speak in terms of a genuine form of ‘propaganda
prevention.’
(Traduction effectuée par Françoise Capelle-Messelier)
***
Phantasie, Diskurse, Ideologie.
Ist eine Vermittlung ohne Propaganda
möglich ?
Zusammenfassung
Überall trifft man auf
Propaganda, nicht nur in Werbung oder in Politik. Ehe sie vertikal ist man und
sich an entfernte Unbekannte richtet, ist sie horizontal und richtet sich an
nahe Bekannte. Der Grund hierfür liegt in einer psychischen Struktur, die fähig
ist, Propaganda zu empfangen und weiter zu leiten, eine Struktur, die aus der
subjektiven Identifizierung resultiert, unbewusst also nicht veränderbar
durch Erfahrungswissen, Argumentation oder Vernunft.
Eher als mit Pavlov
lassen sich Form und Inhalt der Propaganda durch die unbewusste
Subjektivität erklären. Diese lässt sich im sozialen Feld durch
unsere „Analyse der subjektiven Logik” (kritische Erbin der in vielerlei Insicht ungenügenden
„Theorie der vier Diskurse” von
Lacan) beschreiben.
Wir beginnen mit einer Analyse
der Facetten der Phantasie „propagieren” (mittels einer genauen Untersuchung der Ausdrücke, die
es konstituieren) anschliessend nehmen wir eine Beschreibung der
Beziehungen zwischen Phantasie, Diskurse und Ideologie vor: so wie listige
Personen ein Echo in der Psyche ihrer Opfer auslösen, indem sie diverse
sogar gegenteilige Phantasien in einer instabilen Synthese versammeln, die
aber durch ihre statige Wiederholung aufrecht erhalten wird.
In der Psychoanalyse, ist es
nicht nur möglich, sondern wünschenswert ohne Propaganda zu
vermitteln : horizontal bei den Analytikern, indem das Autoritätsargument
vermieden wird, und vertikal in jeder Analyse, indem man losmacht beim
analysierend die Netze der Beeinflußbarkeits aufknüpfen. Denn die
Psychoanalyse, weit davon entfernt sich auf die einfache Lösung der
individuellen Symptome zu beschränken, hat das ambitionwerte Ziel zu
Dekonstruktion des „Unbehagen in der Kultur”. In diesem fall
wäre es gerechtrechtigt, von einer tatsächlichen „Prävention
der Propaganda” zu
sprechen.
(Traduction effectuée
par Maika X)
***
Fantasma, discorso, ideologia.
Riguardo una trasmissione che non sia propaganda
Sintesi
La propaganda si trova
ovunque, non solamente nella pubblicità o nella politica. Prima di essere verticale e indirizzata a
lontani sconosciuti, è orizzontale e si indirizza a conoscenti prossimi.
Perché essa infatti riposa/si basa su una struttura psichica atta a
riceverla ed a ritrasmetterla, struttura che è il risultato
dell’identificazione soggettiva, incosciente quindi non modificabile
dalla cognizione, l’argomentazione, la ragione.
La forma e il contenuto della
propaganda si spiegano dalla soggettività incosciente piuttosto che da
Pavlov. Questa si può descrivere nel contesto sociale dalla nostra
“Analisi delle Logiche Soggettive” (erede critica della teoria dei
Quattro Discorsi di Lacan, insufficiente in molti aspetti).
Passeremo dall’analisi
delle sfaccettature del “fantasma del propagare” (attraverso i
dettagli delle espressioni che ne costituiscono le realizzazioni) alla
descrizione dei rapporti/delle relazioni tra il Fantasma, il Discorso e
l’Ideologia: come i subdoli/furbi suscitano un eco nella psiche delle
loro vittime collegando fantasmi diversi -o opposti- in una sintesi instabile
ma la cui ripetizione ha come effetto di mantenerla.
In psicanalisi, trasmettere
senza propaganda non è solamente possibile ma desiderabile:
orizzontalmente tra gli analisti, a condizione di sventare l’argomento
dell’autorità e verticalmente in ogni analisi, disfando
nell’analizzato le reti di suggestione.
Infatti la psicanalisi, invece
di limitarsi alla semplice sparizione dei sintomi individuali, ha per
vocazione più ambiziosa quella di contribuire a decostruire il “
malessere nella cultura”. Allora si sarà in diritto di parlare di
un’autentica “prevenzione della propaganda”.
(Traduction effectuée
par Francesca MARCATO)
***
Fantasma, Discurso, Ideología.
Sobre una transmisión que no sería
propaganda
Resumen
La propaganda se haya en todas
partes, no solo en la publicidad o en la política. Antes de ser vertical
y dirigida a desconocidos distantes, es horizontal y se dirige a los conocidos
próximos. Esto es así porque se basa en realidad en una
estructura psíquica apta para recibirla y darle eco, estructura que
resulta de la identificación subjetiva, que es inconsciente y por lo
tanto no modificable mediante la cognición, la argumentación o la
razón.
Más
que a través de Pavlov, la forma y el contenido de la propaganda se
explican mediante la subjetividad inconsciente. Esta puede describirse en el
campo social a través de nuestro "Análisis de las
lógicas subjetivas" (heredero crítico de la
"teoría de los Cuatro discursos" de Lacan, deficitaria desde
muchos puntos de vista).
Del
análisis de los aspectos del "fantasma de propagare" (a partir
de las expresiones que constituyen sus realizaciones), pasaremos a la
descripción de las relaciones entre Fantasma, Discurso e
Ideología o cómo los hábiles producen un eco en el
psiquismo de sus víctimas conjugando una serie de fantasmas diferentes
-o incluso opuestos- en una
síntesis inestable pero que se conserva gracias a una paciente
repetición.
En el
psicoanálisis, transmitir sin propaganda no solo es posible sino
deseable, en sentido horizontal para los analistas, evitando el argumento de
autoridad, y en sentido vertical en cada análisis, desmontando en el analisante las redes de
sugestibilidad. Puesto que el psicoanálisis, lejos de restringirse a la
simple desaparición de los síntomas individuales, tiene la vocación
más ambiciosa de ayudar a deconstruir el "malestar en la
civilización". Tendríamos entonces derecho a hablar de una
auténtica "prevención de la propaganda".
(Traduction effectuée
par Ricardo COVELO, avec le concours de Delia SANCHEZ)
***
Fantasma, Fala, Ideologia.
Sobre uma transmissão que não seja propaganda
A propaganda se encontra em
todos lugares, não só na publicidade ou na política. Antes
de ser vertical e endereçada aos desconhecidos distantes, ela é
horizontal e endereça-se aos conhecidos íntimos. É assim porque ela basea-si em
realidade em uma estrutura psíquica capaz de receber-a e de ecoar-a,
estrutura que é o resultado da identificação subjetiva, que é inconsciente e por
isso não modificável pela cognição, a
argumentação, a razão.
Em lugar de atravès
Pavlov, a forma e o conteúdo da propaganda expliquem-se pela subjetividade inconsciente. Esta pode ser
descrevida no campo social pela nossa "Análise das
Lógicas Subjetivas" (herdeira critica da "teoria das Quatro Falas" de Lacan, insuficiente
em muitos aspectos).
Nós passaremos da
análise das facetas do "fantasma de propagare" (detalhando as
expressões que constituam as realizações dele) à
descrição das conexões
entre Fantasma, Fala e Ideologia : como os hábeis despertam um eco na
psique das vítimas deles federando fantasmas diversos -até mesmo
opostos- numa síntese instável, mas que sua
repetição paciente tem o efeito de manter.
Em
psicanálise, transmeter sem propaganda é não só
possível mas desejável : horizontalmente entre os analistas, na
condição de contrariar o argumento
de autoridade, e verticalmente em toda análise, desfazendo no analisante
as redes da sugestibilidade. Pois a psicanálise, longe de se restringir ao desaparecimento simples dos
sintomas individuais, tem por vocação mais ambiciosa de
contribuir a deconstruir o "mal-estar na civilização".
Nós seríamos então intitulados para falar de uma
autêntica "prevenção da propaganda".
(Traduction effectuée par Jean-Jacques
PINTO)
***
(Traduction effectuée par
Françoise et Valdimir Kovalenko)
ø
Psychanalyse et neurosciences
Conférence de Jean-Jacques Pinto,
psychanalyste,
au théâtre Comoedia d'Aubagne, le
mardi 8 novembre 2011
Tout en marquant la
spécificité de chacune de ces deux approches quant à
l’abord du psychisme humain, le conférencier tentera, entre autres
à l’aide d’une analogie simple et d’une méthode
originale d’analyse de discours, de montrer ceci :
À l’encontre
des positions dogmatiques (assorties de rejet mutuel) émanant des camps
retranchés d’inconditionnels partisans, il existe des passerelles
et des possibilités de coopération fructueuse entre neurosciences
et psychanalyse.
Une condition essentielle pour ce dialogue est que soit
redéfini ce qui n’aurait jamais dû cesser de les inspirer : la
démarche scientifique, considérée à la fois
–
dans ses variantes adaptées aux
sciences de la nature et aux sciences humaines,
–
dans son souci de démonstration et
de réfutation en ce qui concerne aussi bien le cas particulier que la
loi générale.
Introduction : Faisons l'inventaire des positions sur ce sujet.
I) Les dogmatiques s'affrontent
On fait
état de « grand débat parfois
meurtrier » entre partisans de l'homme comme machine et de l'homme comme
étant uniquement esprit et idées ». On parle aussi
de « lutte fratricide » etc.
·
Il y a du
côté des neurosciences les réductionnistes de «
l'homme neuronal » : l'architecture
cérébrale rendrait à elle seule compte de tout le
fonctionnement psychique. « Le cerveau sécrète la
pensée comme le foie sécrète la bile », la circulation
des médiateurs chimiques dans le cerveau suffirait à expliquer
tout fonctionnement mental.
·
Les tenants du matérialisme philosophique refusent l'existence d'un principe
immatériel, et l'esprit est conçu comme la manifestation de
phénomènes physiologiques régis par les lois de la
physique.
·
L'éliminativisme considère que notre
compréhension quotidienne du mental est une erreur radicale et que les
neurosciences montreront un jour que les états mentaux ne se
réfèrent à rien de réel. Pour certains, le concept
de conscience sera éliminé par les progrès des
neurosciences. L'éliminativisme a été supplanté par
le computationalisme,
théorie qui conçoit l'esprit comme un système de traitement
de l'information et compare la pensée à un calcul, plus
précisément, à l'application d'un système de
règles.
·
Détour méthodologique avec les
six approches recensées par J. Herman : l'approche positiviste, les approches compréhensives, l'approche dialectique, l'approche fonctionaliste, l'approche structuraliste et l'approche praxéologique.
·
Le positivisme doit se reconnaître comme une
des branches
du matérialisme
·
Quelques
mots sur le positivisme de Freud
·
Il existe d'autre part des réductionnistes
parmi ceux qui travaillent en psychanalyse,
des psychanalystes se réfugiant dans les sphères
éthérées d'un psychisme désincarné,
rejoignant par là le mysticisme et les pseudo-sciences.
II) Ces deux attitudes
réductionnistes, dogmatiques sont vaines. Faut-il alors se tourner vers
les tenants de la convergence entre neurosciences et psychanalyse ? Ce sont de pseudoconvergences :
–
Celle de F. Ansermet et P. Magistretti (neuroplasticité) qui
considèrent qu’aujourd’hui la biologie doit savoir se mettre
au service de la psychanalyse et la psychanalyse au service de la biologie. Ils
veulent « réintroduire le sujet dans la
biologie ».
–
Celle de la neuropsychanalyse, pseudoconvergence fort bien réfutée par
Laurent Vercueil.
III) Notre
position : il y a deux objets différents et complémentaires
explorés par deux modalités
différentes et complémentaires de la démarche scientifique
En effet, on va schématiquement rencontrer une
combinatoire de positions sur la question :

A)
Retour sur le computationalisme
·
Théorie qui
conçoit l'esprit comme un système de traitement de
l'information et compare la pensée à un calcul et, plus
précisément, à l'application d'un système de
règles. Le computationalisme ne prétend pas que toute
pensée se réduit à un calcul de ce style, mais qu'il est
possible d'appréhender certaines fonctions de la pensée selon ce
modèle. C'est une synthèse entre le réalisme
intentionnel qui affirme l'existence et la causalité des états
mentaux (approche compréhensive) et le physicalisme qui affirme que toute
entité existante est une entité physique (approche positiviste).
·
Donc cette
théorie n'est pas nécessairement un matérialisme :
même si la pensée s'appuie sur un support matériel (le
cerveau), on peut l'étudier sans se soucier de ce support (contrairement à une certaine approche matérialiste
réductionniste courante dans les neurosciences) : une même
idée peut être exprimée sur des supports physiques
très différents (par la voix, sur papier, sur un mur, sur un
ordinateur, etc.). Dans cette mesure, le computationalisme s'apparente à
un behaviorisme méthodologique : contrairement au behaviorisme
ontologique, il n'affirme pas qu'il n'y a pas d'états mentaux.
B) Vygotski élabore une théorie des fonctions psychiques supérieures
grâce à la méthode génétique, conçue
comme une « histoire sociale » c'est-à-dire
(théorie sur l'« excentration » de Leontiev) :
« les transmissions ne sont pas simplement d'ordre
héréditaire mais aussi culturelles ».
L'intelligence se développe grâce aux outils psychologiques que
l'enfant trouverait dans son environnement, dont le langage (outil fondamental). L'activité pratique serait intériorisée en activités mentales de plus en plus complexes grâce aux mots,
source de la formation des concepts. Le langage
« égocentrique » de l'enfant a un caractère social et se transformera ensuite en langage
« intérieur » chez l'adulte. Il serait un
médiateur nécessaire dans le développement et le
fonctionnement de la pensée.
C)
Argument fourni par les neurosciences elles-mêmes : « les fonctions
supérieures du cerveau exigent des interactions avec le monde et avec
d'autres personnes. ». Le phénomène d'attrition consiste dans le fait que les neurones
présents à la naissance dégénèrent s'ils ne
sont pas utilisés. Un "branchement" sur l'extérieur
est nécessaire, et tout particulièrement pour l'être
humain qui ne peut se développer hors le langage et la culture.
D) Notre analogie de l'ordinateur, limitée et contestable, mais
éclairante :
L'esprit est
au corps ce que le programme ("software") est à l'ordinateur
("hardware").
- de même que l'ordinateur à sa
sortie d'usine est quasiment vide, et ne pourra donc assurer une
diversité de fonctions que si on lui apporte différents
programmes, de même le corps à la naissance est pourvu de
fonctions psychiques minimales, mais l'esprit avec sa diversité de
fonctions ne lui viendra que des apports de l'entourage.
À sa sortie d'usine l'ordinateur est muni
de sa seule électronique. Des ordinateurs identiques acquerront
des compétences différentes (traitement de texte, dessin,
calcul, musique, etc.) en fonction des programmes que leurs
propriétaires choisiront d'y implanter. À sa naissance, le corps
est muni de son seul équipement héréditaire. Des enfants
indemnes de toute pathologie héréditaire ou congénitale,
éventuellement "identiques" (jumeaux vrais), acquerront
des compétences différentes (langage, connaissances
concrètes et abstraites, régulation des affects, structure de
personnalité ...) en fonction des formes et contenus que leurs
"parents" (au sens large) implanteront chez eux, en majeure partie à
leur insu.
- de même que la conception, la fabrication, l'entretien et la
réparation de l'ordinateur relèvent du métier d'électronicien, et n'ont rien à voir avec la
conception, la rédaction, la maintenance et la correction des
programmes, qui relèvent du métier d'informaticien, de même l'entretien et les
thérapeutiques du corps relèvent de la médecine, mais
l'esprit dans son fonctionnement normal ou perturbé relèvent de
métiers (psychologue et psychanalyste) qui ne doivent rien à la médecine, sauf par métaphores relevant de
fantasmes faciles à mettre en évidence.
« La
circulation des médiateurs chimiques dans le cerveau suffirait à
expliquer tout fonctionnement mental ». Non, cette circulation
permet et accompagne sans plus l'effectuation des programmes mentaux venus de l'extérieur.
La possibilité d'entendre sur haut-parleur le bruit du programme qui
s'effectue dans l'ordinateur (cf E.E.G, imagerie cérébrale)
n'enlève rien au fait que le programme soit à l'origine
extérieur à l'ordinateur, construit sur d'autres règles,
et remodelable indépendamment de son implémentation.
Il y a bien sûr des limites
à cette analogie ...
IV)
Comment travailler de façon complémentaire : en se partageant les
tâches complémentaires
Il y a accord sur l'existence du déterminisme entre les neurosciences et la psychanalyse,
laquelle postule le déterminisme de la vie psychique (expériences
en neurosciences telles que celles de Benjamin Libet).
A)
L'aveugle
et le paralytique (fable de Florian)
La science moderne (science
galiléenne) combine empiricité et formalisation. Son histoire est celle d'un mouvement vers
l'écriture logico-mathématique du Réel tel que l'explorent
empiriquement les "sciences exactes".
Le discours psychanalytique apparaît
branché en dérivation sur celui de la science moderne qui, en
effet, permet l'apparition de la psychanalyse. Comme
la science le fait pour le Réel du monde physique, il dément
certes les énoncés unifiants quand à la description du
psychisme humain (subjectivité), mais
Imaginaire, inconscient et fantasme
continuent
de l'imprégner. La psychanalyse, permise par la science, est une
discipline désimaginarisante, mais ce n'est pas une science.
La psychanalyse moderne n'a aucune
critique pertinente à adresser à la démarche scientifique.
Elle dit seulement que la science a jusqu'à présent eu besoin,
pour fonctionner, de tourner le dos à la subjectivité, donc de
s'interdire, par construction même, de la prendre pour
objet d'étude. Disons que la science est ici "l'aveugle". Elle s'aveugle pour avancer, et y
réussit.
La psychanalyse, elle,
"voit" la subjectivité mais
« manque de jambes ». Les disciples ne
s'intéressent qu'aux maîtres auxquels ils vouent un culte anachronique. Ils se
reposent sur les lauriers de leurs initiateurs. Non-transmissibilité et
secret des dieux font de la psychanalyse actuelle "le paralytique" puisqu'elle manque de
"jambes" méthodologiques pour faire avancer ses
hypothèses.
Or science et
psychanalyse ont en commun le non-tout, le non-sens, la dissolution de la
notion d'être. Elles vont contre l'Imaginaire. Mais elles se comportent
en sœurs ennemies (aînée et cadette), dans une intercritique
stérile parfois d'allure idéologique. La nécessité
d'une négociation et de passerelles se fait sentir.
Nous plaidons ici
modestement pour une coopération entre l'aveugle et le paralytique.
La science négligeait l'inconscient.
Plus maintenant avec l'inconscient cognitif, mais ce n'est pas le
même que l'inconscient subjectif (décrit en détail
dans ma conférence sur « Psychanalyse et propagande »).
Exemple : Expériences avec
perceptions infraliminales favorisant la résolution d'un
problème, sans passage par la conscience.
En France le livre de Lionel Naccache en 2006
[« L'inconscient à venir »] pose la question des
rapports entre la perspective psychanalytique et la perspective «
neurocognitive ». Or ses
arguments sont en partie réfutables.
Naccache rend hommage à Freud. Il
reconnaît que la conscience n'est pas tout le psychisme, mais pense que
l'inconscient de Freud est une réattribution de fonctions qui
relèvent en fait de la conscience. Il nie le refoulement, sans envisager
que celui-ci pourrait être le fait du programme venu de
l'extérieur et non des circuits parcourus par l'inconscient cognitif.
Comme la police dans La lettre volée
d'Edgar Poe, Naccache ne cherche peut-être pas au bon endroit, donc ses
quatre inconscients ne peuvent coïncider avec celui de Freud.
Si l'inconscient de Freud semble fonctionner
d'après les lois du conscient, c'est peut-être parce que ce sont
les énoncés consciemment émis par l'entourage familial
qui, intériorisés, font sentir leurs effets hors conscience du
sujet
Comment Naccache explique-t-il la
résurgence sous hypnose ou en analyse de souvenirs très anciens,
« oubliés » ?
Comment Naccache explique-t-il l'oubli
« en direct » des rêves ? Par l'inconscient
cognitif ? Cet oubli incoercible,
comparable à l'oubli des consignes dictées sous hypnose, est un
argument en faveur du refoulement et de l'inconscient subjectif.
L'inconscient subjectif, en rapport avec la
complexité du langage, repose sur d'autres bases que l'inconscient
cognitif.
B) Critères de
scientificité :
1)
La démarche scientifique avec ses variantes
Il
semble opportun de renvoyer dos à dos deux défauts caricaturaux :
·
L'impérialisme des Sciences Exactes
prétendant coloniser les Sciences Humaines : nombre-roi et positivisme
des faits.
·
La statistique est criticable (ex : les
hiéroglyphes, le mot « régime ») car le langage
humain n'est pas un code biunivoque.
« Nous nous séparons donc d'un point de vue largement
répandu, selon lequel il n'y a de science que du quantifiable. Nous
dirons plutôt : il n'y a de science que du mathématisable et il y a
mathématisation dès qu'il y a littéralisation et fonctionnement aveugle. » Milner,
J.-C. (1989). Introduction à une science du langage. Des Travaux. Seuil,
Paris.
·
Redéfinition du terme
« fait » en science : la linguistique travaille sur des
corpus transcrits ou enregistrés, donc bien matériels.
·
Le flou artistique, voire autistique de ceux qui en Sciences Humaines et en psychanalyse
rejettent toute formalisation.
La solution pourrait venir de la linguistique, critère extérieur pour mettre
d'accord les psychanalystes et les neurobiologistes, puisque les uns parlent
d'inconscient-langage et que les autres ne peuvent nier qu'il y ait langage, et
que la science elle-même passe par le langage.
Imaginons un Huron face à
un ordinateur allumé : pas besoin d'avoir repéré où
résident et comment tournent les programmes pour constater qu'ils
tournent, les utiliser et s'interroger sur leurs principes logiques ... ! Les
descriptions et analyses linguistiques sur corpus fonctionnent très bien
sans qu'il soit besoin de savoir comment ça se passe dans le cerveau !
·
L'analyse logiciste de Gardin et Molino : c'est une modélisation logique aussi
rigoureuse que celle des maths, avec :
·
Validation
interne des modèles théoriques et des analyses d'experts
·
Validation
externe de ces analyses par la fabrication de simulacres.
·
Le structuralisme,
enterré trop tôt, est à réhabiliter à
condition de le débarrasser des funestes effets de mode.
L'approche
structuraliste résout l'opposition entre approche positiviste à la recherche de faits et approche compréhensive fondée sur l'introspection: il y a une objectivité, une
matérialité logicisable du discours de l'acteur social, ou du locuteur, ou du patient
indépendamment de l'exactitude de ce à quoi il se
réfère. J.-C. Milner parle de « Galiléisme étendu »
« À
sa manière, le structuralisme en linguistique est lui aussi une méthode de réduction des
qualités sensibles. Les langues naturelles ne touchent à la
matière sensible que pour la forme phonique. Mais dans ce domaine, la
méthode a des effets évidents.
On
peut parler ici d'une mathématisation étendue, rigoureuse et contrainte, mais aussi autonome
relativement à l'appareil mathématique. La linguistique devint
dans les années 50 une discipline aussi littérale que
l'algèbre ou la logique, mais
indépendante d'elles, avec des succès empiriques pour l'ensemble
des langues naturelles Elle se comportait strictement en science
galiléenne. Galiléisme étendu fondé sur une mathématique étendue, et étendu à des objets inédits.
Cet objet était le langage, qui sépare
l'espèce humaine du règne de la nature. De même,
l'anthropologie lévi-straussienne obtenait, avec des méthodes
comparables appliquées à des objets non naturels – les
systèmes de parenté –, une présentation exhaustive,
exacte et démonstrative des
fonctionnements. L'appui que Lévi-Strauss trouvait dans la linguistique résidait dans une analogie des procédures et
surtout des points de vue constituants.
Sur ce fondement, linguistique et anthropologie, s'est
déployé un mouvement de pensée dont l'unité
méthodologique et l'importance épistémologique ne font
aucun doute. Que Lacan, dont le rapport au galiléisme est
principiel, et qui saisit son objet plus du côté de la culture que
de la nature, ait été compté au rang des structuralistes,
cela est éminemment explicable. »
2)
Le cas particulier et la loi générale
- Une des critiques des Sciences Exactes
à la psychanalyse repose sur l'idée fausse qu'il n'y a de science
que du général (Aristote)
- Or la loi statistique résultant
de la méthode inductive peut se révéler, on l'a vu, non pertinente quand le langage est en
jeu.
- Inversement, une analyse exhaustive d'un
cas, si elle est matériellement communicable, est tout aussi
généralisable et vaut tout autant qu'une collection de cas traités
par la méthode inductive.
3)
Les « analysciences » et l'Analyse des Logiques
Subjectives (A.L.S).
« Analyscience » est un terme proposé par
l'auteur de l'A.L.S. (Jean-Jacques Pinto) en 2008.
Une analyscience
serait, selon une définition encore provisoire, une discipline hybride
entre psychanalyse et science. Pour justifier la création de ce terme, il convient
de se référer à la possibilité d'un dialogue entre
la science moderne et la psychanalyse.
L'A.L.S. pourrait ainsi être
candidate au label d'analyscience. Si on la définit schématiquement
comme une "micro-sémantique du fantasme", ce dernier ;
1.est un concept qui
résulte d'une expérience en amont (séances d'analyse) ;
2.il a une
ébauche de formalisation : $ a ; il peut
recevoir une définition
linguistique ;
3.le fait que ce concept
subsume une série d'occurrences verbales est prouvable en aval par
l'A.L.S. dont le matériel est montrable, donc testable. Les
procédures d'analyse de l'A.L.S. sont par ailleurs testables et
reproductibles par quiconque manuellement, et simulables informatiquement.
L'ALS permet d'analyser en partie les dogmatismes
précités, sous-tendus par des fantasmes qu'il est possible de
modéliser.
CONCLUSION
Nous
proposons, pour conclure, non pas d'opposer les sciences dures de la
nature aux sciences molles de l'homme, mais d'associer les sciences du dur, du hardware aux sciences du doux, du software
dans l'étude complémentaire des deux pôles de l'interface
caractéristique de l'humain, de la « condition
humaine », ces deux pôles étant :
·
le cerveau comme machine biologique (le «
biordinateur »)
·
le logiciel verbal humain (le « verbiciel
», subdivisé en « cogniciel » et « subjiciel
»).
L'interfaçage
a lieu durant l'enfance, c'est le processus d'identification avec ses deux
versants : identification cognitive (« cogniciel ») et
identification subjective (« subjiciel »). On
peut, pour les étudier en les simulant, fabriquer de toutes
pièces :
-
des « cogniciels » relevant de l'intelligence artificielle et simulant le résultat de l'identification
cognitive, par exemple par des systèmes-experts, qui différent des réseaux
d'apprentissage neuronaux (que l'on pourrait nommer des « interfaciels
» !!!)
-
et des « subjiciels » inaugurant la subjectivité
artificielle et simulant le résultat
de l'identification subjective.
Il
n'y a pas, comme le croient les positivistes ou leurs adversaires amateurs de
paranormal, une opposition binaire rationnel/irrationnel, mais trois termes : rationnel,
irrationnel, logique, le logique (logos !) structurant de façon différente le
rationnel et l'irrationnel. Et la logique de l'irrationnel, c'est principalement la psychanalyse, quand
toutefois elle veut bien être logique !!!
Nous
invitons tout chercheur animé par l'esprit scientifique à
contribuer au développement de ces analysciences.
ø
La
personnalité du Cyrano de Rostand
vue
par l'Analyse des Logiques Subjectives (A.L.S.)
Jean-Jacques
Pinto, psychanalyste et linguiste
Résumé/plan de l'article
·
1 L'Analyse des
Logiques Subjectives (A.L.S.) permet de mettre en évidence certains
traits de la personnalité du Cyrano de Rostand. Présentons
sommairement ce qu'est l'A.L.S.
·
2 Nous partons,
pour l'analyse du personnage de Cyrano, du passage de la pièce d'Edmond
Rostand qui commence par le vers : "Déplaire est mon plaisir.
J'aime qu'on me haïsse" (Acte I, scène VII).
·
3 On constate,
une fois ce passage annoté selon les règles de l'A.L.S., la
coexistence des "points de vue" extraverti et introverti.
·
4 Cette
coexistence ne s'explique pas par les possibilités
présentées dans notre article princeps, et
détaillées ci-dessous.
5 La clef de ce passage est donnée par la distribution
précise des points de vue extraverti et introverti, et surtout par le
mot dévalorisé "s'effémine". Ces indices ouvrent une
piste qui fait appel à des données "cliniques" extérieures
à l'A.L.S.
–
6 C'est en
rapport avec ces données "cliniques" que l'A.L.S. a son mot
à dire : dans la distribution traditionnelle des rôles masculin et
féminin intervient partiellement une répartition extraverti / introverti. Le mot dévalorisé
"s'effémine", mis en relation avec la distribution précise
des points de vue extraverti et introverti, révèle que Cyrano
pratique, dans le passage étudié et très certainement
ailleurs, la "parade virile" propre à certaines formes
d'hystérie masculine.
***
1) L'A.L.S. permet de mettre en évidence
certains traits de la personnalité du Cyrano de Rostand.
–
Certes ce Cyrano est un personnage de fiction. Mais
certains auteurs excellent à créer des personnages à
discours typique, permettant une analyse relativement fiable (cf sur notre blog
Camus avec son Joseph Grand dans La
Peste). Ceci ne présume bien
sûr en rien de la personnalité du véritable Cyrano.
–
Certes cette analyse est très partielle et
très provisoire, puisqu'il faudrait travailler sur le texte de toute la
pièce, alors que pour commencer nous n'étudions qu'une tirade,
jugée néanmoins représentative. Mais une hypothèse
pertinente s'ébauche, et il serait justement intéressant de voir,
dans un second temps, si le reste de la pièce la confirme ou l'invalide.
L'A.L.S.
(Analyse des Logiques Subjectives, voir l'article dans Wikipedia ou de
façon plus détaillée notre "article princeps")
est une méthode d’analyse des mots d’un texte parlé
ou écrit, inspirée par la psychanalyse, qui permet, sans recourir
à la communication non verbale, d’avoir une idée de la
personnalité de l’auteur du texte ou de personnages crées
par cet auteur. On prend en compte le sens des mots, non pas globalement, mais
en le décomposant en "atomes" de sens le plus
élémentaires possible, afin de trouver des tendances
générales, des invariants subjectifs indépendants du sujet
abordé dans le texte considéré.
Il
existe dans une langue comme le français des sous-langues subjectives ou
« parlers » qui sont des
combinaisons de mots dotés d’une valeur positive ou négative.
Les
mots simples (« atomes ») sont des adjectifs exprimant des
propriétés simples (ouvert/fermé, nouveau/ancien),
distribués dans deux listes d’opposés, les séries :
.
La série « A » concerne l’extérieur, le changement, le désordre,
la destruction de l’ancien. Elle se compose d’adjectifs simples
comme : ouvert, souple, varié, changeant, nouveau, libre …
.
La série « B » concerne au contraire l’intérieur, le non-changement,
l’ordre, la conservation. Elle se compose d’adjectifs simples comme
: sérieux, ferme, stable, ancien, solide, durable …
.
Les mots complexes (« molécules ») sont des
adjectifs complexes, des noms, des verbes et des adverbes dont le sens peut se
décomposer en atomes A ou B.
.
Quand ils sont de composition à peu près homogène,
on les rattache à la série A (ainsi « papillon » : mobile,
léger, rapide, désordonné)
ou B (« tortue » : lourde, lente, rigide). C'est une approximation, car seuls les adjectifs
simples appartiennent aux séries.
.
S’ils sont de composition mixte ou difficiles à
analyser, on les dira respectivement « neutres » (noté
« 0 ») ou « indécidables » (noté «
? »).
.
La valeur associée à chaque mot est la résonance
favorable ou défavorable qu’a ce mot pour celui qui le dit. Elle
est positive (« + »), négative
(« - »), neutre
(« 0 ») ou indécidable (« ? »). Elle peut
changer chez un locuteur selon les moments ou selon les périodes de la
vie.
Les "points de vue" s’obtiennent en comparant
pour chaque mot pertinent d’un texte sa série et sa valeur. Ils
peuvent changer, comme la valeur, selon les instants ou selon les âges de
la vie.
.
Le point de vue « extraverti »
(désigné par la lettre E) valorise la série A et
dévalorise la série B, ce qui peut se noter :
A
+ = B — = E.................Exemple
: je suis quelqu’un d’ouvert, je ne suis pas borné
(Dorénavant, pour faciliter leur
repérage, les mots A figureront en italique, et les mots B en gras).
.
Le point de vue « introverti »
(désigné par I) valorise la série B et dévalorise
la série A, ce qui peut se noter :
B
+ = A — = I.................Exemple
: je suis quelqu’un de sérieux, je ne suis pas un plaisantin.
Le point de vue « extraverti » choisira
donc ses mots dans la série A pour présenter ce qu’il aime,
et dans la série B pour présenter ce qu’il critique,
n’aime pas ou même redoute. Le point de vue « introverti
» choisira au contraire ses mots dans la série B pour
présenter ce qu’il aime, et dans la série A pour
présenter ce qu’il critique, n’aime pas ou redoute.
joie : mon cœur est comblé (B+).................chagrin : ça me fend le cœur, mon cœur saigne (A-)
.
Cette notion de point de vue « instantané »
(valable pour le seul mot qu'on analyse) peut être étendue à
l’échelle d’un texte entier, qui présente en
général une dominante « I » ou « E », sauf dans le
cas du parler « hésitant » décrit ci-dessous.
Les "parlers" sont l'extension à
l'échelle d'une vie de la notion de point de vue, recoupant la notion
empirique de personnalité : chacun joue « sa » biographie
comme un acteur dit « son » texte … Ces sous-langues
subjectives recombinent dans le temps (de l’adolescence à la fin
de la vie) les points de vue « I » et « E », ce qui
aboutit à décrire quatre parlers principaux :
.
Un parler « conservateur » (I _ I), correspondant à la
personnalité obsessionnelle, qui commence « I » et finit
« I ».
.
Un parler « changement/destruction » (E _ E), correspondant à la
personnalité hystérique, qui commence « E » et finit
« E ».
.
Un parler « du progrès » ou «
constructeur » (E _ I), sans
équivalent séméiologique, qui commence « E »
et finit « I ».
.
Un parler « hésitant » (I ou E, abréviation de I _ E _ I _ E ...), en gros la
personnalité phobique, oscillant toute sa
vie entre « E » et « I ».
Il existe des combinaisons de parlers, rendant l'A.L.S.
beaucoup plus riche dans ses descriptions, mais elles ne sont pas utiles
à connaître pour le propos de cet article.
2) Nous partons, pour l'analyse du personnage de
Cyrano, du passage de la pièce d'Edmond Rostand qui commence par le vers
: "Déplaire est mon plaisir. J'aime qu'on me haïsse"
(Acte I, scène VII).
L'analyse
rencontre quelques pièges, il ne s'agit pas d'un texte évident
comme ceux analysés à titre d'exercices sur notre site « TOUT SUR L’A.L.S.
». Le mieux est de procéder avec méthode, en
trouvant pour chaque mot du vocabulaire pertinent sa série et sa valeur, ce qui permet de diagnostiquer
les différents "points de vue" du passage.
Le lexique pertinent pour
l'A.L.S. s'obtient en éliminant la ponctuation et les mots non porteurs
d'atomes A ou B (la « poussière grammaticale » : articles,
prépositions, conjonctions de coordination et de subordination, pronoms
relatifs et personnels, etc.) pour ne garder que les noms, verbes, adjectifs et adverbes, plus quelques prépositions de situation
(sur, sous, devant, derrière, autour, à travers
...).
Conventions
:
.
Repérage des séries : les mots de la série "A" en italique et ceux
de la série "B" en gras. Les mots en gras
+ italique sont
mixtes.
.
Repérage des valeurs : un mot souligné est valorisé, un mot non souligné est dévalorisé.
Voici
le texte avec l'indication des séries et des valeurs :
[
... ]
CYRANO
Déplaire est mon plaisir. J'aime qu'on me haïsse.
Mon cher, si tu savais
comme l'on marche mieux
Sous la pistolétade excitante des yeux !
Comme, sur les
pourpoints, font d'amusantes taches
Le fiel des envieux et la bave des lâches !
Vous, la molle amitié dont vous vous entourez,
Ressemble à ces grands cols d'Italie, ajourés
Et flottants, dans lesquels votre cou s'effémine
On y est plus à
l'aise ... et de moins haute mine,
Car le front n'ayant pas
de maintien ni de loi,
S'abandonne à pencher dans tous les sens. Mais moi,
La Haine, chaque jour, me tuyaute et m'apprête
La fraise dont l'empois force à lever la
tête ;
Chaque ennemi de plus est
un nouveau godron
Qui m'ajoute une gêne, et m'ajoute un rayon
Car, pareille en tous
points à la fraise espagnole,
La Haine est un carcan, mais c'est une auréole !
"s'effémine" n'est d'aucune série, mais est ici mis
en relief car il donnera la clef de ce passage "piégé".
3) On constate, une fois ce passage annoté
selon les règles de l'A.L.S., la coexistence des "points de
vue" extraverti et introverti :
- extraverti : valorisation de déplaire, haïsse, marche, pistolétade, excitante, amusantes, fiel, bave, haute, Haine, lever.
Dévalorisation de carcan.
- introverti : valorisation de maintien, loi, tuyaute, apprête, empois, godron (Pli rond et tuyauté, donc rigide) , gêne, rayon; auréole. Dévalorisation de à l'aise,
abandonne, pencher, dans
tous les sens.
4) Cette coexistence ne s'explique pas par les quelques possibilités présentées dans notre article princeps Linguistique et psychanalyse : pour une approche
logiciste, et
détaillées ci-dessous :
- Il ne s'agit pas ici d'un passage d'un point de vue
à l'autre structurel (liés à la structure d'un parler) :
« Le parler I ou E oscille par
définition entre les deux points de vue. D'autre part, dans le parler E
-> I il y a changement structurel au moment de la transition entre ses deux
phases (ce parler peut également utiliser «
sciemment » la juxtaposition des séries"pour
rallier tous les suffrages en séduisant et les locuteurs I, et les
locuteurs E") ».
.
En effet ce passage ne montre ni alternance rapide, ni
juxtaposition des deux points de vue, et le contexte montre que Cyrano n'est
pas un "phobique" hésitant.
.
Et d'autre part toute la splendide tirade "Non merci !" qui
précède ce passage - et qui fera à son tour l'objet d'une
analyse -, et plus généralement toute la pièce, prouvent
que Cyrano n'est pas un "parvenu", locuteur du parler E _ I, qui chercherait à "ratisser
large" par souci de l'électorat !
Il ne s'agit pas non plus ici d'un de ces
"renversements conjoncturels de point de vue"décrits dans
l'article (« exceptions confirmant la règle », lorsqu'on se met à valoriser la série
opposée à son parler) : objet idéalisé,
« discours amoureux », ironie et antiphrase, etc. On se
reportera à l'article pour plus de précisions.
5) La clef de ce passage est donnée par la
distribution précise des points de vue extraverti et introverti et surtout par le mot
dévalorisé "s'effémine" . . . Ces indices ouvrent une piste qui
fait appel à des données "cliniques", lesquelles,
quoiqu'extérieures à l'A.L.S., sont en parfait accord avec elle.
On remarque en effet qu'une fois posée une
assertion paradoxale typique du parler extraverti "Déplaire est mon plaisir. J'aime qu'on me haïsse", développée dans les vers
suivants depuis "Mon cher" jusqu'à "lâches",
le passage au parler introverti, qui file la métaphore entre le
couple amitié/haine et le couple mollesse/rigidité,
se fait très précisément à propos de l'apparence
vestimentaire et
du maintien :
grands cols d'Italie ajourés et flottants / fraise espagnole rigide
comme un carcan.
L'A.L.S., en accord avec les données
d'observation clinique qui vont suivre, constate ceci :
Le
parler Extraverti présente, du fait de sa genèse chez le parent rejetant (ce
"J'aime qu'on me haïsse" renvoyant à un "J'aime
qu'on le haïsse" parental), un embarras quant à l'assomption
d'une identité sexuelle (voir sur mon blog le billet : A. L.S. et l’assomption du sexe dans
l’hystérie. Il oscille alors entre :
-
l'apologie de l'AMBIGÜITÉ sexuelle : androgynie,
"hermaphrodisme", trouble ou séduction (provocation) produits
dans le regard de l'autre par le défi jeté à toute
catégorisation,
-
ou au contraire l'assomption d'une identité sexuelle CARICATURALE : hyperféminité chez le sujet féminin, hypervirilité
confinant au machisme chez le sujet masculin, ce qui a reçu le nom de
"parade virile" (on pense au "macho" latin roulant les
mécaniques, tel Aldo Maccione ...).
Voici une explication tirée du livre « L'hystérique,
le sexe et le médecin », Lucien Israël, Masson, 1992, p. 59 :
« Les hommes hystériques sont cachés.
Et dans la meilleure cachette pour un médecin, sous une autre
étiquette diagnostique. [ ... ] Pendant longtemps les médecins
ont été, dans leur immense majorité, des hommes. Et
l'hystérie représentait ce qu'il y avait d'inquiétant,
d'irritant, de menaçant chez les femmes. [ ... ] Elles
étaient fragiles, le sexe faible. On ne pouvait pas compter sur elles. Leur esprit manquait de logique, d'objectivité.
Elles étaient inconstantes, lunatiques. [ ... ] Il
n'est pas un seul défaut, pas une seule caractéristique
psychique, intellectuelle ou morale qu'on ait reproché aux femmes qui ne
se retrouve dans les descriptions de l'hystérie. Quoi d'étonnant alors que
le diagnostic d'hystérie soit devenu pour l'homme [ ... ] une
véritable injure, un signe de faiblesse, une castration en
un mot. Dire à un homme : "'Vous êtes hystérique"
reviendrait dans ces conditions à leur dire : "Vous n'êtes
pas un homme". [ ... ] Comment l'éviter ? ».
6) C'est ici que l'A.L.S a son mot à dire :
dans la distribution traditionnelle des rôles masculin et féminin
intervient partiellement (article à venir sur ce sujet) une
répartition :
- Introverti pour l'homme (solide, fiable, constant,
sérieux, etc.)
- Extraverti pour la femme (fragile,
peu fiable, inconstante, frivole, etc.).
Exemple :
"Souvent femme varie,
Bien fol est
qui s'y fie"
Le
mot dévalorisé "s'effémine" révèle que
Cyrano, locuteur du parler Extraverti (valorisation de déplaire, haïsse, marche, pistolétade, excitante, amusantes, fiel, bave, haute, Haine, lever.
Dévalorisation de carcan) pratique la "parade
virile",
donc adopte quand à sa tenue et à ses manières le point de
vue Introverti : valorisation de maintien, loi, tuyaute, apprête, empois, godron (rigide), gêne, rayon; auréole. Dévalorisation de molle, à
l'aise, abandonne, pencher, dans tous les sens, toutes
caractéristiques supposées au sexe féminin.
Lucien
Israël (ouvrage précité) :
« Le souci de paraître, la recherche de prestance sont donc les conduites dominantes les plus perceptibles chez l'homme
hystérique ».
« Oui l'hystérie
masculine existe ! [...] Elle se manifeste de manière différente.
Car ici la volonté d'attirer l'attention et le besoin de reconnaissance
entraînent d'autres manifestations : consommation d'alcool, exacerbation
des attitudes "viriles"… ».
Le retour au texte de la tirade
montre bien que cette rigidité apparemment "introvertie" du vêtement et du
maintien est mise par Cyrano au service de valeurs extraverties : haute mine, lever la tête, qui concordent avec le « J'aime
qu'on me haïsse initial ».
*
* *
Présentation de l’Analyse des Logiques Subjectives
A.
L.S.
Auteur
de la méthode : Jean-Jacques Pinto, psychanalyste, formateur et conférencier,
Aix-Marseille
L’Analyse des Logiques
Subjectives est une méthode originale d'analyse du discours partant des métaphores quotidiennes et de la psychanalyse. Elle permet
de faire correspondre des modes d’expression verbale avec des structures
psychopathologiques. Ses applications portent sur de nombreux domaines des
Sciences Humaines et Sociales : linguistique, littérature (Camus),
poésie (Baudelaire), traduction, rhétorique, argumentation,
psychologie sociale. Textes, articles, exercices, discussions, dictionnaires…
Sommaire
•
1 Présentation sommaire de l’Analyse des Logiques Subjectives
(A.L.S.)
• 1.1
Définition
• 1.2
Les séries (définition en extension)
• 1.3
Les points de vue
• 1.4
Les parlers
• 1.5
Les combinaisons de parlers
•
2 Filiations
•
3 Genèse des séries et parlers
• 3.1
Le terme psychanalytique d'identification
• 3.2
Hypothèse de l'A.L.S.
•
4 Description approfondie des séries, points de vue et parlers
• 4.1 Essai de caractérisation linguistique
• 4.2
Règles et remarques
•
5 Validation directe et indirecte, critiques et autocritiques, résultats
(Plan)
• 5.1
La validation directe de l'A.L.S.
• 5.2
Il existe d'autre part une « validation indirecte » de l'A.L.S.
• 5.3
Critiques et autocritiques
•
6 Applications de l'A.L.S.
• 6.1
En psychanalyse
• 6.2
Dans les sciences du langage
• 6.2.1 En sémantique
• 6.2.2 En rhétorique et en argumentation
• 6.2.3 En poésie et littérature
• 6.2.4 Dans les traductions
• 6.3
Dans les sciences humaines en général
•
7 Notes et références
•
8 Bibliographie
•
9 Articles connexes
•
10 Liens externes
Les
lectrices et lecteurs intéressés trouveront le
développement de la méthode de Jean-Jacques Pinto à
l’adresse ci-dessous,
http://www.youscribe.com/catalogue/etudes-et-statistiques/savoirs/sciences-humaines-et-sociales/l-analyse-des-logiques-subjectives-a-l-s-1980997
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