Psi . le temps du non

Jean-Jacques Pinto

Travaux

• Traduction et interprétation

• Propagande et psychanalyse

• Psychanalyse et neurosciences

• La personnalité du Cyrano de Rostand

• Présentation de l’A.L.S.

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Il est plus facile d'élever un temple que d'y faire descendre l'objet du culte

Samuel Beckett • « L'Innommable »

Cité en exergue au « Jargon der Eigentlichkeit » par T. W. Adorno • 1964

It is easier to raise a temple than to bring down there the worship object.
Samuel Beckett • “The Uspeakable one”

Underlined in « Jargon of the authenticity » by T. W. Adorno • 1964

Ø

Personne n'a le droit de rester silencieux s'il sait que quelque chose de mal se fait quelque part. Ni le sexe ou l'âge, ni la religion ou le parti politique ne peuvent être une excuse.

Nobody has the right to remain quiet if he knows that something of evil is made somewhere. Neither the sex or the age, nor the religion or the political party can be an excuse.

Bertha Pappenheim

point

L'association ψ [Psi] LE TEMPS DU NON existe maintenant, déclarée sous cette appellation depuis 28 ans tout juste - 1983 sous un autre nom, trop parisien. Elle a toujours pour but de favoriser la réflexion pluridisciplinaire par les différents moyens existant, la publication et la diffusion de matériaux écrits, graphiques, sonores, textes originaux, œuvres d'art, archives inédites, sur les thèmes en relation à la psychanalyse, l'histoire et l'idéologie.
ψ = psi grec, résumé de Ps ychanalyse et i déologie. Le NON de ψ [Psi] LE TEMPS DU NON s'adresse à l'idéologie qui, quand elle prend sa source dans l'ignorance délibérée, est l'antonyme de la réflexion, de la raison, de l'intelligence.

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© Jean-Jacques Pinto / janvier-février 2013

 

Travaux

 

• Traduction et interprétation

• Propagande et psychanalyse

Résumés en français, anglais, allemand, italien, espagnol, portugais, russe

• Psychanalyse et neurosciences

• La personnalité du Cyrano de Rostand

• Présentation de l’A.L.S.

 

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Traduction et interprétation

L’interprétation en psychanalyse

Traduction, transcription, ou translittération ?

Ce texte, distribué aux étudiants de Mme Inès OSEKI-DÉPRÉ (Master "littérature mondiale et interculturalité", Spécialité : traduction littéraire, Faculté des Lettres d'Aix-en-Provence), est en cours d'évaluation pour publication - sous une forme plus développée - dans la revue du CLAIX (Cercle linguistique d'Aix-en-Provence).

 

Translation and interprétation

This paper, handed to the students of Mrs. Ines OSEKI-DÉPRÉ (Master "orld Literature and interculturality, Subject : literary translation, Faculté des Lettres, Aix-en-Provence, France), is under review for publication - in an extensive form - in the CLAIX publication (Cercle Linguistique d'AIX-en-Provence).

 

I. INTRODUCTION

 

• Nous parlons ici de l’interprétation en psychanalyse freudo-lacanienne, différente de l’interprétation en psychologie analytique jungienne.

• En dépit de ce qu’on peut lire même sous la plume de certains psychanalystes, l’inconscient n’est pas archaïque, primitif, sous-développé ou inculte. Il connaît toutes les possibilités de transformation linguistiques et rhétoriques, et utilise pour se manifester toutes les combinaisons et permutations imaginables.

Exemple vécu : une amie marseillaise, peut-être travaillée par la faim, s’écrie devant un immeuble monumental : "Quelle belle charcuterie", au lieu de "Quelle belle architecture". C’est une anagramme presque parfaite (à part le t répété dans architecture). L’inconscient a fourni instantanément le résultat de la permutation, là où la pensée consciente aurait mis au minimum une dizaine de secondes (par exemple dans l’ancien jeu télévisé : "le mot le plus long").

De même, indique Freud, on trouve souvent dans le rêve "des opérations très complexes que le rêveur accomplit avec une facilité stupéfiante".

 

• Le "codage" inconscient peut utiliser n’importe quel niveau de complexité linguistique, donc la solution - le déchiffrement des énigmes qu’il nous soumet - relève de n’importe quel niveau : « Tout élément linguistique, du trait distinctif des phonèmes à la transformation et à la phrase, est un support potentiel de l’insistance du signifiant » (Mitsou Ronat). Nous insisterons aujourd’hui sur les rébus inconscients, ignorés du grand public et souvent hélas de beaucoup de psychanalystes. Pour celà nous recourrons au fonctionnement des langues à écriture non alphabétique.

• Annonçons déjà que la limite de l’interprétation en psychanalyse freudienne, c’est sa disparition : les analystes doivent être "sourciers" (orientés vers la source) et non "ciblistes" (orientés vers la cible). L’interprétation doit émerger et s’imposer du réseau d’associations faites par le patient à partir d’une des formations de l’inconscient (rêve, symptôme lapsus etc.), réseau qui conduit non pas à une explosion combinatoire, mais à des nœuds où se recoupent les fils associatifs et où se lit la solution. Quand Freud lui-même se détourne de sa propre méthode, il devient cibliste : c’est l’inconscient de l’analyste augmenté de ses normes qui parle, et non celui du patient.

 

II. LES LANGUES A ÉCRITURE NON ALPHABÉTIQUE

 

A. Il vaudrait peut-être mieux les nommer "Langues à écriture non phonétique", car il existe

 

1. des écritures phonétiques : alphabétiques ou syllabiques

 

2. des écritures non phonétiques au départ, mais en fait toujours mixtes : sumérien, akkadien, égyptien, hittite hiéroglyphique, chinois. Nous prendrons deux exemples, l’un antique, l’égyptien hiéroglyphique, l’autre actuel, le chinois.

 

a) L’écriture égyptienne. En théorie, chaque signe peut :

 

(1) dessiner la chose concrète à représenter : pictogrammes (maison, arbre, animal), signes à valeur figurative ;

 

(2) évoquer un concept abstrait : idéogrammes (dérivation du sens concret par des figures de rhétorique comme métaphore, métonymie, synecdoque : jour, mère, marcher), signes à valeur symbolique ;

 

(3) écrire sous forme de rébus les consonnes correspondantes sans noter les voyelles : phonogrammes, signes à valeur phonétique :

 

(a) Les signes unilitères correspondent, à l'origine, à des signes-mots d'une seule consonne, mais sont utilisés comme nos lettres de l'alphabet pour noter des consonnes.

 

(b) Les signes bilitères valent pour deux consonnes. La pénurie de figures symboliques mène au rébus graphique.

 

Encyclopædia Universalis :

 

"Toutefois, si ingénieux soit-il, l’homme peut difficilement traduire dans le système pictographique des abstractions comme « se souvenir » ou « aimer ». Pour exprimer ces conceptions, […] le système d’écriture égyptien utilisa […] l’homophonie et le rébus graphique.

Le principe de l’homophonie est simple : dans la langue parlée, « échiquier » se disait men. Le dessin qui représentait un échiquier fut alors utilisé, d’une part, pour signifier l’objet échiquier, mais aussi pour écrire le son « men » ; le mot abstrait « rester, demeurer », qui se prononçait ainsi, s’écrira donc, lui aussi, par l’échiquier. La « houe » se disait mer, le dessin qui la représente servira de plus à écrire le mot homophone mer « amour ».

[…] Mais, même ainsi, le nombre d’homophones est limité, et il fallut trouver un moyen d’étendre le procédé à des mots composés. Par exemple, le mot « établir » se disait s(e)m(e)n, pour lequel il n’existait pas d’homophone qui puisse être dessiné ; le scribe utilise alors deux images qu’il accole l’une à l’autre : une pièce d’étoffe pliée qui se lisait s(e), et l’échiquier m(e)n , et l’ensemble des deux se lit alors : s(e) + m(e)n = s(e)m(e)n. […] C’est le principe du rébus graphique  dans lequel le mot « chagrin », par exemple, pourrait être décomposé en deux dessins : un « chat » suivi d’un « grain »."

(c) Les signes trilitères valent pour trois consonnes : n(e)f'e)r (dessin d’un instrument de musique) note par homophonie le mot "beau".

 

(4) enfin chaque signe peut, placé à la fin d'un mot et non prononcé, classer ce mot dans une catégorie de sens (déterminatif) : signes à valeur déterminative.

 

Encyclopædia Universalis :

 

"Pour distinguer entre les mots similaires d’une part, d’autre part sans doute pour séparer les mots entre eux, les scribes prirent peu à peu l’habitude d’ajouter, après les signes écrivant phonétiquement le mot, un idéogramme indiquant à quelle catégorie générale ce mot appartenait. Ainsi les mots impliquant une notion de force seront suivis du signe d’un bras armé ; les noms d’animaux, d’oiseaux seront suivis d’un bœuf, ou d’une chèvre, ou d’une oie ; les noms de plantes, de fleurs, les mots abstraits, d’un rouleau de papyrus scellé. On a appelé déterminatifs ces idéogrammes qui, bien entendu, ne se lisent pas."


b) L’écriture chinoise repose sur les mêmes principes que la précédente, et comprend :

(1) des pictogrammes (objet) : soleil, lune

 

(2) des idéogrammes simples (idée) : symbole (représentation abstraite). Exemples : les chiffres 1, 2, 3. Les caractères "shang" (monter), "xia" (descendre).

 

(3) des idéogrammes composés (idée) : combinaison simples, sans phonétique formant de nouveaux mots : soleil + lune -> lumière ; femme + enfant -> (être) bien ; femme + toit -> paix

 

(4) des emprunts rébus : le signe "wo" (je) désignait à l’origine la hallebarde, homophone.

 

(5) des idéophonogrammes (cf en égyptien phonétique + déterminatif): femme (catégorie) + cheval (son "ma") -> caractère "ma" (maman); l’équivalent du déterminatif se nomme "clé".

 

B. Dans ces écritures, le "contenu manifeste" (ce qui se voit, le dessin) diffère, sauf pour les pictogrammes, du "contenu latent" (ce qui se lit), chaque signe peut se lire de plusieurs façons, et cette lecture dépend du contexte : en égyptien le signe "pr" (maison) peut signifier le mot "maison", dans un autre mot "hpr" (naître) les consonnes "p" + "r", enfin placé à la fin d'un mot, il indique qu'il s'agit d'un bâtiment ou d'une partie de bâtiment.

 

Dans les formations de l’inconscient comme dans ces écritures chaque élément à interpréter a plusieurs lectures, et c’est le contexte (ici les associations du "patient") qui donne la fonction de chaque élément.

Les raisons qui ont empêché pendant près d’un millénaire et demi le déchiffrement des hiéroglyphes, notamment la méconnaissance des rébus graphiques, s’apparentent à celles qui faisaient et font souvent encore obstacle au déchiffrement de l’inconscient, avec en prime le "conflit des interprétations".

 

Extrait de notre article dans Marges Linguistiques :

 

« […] les cliniciens de la psychanalyse […] partent certes d’un matériel verbal abondant, mais se condamnent à une babélique confusion des langues, faute d’expliciter leurs procédures de traduction du contenu manifeste (le matériel verbal) au contenu latent (ce qu’ils y lisent). Prenons, a contrario, l’exemple du déchiffrement de l’écriture cunéiforme (le parallèle entre l’inconscient et les écritures non-alphabétiques est constant chez Freud et Lacan) (Doblhofer, 1959, pp. 137-138) :

 

"On envoya sous pli cacheté à chacun des quatre assyriologues la copie d’une inscription cunéiforme qu’ils ne pouvaient connaître parce que récemment découverte. […] Les quatre savants furent priés de la traduire chacun pour son compte et de faire connaître le résultat de leur déchiffrement. […] Les transcriptions revinrent, également cachetées, à la Société [la Royal Asiatic Society] qui choisit un jury et convoqua une assemblée solennelle. On put alors étaler aux yeux du monde entier la preuve éclatante que la jeune assyriologie reposait sur des fondements solides. Les quatre textes concordaient sur tous les points essentiels, bien qu’on dût y reconnaître évidemment de légères divergences […] Mais selon l’avis unanime du jury, le déchiffrement était une affaire acquise."

 

On imagine mal l’obtention d’un tel résultat en soumettant un rêve, une séance, une portion de biographie, une interview ou quelque matériel verbal que ce soit à quatre psychanalystes différents […] En psychanalyse règne donc le conflit des interprétations».

 

III. LES FORMATIONS DE L’INCONSCIENT On désigne en psychanalyse par cette expression l’ensemble constitué par les rêves, les symptômes des différentes névroses (hystérique, obsessionnelle, phobique), les lapsus, oublis et actes manqués, et l’on y rattache les mots d’esprit. A titre bibliographique on peut lire les trois seuls livres de Freud où il donne vraiment tout le matériel d’associations qui lui sert à asseoir ses interprétations (et donc, en accord avec Karl Popper, nous laisse la possibilité de les réfuter !) :

 

Psychopathologie de la vie quotidienne

L’interprétation des rêves

Le mot d’esprit et ses rapports avec l’inconscient.

 

A. Ces formations de l’inconscient fonctionnent en grande partie comme les écritures non alphabétiques, notamment — et nous commencerons par là — en ce qui concerne le recours au rébus graphique (pour Freud fonctionne le principe, simplifié pour l’occasion : "Le rêve est un rébus, nos prédécesseurs ont commis la faute de vouloir l'interpréter en tant que dessin")1-2.

 

1 Lacan : "Telles les figures hors nature du bateau sur le toit ou de l’homme à tête de virgule expressément évoquées par Freud, les images du rêve ne sont à retenir que pour leur valeur de signifiant, c’est-à-dire pour ce qu’elles permettent d’épeler du « proverbe » proposé par le rébus du rêve. Cette structure du langage qui rend possible l’opération de la lecture est au principe de la signifiance du rêve, de la Traumdeutung." (in « L’instance de la lettre dans l’inconscient ou la raison depuis Freud »)/

2 Lacan : "Voyez les hiéroglyphes égyptiens : tant qu’on a cherché quel était le sens direct des vautours, des poulets, des bonshommes debout, assis, ou s’agitant, l’écriture est demeurée indéchiffrable. C’est qu’à lui tout seul le petit signe « vautour » ne veut rien dire ; il ne trouve sa valeur signifiante que pris dans l’ensemble du système auquel il appartient. Eh bien ! les phénomènes auxquels nous avons affaire dans l’analyse sont de cet ordre-là, ils sont d’un ordre langagier." (Entretien avec Madeleine Chapsal paru dans L’express du 31 mai 1957).

 

1. Il existe d’une part des rébus inconscients portant sur des mots : apparition, par exemple dans un rêve, d’images dont la lecture phonétique aboutit à des mots mono-, di- voire trisyllabiques homophones de ces images. C’est bien sûr la séquence des associations d’idées du rêveur, et elle seule, qui garantit, par le contexte qu’elle fournit, la lecture phonétique plutôt que figurative ou symbolique.

 

Freud : "Le contenu du rêve nous est donné sous forme d’hiéroglyphes dont les signes doivent être successivement traduits dans les pensées du rêve [les associations du rêveur]".

 

Quelques exemples :

 

a) Dans un rêve apparaissent successivement une île, puis une faux. La lecture par pictogrammes aboutit à un non-sens : aucun rapport entre une île et une faux. La lecture par idéogrammes donnerait par exemple : l’île symbolise l’isolement, la faux symbolise la mort, donc cette séquence signifie l’isolement conduit à la mort. La lecture phonétique, confirmée par les association du rêveur, montre que la séquence est à prononcer : "il faut", et que le rêve énonce un impératif dont le contenu est à déchiffrer dans la suite du rêve.

N.B. : nous ne parlerons pas ici de la présence de déterminatifs dans certains rêves, c’est-à-dire d’éléments qui, sans être eux-mêmes à lire, n’apparaissent que pour orienter ou préciser la lecture d’autres éléments du rêve, par exemple pour indiquer si tel élément doit être lu comme pictogramme, idéogramme ou phonogramme.

 

b) Une épouse délaissée par son mari rêve une nuit du chanteur Gilbert Bécaud. Les associations qu’elle fait dans les séances suivantes livrent le rébus suivant : elle désire que son mari, prénommé Gilbert, se remette à lui faire des bécots (à lui donner des baisers).

 

c) Une jeune femme ne pouvait s'empêcher de tromper sans motif son compagnon régulier avec un amant ; elle fait une nuit un rêve où elle se promène avec cet amant sur les quais de Londres et contemple un port de plaisance. Le psychanalyste lui demande un synonyme de "port de plaisance" et la patiente répond "une marina". Or il se trouve que c'est son prénom, d'où une signification possible du rêve, confirmés par les séances suivantes : "m'appelant Marina, je suis moi-même un port de plaisance, l'homme avec qui je trompe mon compagnon est dans la réalité un marin, qui a  probablement "une femme dans chaque port" (et un port dans chaque femme ?!). La jeune femme avait pour des raisons anciennes un fantasme de prostitution. Son comportement a progressivement changé par la suite.

 

d) Dernier exemple : une enseignante commence une psychanalyse car, abandonnée par son ami (Jacques) qui la torture psychologiquement en s’exhibant au bras de ses nouvelles conquêtes, elle n’arrive pas à faire le deuil de cette relation et à rencontrer un autre homme. Après quelques mois surviennent les deux séances suivantes :

 

(1) Elle parle de Jacques pendant un quart d’heure, s’interrompt pour décrire la seule image qui lui reste d’un rêve de la nuit : elle est dans une grande prairie verte, puis termine la séance par des associations diverses.  Le psychanalyste vers la fin de la séance entend se former dans son esprit un jeu de mots tellement saugrenu qu’il l’écarte avec scepticisme : Jacques, pré vert -> Jacques Prévert.


(2) Lors de la séance suivante, presque identique, la patiente parle de Jacques pendant un quart d’heure, s’interrompt pour dire qu’elle a rêvé mais qu’elle a oublié son rêve, puis enchaîne : "ce matin j’ai traité en cours un poème de Jacques Prévert". Quelque temps plus tard elle a pu revenir sur son rêve, est passée elle-même par association phonétique de la prairie verte au pré vert, pour finir par énoncer l’anagramme "Je trouve Jacques pervers", ce que sa conscience admettait d’emblée mais que son inconscient refusait jusqu’au rêve. Cette reconnaissance lui a permis de se détacher de cet homme, et de rencontrer peu après quelqu’un d’autre.


(3) Dans ce rêve, l’inconscient combine le rébus (pré vert) avec l’anagramme (pervers). Il peut recourir à d’autres permutations comme la contrepèterie : un rêve où figurent des poutres de fer se révèle par les associations du rêveur concerner le foutre du père (son sperme).


2. Il existe d’autre part des rébus inconscients portant sur des expressions entières, sans recours à homophonie : le rébus met alors en images une expression figée ("rouler à tombeau ouvert", "avoir le pied au plancher") et la scène obtenue fait énigme par le non-sens apparent d’une métaphore illustrée à la lettre. Si ce procédé ludique n’est pas attesté dans les écritures non alphabétiques, il apparaît dans les livrets "idiomatics" (répertoires comparatifs bilingues d’expressions) ainsi qu’au cinéma (Chico Marx demande à son frère Harpo adossé à une maison : "tu tiens le mur ?"; celui-ci acquiesce, s’écarte, et le mur s’écroule …!).


 Exemple en psychanalyse : un patient qui a entendu la veille une amie dire de son analyste (à lui) "je le trouve en perte de vitesse" se rêve au sommet d’un immeuble d’où il voit avec effroi un avion tournoyer lentement en perdant de la vitesse pour s’écraser finalement quelque part dans la ville.


3. L’existence de ces deux types de rébus montre clairement que l’analyste doit absolument connaître la langue maternelle des patients s’il veut, pour lui-même, anticiper sur la solution des énigmes inconscientes qu’ils énoncent, solution qu’encore une fois seuls les recoupements associatifs peuvent valider. D’autre part il lui faut en quelque sorte se rendre aveugle aux images qu’on lui rapporte pour ne pas rester sourd aux sons qu’elles véhiculent …


4. En dehors des rêves, et sans parler des calembours et charades avec ou sans tiroirs (cf. Freud : Le mot d’esprit), on rencontre des rébus-charades  :

 

   dans les lapsus et les oublis de mots.

 

   Exemple de Freud : un jeune homme oublie le mot latin aliquis; ses associations, dont la première, qu’il juge incongrue, consiste à scinder ce mot en a- privatif et -liquis, l’amènent à dévoiler sa secrète préoccupation : sa maîtresse n’a plus (a-) ses règles (-liquis) ;

 

   ainsi que dans certaines hallucinations :

 

Un patient "retombé en enfance" visualise l’énoncé "je suis petit" en percevant son corps comme rétréci, un clochard ramassé en coma éthylique par deux policiers se réveille en hallucinant qu’il est attaqué par des "hirondelles".


B. Nous avons jusqu’ici parlé de rébus graphiques inconscients pour illustrer l’analogie avec les écritures non alphabétiques, et parce qu’ils sont les plus fréquents. Mais en fait chaque fois que du phonétique (auditif verbal) est codé par du non-verbal issu d’une perception quelconque (les "cinq sens"), il y a rébus, et l’inconscient utilise de tels rébus. A côté du rébus classique où l’auditif verbal est codé par du graphique (visuel figuratif), on rencontre donc :

 

1. des rébus musicaux où du phonétique est codé par de l’auditif non verbal (musique) :

 

a) Un homme s’interrompt au milieu d’une conversation qui amène sur ses lèvres des propos agressifs pour son amie. Une mélodie de Jazz s’impose alors à son esprit de façon insistante. Lorsqu’il se demande quel en et le titre, il s’avère que le morceau s’appelle Suspended sentence (la phrase en suspens).

 

b) Un jeune scientifique africain fuit son pays la veille d’un mariage dont la perspective l’effraie. Il reprend ses études à Marseille, mais lorsqu’il commence une nouvelle liaison quelques mois plus tard, il est atteint d’impuissance sexuelle. Le médecin, ne trouvant aucune cause biologique, l’adresse à un psychanalyste. Ce jeune homme, malgré son esprit rationnel, ne peut s’empêcher de penser que sa future belle-mère lui a jeté un sort pour le punir de sa désertion. Lors d’une séance, il reste un moment silencieux. Questionné à ce sujet par l’analyste, il répond qu’aucune pensée verbale ne lui est venue, mais qu’un air de Carlos Santana résonne dans sa tête de façon obsédante. Or le titre en est : Black Magic Woman (femme à la magie noire) …


2. des rébus gustatifs : certaines préférences et aversions alimentaires héritées de l’enfance ses révèlent à l’analyse reposer sur des jeux de mots :


a) de type calembour : un constipé chronique raffole de féculents (fait-cul-lent !!!) ;


b) de type mot d’esprit reposant sur une métaphore :

 

Un patient obsessionnel, que la violence culpabilise, ne peut supporter ni la tomate ni l’oignon (il rejette tout plat qui en contient la moindre trace). Lorsqu’enfant il était angoissé au cinéma en voyant couler le sang ou verser des larmes, sa mère croyant le rassurer lui disait : "ce sont des truquages : le sang, c’est de la sauce tomate, et pour les larmes, les acteurs se font pleurer avec un oignon" !!!


c) Ces préférences et aversions disparaissent d’ailleurs au cours de l’analyse, preuve qu’il ne s’agit pas de tendances héréditaires ou d’origine biologique acquise.


3. des rébus olfactifs : un patient obsédé par la crainte d’émettre des pets en public a l’illusion de sentir des émanations de gaz dans une cuisine collective qui ne comporte pourtant que des plaques électriques  ! !


4. des rébus tactiles : dans les symptômes de la névrose hystérique on rencontre soit des anesthésies de zones corporelles ayant une signification particulière pour tel patient, soit de l’hyperesthésie sous forme de douleur :


Un homme présente à la joue gauche une douleur inexplicable médicalement. Ses associations sous hypnose révèlent que celle-ci est apparue le lendemain d’un soir de fête où sa femme lui a dit : "Comment peux-tu ainsi, devant moi, jouer les séducteurs auprès de toutes ces dames, alors que je sais très bien que tu n’es plus un homme !" (que tu es impuissant). "Ces mots, dit-il, m’ont frappé comme une gifle au visage" …

 

IV. EN QUOI CONSISTE DONC L’INTERPRÉTATION PSYCHANALYTIQUE ?

 

Il faut ici distinguer pour les phénomènes psychiques humains l’interprétation-décodage, non contextuelle, et l’interprétation-déchiffrement, contextuelle.


A. Les prémisses de l'interprétation-décodage sont fausses : on suppose qu'il existe un code (le langage étant considéré comme un code parmi d'autres), donc on cherche à décoder les signaux psychiques.

Dans un code il y a correspondance biunivoque entre deux signes, non-ambiguïté (souvent imparfaite), fonctionnement non-contextuel du système de signaux. Deux possibilités :


1. Négation de la structuration verbale du psychisme : on interprète des comportements. La garantie est biologique.

 

Si on croit trouver une correspondance biunivoque innée entre les comportements et leur signification, le garant est l’hérédité (ex: "langage" des abeilles") : on est dans l’éthologie.

 

Si on croit que cette correspondance est acquise, on est dans le modèle comportementaliste : le comportement résulte d’un  conditionnement familial ou social du type stimulus/réponse, entrée/sortie (le psychisme est une boîte noire dont on ne veut rien savoir).


2. Reconnaissance de la structuration verbale du psychisme : on suppose une correspondance biunivoque entre la langue-source des rêves et la langue-cible du niveau conscient. Deux cas :

L’antique clef des songes dont le garant est divin. Dieu ou les dieux nous parle(nt) dans nos rêves, et l’oniromancien traduit. Ex : Joseph et le rêve des vaches grasses et des vaches maigres.

L’interprétation par symboles en psychanalyse. Elle fonctionne comme clef des songes moderne dans la presse de vulgarisation et une certaine littérature psychanalytique "pansexualiste" : tout objet allongé (stylo, etc.) est un pénis, tout objet creux (sac à main etc.) est un vagin, tout objet rond (ballon etc.) représente le sein ou la grossesse !

Ce décodage stupide est tourné en dérision par un philosophe scandinave :

Interprétation des rêves simplifiée :

"Tout ce dont vous rêvez est concave ou convexe, donc quoi que vous rêviez, il est question de sexe" !

 

B. L'interprétation-déchiffrement :

 

Roland Barthes dans Éléments de séméiologie  démontre que chez l'homme tout code est défini à partir du langage, tout le non-verbal (analogique) est défini depuis le verbal (digital). Or le langage humain n’est pas un code : avec sa double articulation, il est fondamentalement ambigu et équivoque, donc le contexte joue un rôle essentiel dans sa compréhension.

 

Dans l'interprétation-déchiffrement,  l’ambiguïté du signifiant acoustique ou graphique est prise en compte : il n’y a pas de clef des songes, un même rêve qui se répète peut signifier chaque fois une  chose différente.

 

Pour le psychanalyste Jean Allouch dans Lettre pour lettre (Editions Erès, 1984) :

1. transcrire est écrire en réglant l’écrit sur quelque chose en dehors du champ du langage [réel] ;

2. traduire est écrire en réglant l’écrit sur le sens [imaginaire] ;

3. translittérer est écrire en réglant l’écrit sur l’écrit [symbolique] : déchiffrement d’une écriture non alphabétique ou des formations de l’inconscient.

Donc l’interprétation en psychanalyse n’est ni une transcription, ni une traduction, mais une translittération. C'est un déchiffrement littéral de l’écriture inconsciente.

 

[Cette conclusion trop succincte sera bientôt développée]

 

ø

 

Propagande et psychanalyse

Un article dans la revue TOPIQUE

Fantasme, Discours, Idéologie.

D’une transmission qui ne serait pas propagande

 

La revue « Topique », sur le theme "Violence ou persuasion", a publié à l'automne 2010 dans son numéro 111 une série d'articles, dont un rédigé par Jean-Jacques Pinto, fondateur de l'Analyse des Logiques Subjectives (A.L.S.), et intitulé Fantasme,Discours, Idéologie - D'une transmission qui ne serait pas propagande. Ce texte offre un bon exemple d'application de l'A.L.S. à l'analyse d'un phénomène de société. 

 

Référence et texte de présentation (argument)  

Topique

Revue freudienne 

Éditeur : L’Esprit du temps

N° 111 (septembre 2010) Violence ou persuasion

 

Les techniques psychologiques de persuasion sur lesquelles s'appuient les propagandes en tous genres relèvent d'une vision associationniste du fonctionnement psychique, illustrée en son temps par Pavlov et perfectionnée depuis. Revenir sur cette question, c'est aussi plus profondément poser la question éthique et technique de ces méthodes qui visent à influencer ou à formater le sujet. Parce que la psychanalyse est riche d'une réflexion sur les fonctionnements du collectif qui ont occupé une très grande partie des préoccupations de Freud, elle offre un outil conceptuel pour analyser les processus en cause dans ce phénomène. L'illusion, on le sait, renonce à être confirmée par la réalité, mais elle va plus loin encore car elle construit aussi le fantasme de cette réalité pour un temps affirmé futur. Au nom de quoi elle va pratiquer la désinformation, le caviardage, la construction du faux.

Viol psychique ou séduction illusionniste, l'efficacité de la propagande nous met face à l'impuissance de la pensée critique face aux sirènes de l'affectivité; elles sont plus convaincantes car plus immédiatement sensibles.

Hier l'éloquence de l'orateur, aujourd'hui le matraquage audio-visuel médiatique se mettent au service non pas de la conviction fondée sur une pensée mais sur le court-circuit du passage à l'acte. Mais même si la propagande est capturée par le pouvoir qui l'organise comme une arme au service de l'obéissance des masses, ces dernières peuvent aussi s'en emparer et retourner sa stratégie à l'employeur.

On envisagera ici la propagande dans ses divers aspects: politique bien sûr mais aussi publicitaire, l'un n'étant pas très éloigné de l'autre. Répondre au désir, à la haine, à la peur, à l'angoisse narcissique en les confirmant n'est pas très difficile. L'approche par la psychanalyse de l'avenir des illusions et du besoin de croire qui engendre la préférence pour les mythes plutôt que pour l'histoire peut expliquer le désir d'auto-aliénation qui rend la propagande si efficace.

 

Voici le résumé de mon article en français, anglais, allemand, italien, espagnol, portugais et russe.

Fantasme, Discours, Idéologie.

D’une transmission qui ne serait pas propagande

Auteur : Jean-Jacques Pinto

Psychanalyste et chargé de cours à l’Université de Provence

Résumé

 La propagande se rencontre partout, pas seulement en publicité ou en politique. Avant d’être verticale et adressée aux lointains inconnus, elle est horizontale et s’adresse aux connaissances proches. C’est qu’elle repose en fait sur une structure psychique apte à la recevoir et à la répercuter, structure qui résulte de l’identification subjective, inconsciente donc non modifiable par la cognition, l’argumentation, la raison.

Plutôt que par Pavlov, la forme et le contenu de la propagande s’expliquent par la subjectivité inconsciente. Celle-ci se laisse décrire dans le champ social par notre « Analyse des Logiques Subjectives » (héritière critique de la théorie des Quatre Discours de Lacan, insuffisante à maints égards).

Nous passerons de l’analyse des facettes du « fantasme de propager » (par le détail des expressions qui en constituent les réalisations) à la description des rapports entre Fantasme, Discours et Idéologie : comment les habiles suscitent un écho dans le psychisme de leurs victimes en fédérant des fantasmes divers – voire opposés dans une synthèse instable, mais que sa patiente répétition a pour effet de maintenir.

En psychanalyse, transmettre sans propagande est non seulement possible mais souhaitable : horizontalement chez les analystes, à condition d’y déjouer l’argument d’autorité, et verticalement dans chaque analyse, en défaisant chez l’analysant les réseaux de suggestibilité. Car la psychanalyse, loin de se borner à la simple disparition des symptômes individuels, a pour vocation plus ambitieuse de contribuer à déconstruire le « malaise dans la civilisation ». On serait alors en droit de parler d’un authentique « prévention de la propagande ».

 

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Fantasy, Discourse, Ideology – Transmission Beyond Propaganda

 

Abstract

Propaganda is everywhere, not only in commercials or politics. It is aimed at faraway strangers as well as nearby friends and relations. Propaganda in fact relies on a certain type of psychic structure, one that is tuned to receive it and disseminate it. This structure is a result of an unconscious subjective identification which is therefore not open to change through either cognition, argumentation or reasoning.

Propaganda’s form and content are best explained by an unconscious subjectivity rather than by Pavlov’s theory. The social dimension of this subjectivity may be defined by what we refer to as our ‘Analysis of Subjective Logics’ (a legacy of Lacan’s theory of the Four Discourses, which is deficient in some respects).

We will first explore the various facets of the ‘Fantasy to Propagate’ by means of a word by word analysis, and will then go on to describe the connexions between Fantasy, Discourse and Ideology. We will show how a clever manipulator triggers an echo in the psyche of his victims, knitting together different and sometimes even contradictory fantasies in an unsteady synthesis he manages to maintain through patient repetition.

As for psychoanalysis, it is not only possible but also highly desirable to practise it in the absence of all propaganda : among analysts, on condition that the precept of authority be outwitted, and within each analysis, by undoing the analysand’s sensitivity to suggestion. Psychoanalysis indeed does not only address the individual’s symptoms and their unravelling, but also, more ambitiously, aims to heal civilization of its discontents. This would entitle us to speak in terms of a genuine form of ‘propaganda prevention.’

 

(Traduction effectuée par Françoise Capelle-Messelier)

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Phantasie, Diskurse, Ideologie.

Ist eine Vermittlung ohne Propaganda möglich ?

 

 Zusammenfassung

Überall trifft man auf Propaganda, nicht nur in Werbung oder in Politik. Ehe sie vertikal ist man und sich an entfernte Unbekannte richtet, ist sie horizontal und richtet sich an nahe Bekannte. Der Grund hierfür liegt in einer psychischen Struktur, die fähig ist, Propaganda zu empfangen und weiter zu leiten, eine Struktur, die aus der subjektiven Identifizierung resultiert, unbewusst also nicht veränderbar durch Erfahrungswissen, Argumentation oder Vernunft.

Eher als mit Pavlov lassen sich Form und Inhalt der Propaganda durch die unbewusste Subjektivität erklären. Diese lässt sich im sozialen Feld durch unsere „Analyse der subjektiven Logik” (kritische Erbin der in vielerlei Insicht ungenügenden „Theorie der vier Diskurse” von Lacan) beschreiben.

Wir beginnen mit einer Analyse der Facetten der Phantasie „propagieren” (mittels einer genauen Untersuchung der Ausdrücke, die es konstituieren) anschliessend nehmen wir eine Beschreibung der Beziehungen zwischen Phantasie, Diskurse und Ideologie vor: so wie listige Personen ein Echo in der Psyche ihrer Opfer auslösen, indem sie diverse sogar gegenteilige Phantasien in einer instabilen Synthese versammeln, die aber durch ihre statige Wiederholung aufrecht erhalten wird.

In der Psychoanalyse, ist es nicht nur möglich, sondern wünschenswert ohne Propaganda zu vermitteln : horizontal bei den Analytikern, indem das Autoritätsargument vermieden wird, und vertikal in jeder Analyse, indem man losmacht beim analysierend die Netze der Beeinflußbarkeits aufknüpfen. Denn die Psychoanalyse, weit davon entfernt sich auf die einfache Lösung der individuellen Symptome zu beschränken, hat das ambitionwerte Ziel zu Dekonstruktion des „Unbehagen in der Kultur”. In diesem fall wäre es gerechtrechtigt, von einer tatsächlichen „Prävention der Propaganda” zu sprechen.

 

(Traduction effectuée par Maika X)

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Fantasma, discorso, ideologia.

Riguardo una trasmissione che non sia propaganda

 

Sintesi

La propaganda si trova ovunque, non solamente nella pubblicità o nella politica. Prima di essere verticale e indirizzata a lontani sconosciuti, è orizzontale e si indirizza a conoscenti prossimi. Perché essa infatti riposa/si basa su una struttura psichica atta a riceverla ed a ritrasmetterla, struttura che è il risultato dell’identificazione soggettiva, incosciente quindi non modificabile dalla cognizione, l’argomentazione, la ragione.

La forma e il contenuto della propaganda si spiegano dalla soggettività incosciente piuttosto che da Pavlov. Questa si può descrivere nel contesto sociale dalla nostra “Analisi delle Logiche Soggettive” (erede critica della teoria dei Quattro Discorsi di Lacan, insufficiente in molti aspetti).

Passeremo dall’analisi delle sfaccettature del “fantasma del propagare” (attraverso i dettagli delle espressioni che ne costituiscono le realizzazioni) alla descrizione dei rapporti/delle relazioni tra il Fantasma, il Discorso e l’Ideologia: come i subdoli/furbi suscitano un eco nella psiche delle loro vittime collegando fantasmi diversi -o opposti- in una sintesi instabile ma la cui ripetizione ha come effetto di mantenerla.

In psicanalisi, trasmettere senza propaganda non è solamente possibile ma desiderabile: orizzontalmente tra gli analisti, a condizione di sventare l’argomento dell’autorità e verticalmente in ogni analisi, disfando nell’analizzato le reti di suggestione.

Infatti la psicanalisi, invece di limitarsi alla semplice sparizione  dei sintomi individuali, ha per vocazione più ambiziosa quella di contribuire a decostruire il “ malessere nella cultura”. Allora si sarà in diritto di parlare di un’autentica “prevenzione della propaganda”.

 

(Traduction effectuée par Francesca MARCATO)

 

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Fantasma, Discurso, Ideología.

Sobre una transmisión que no sería propaganda

 

Resumen

La propaganda se haya en todas partes, no solo en la publicidad o en la política. Antes de ser vertical y dirigida a desconocidos distantes, es horizontal y se dirige a los conocidos próximos. Esto es así porque se basa en realidad en una estructura psíquica apta para recibirla y darle eco, estructura que resulta de la identificación subjetiva, que es inconsciente y por lo tanto no modificable mediante la cognición, la argumentación o la razón.

Más que a través de Pavlov, la forma y el contenido de la propaganda se explican mediante la subjetividad inconsciente. Esta puede describirse en el campo social a través de nuestro "Análisis de las lógicas subjetivas" (heredero crítico de la "teoría de los Cuatro discursos" de Lacan, deficitaria desde muchos puntos de vista).

Del análisis de los aspectos del "fantasma de propagare" (a partir de las expresiones que constituyen sus realizaciones), pasaremos a la descripción de las relaciones entre Fantasma, Discurso e Ideología o cómo los hábiles producen un eco en el psiquismo de sus víctimas conjugando una serie de fantasmas diferentes -o incluso opuestos- en una síntesis inestable pero que se conserva gracias a una paciente repetición.

En el psicoanálisis, transmitir sin propaganda no solo es posible sino deseable, en sentido horizontal para los analistas, evitando el argumento de autoridad, y en sentido vertical en cada análisis, desmontando en el analisante las redes de sugestibilidad. Puesto que el psicoanálisis, lejos de restringirse a la simple desaparición de los síntomas individuales, tiene la vocación más ambiciosa de ayudar a deconstruir el "malestar en la civilización". Tendríamos entonces derecho a hablar de una auténtica "prevención de la propaganda".

(Traduction effectuée par Ricardo COVELO, avec le concours de Delia SANCHEZ)

 

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Fantasma, Fala, Ideologia.

Sobre uma transmissão que não seja propaganda 

 

A propaganda se encontra em todos lugares, não só na publicidade ou na política. Antes de ser vertical e endereçada aos desconhecidos distantes, ela é horizontal e endereça-se aos conhecidos íntimos.  É assim porque ela basea-si em realidade em uma estrutura psíquica capaz de receber-a e de ecoar-a, estrutura que é o resultado da identificação subjetiva, que é inconsciente e por isso não modificável pela cognição, a argumentação, a razão.

Em lugar de atravès Pavlov, a forma e o conteúdo da propaganda expliquem-se pela subjetividade inconsciente. Esta pode ser descrevida no campo social pela nossa "Análise das Lógicas Subjetivas" (herdeira critica da "teoria das Quatro Falas" de Lacan, insuficiente em muitos aspectos).

Nós passaremos da análise das facetas do "fantasma de propagare" (detalhando as expressões que constituam as realizações dele) à descrição das conexões entre Fantasma, Fala e Ideologia : como os hábeis despertam um eco na psique das vítimas deles federando fantasmas diversos -até mesmo opostos- numa síntese instável, mas que sua repetição paciente tem o efeito de manter.

Em psicanálise, transmeter sem propaganda é não só possível mas desejável : horizontalmente entre os analistas, na condição de contrariar o argumento de autoridade, e verticalmente em toda análise, desfazendo no analisante as redes da sugestibilidade. Pois a psicanálise, longe de se restringir ao desaparecimento simples dos sintomas individuais, tem por vocação mais ambiciosa de contribuir a deconstruir o "mal-estar na civilização". Nós seríamos então intitulados para falar de uma autêntica "prevenção da propaganda".


(Traduction effectuée par Jean-Jacques PINTO)

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(Traduction effectuée par  Françoise et Valdimir Kovalenko)

ø

 

Psychanalyse et neurosciences

 

Conférence de Jean-Jacques Pinto, psychanalyste,

au théâtre Comoedia d'Aubagne, le mardi 8 novembre 2011

 

   Tout en marquant la spécificité de chacune de ces deux approches quant à l’abord du psychisme humain, le conférencier tentera, entre autres à l’aide d’une analogie simple et d’une méthode originale d’analyse de discours, de montrer ceci :


   À l’encontre des positions dogmatiques (assorties de rejet mutuel) émanant des camps retranchés d’inconditionnels partisans, il existe des passerelles et des possibilités de coopération fructueuse entre neurosciences et psychanalyse.


 
 Une condition essentielle pour ce dialogue est que soit redéfini ce qui n’aurait jamais dû cesser de les inspirer : la démarche scientifique, considérée à la fois

     dans ses variantes adaptées aux sciences de la nature et aux sciences humaines,

    dans son souci de démonstration et de réfutation en ce qui concerne aussi bien le cas particulier que la loi générale.

 

Introduction : Faisons l'inventaire des positions sur ce sujet.

 

   I) Les dogmatiques s'affrontent

 

On fait état de « grand débat parfois meurtrier » entre partisans de l'homme comme machine et de l'homme comme étant uniquement esprit et idées ». On parle aussi de « lutte fratricide »  etc.

·     Il y a du côté des neurosciences les réductionnistes de « l'homme neuronal » : l'architecture cérébrale rendrait à elle seule compte de tout le fonctionnement psychique. « Le cerveau sécrète la pensée comme le foie sécrète la bile », la circulation des médiateurs chimiques dans le cerveau suffirait à expliquer tout fonctionnement mental.

 

·     Les tenants du matérialisme philosophique refusent l'existence d'un principe immatériel, et l'esprit est conçu comme la manifestation de phénomènes physiologiques régis par les lois de la physique.

 

·     L'éliminativisme considère que notre compréhension quotidienne du mental est une erreur radicale et que les neurosciences montreront un jour que les états mentaux ne se réfèrent à rien de réel. Pour certains, le concept de conscience sera éliminé par les progrès des neurosciences. L'éliminativisme a été supplanté par le computationalisme, théorie qui conçoit l'esprit comme un système de traitement de l'information et compare la pensée à un calcul, plus précisément, à l'application d'un système de règles.

·     Détour méthodologique avec les six approches recensées par J. Herman : l'approche positiviste, les approches compréhensives, l'approche dialectique, l'approche fonctionaliste, l'approche structuraliste et l'approche praxéologique.

·     Le positivisme doit se reconnaître comme une des branches du matérialisme

·     Quelques mots sur le positivisme de Freud

·     Il existe d'autre part des réductionnistes parmi ceux qui travaillent en psychanalyse, des psychanalystes se réfugiant dans les sphères éthérées d'un psychisme désincarné, rejoignant par là le mysticisme et les pseudo-sciences.

 

II) Ces deux attitudes réductionnistes, dogmatiques sont vaines. Faut-il alors se tourner vers les tenants de la convergence entre neurosciences et psychanalyse ? Ce sont de pseudoconvergences :

 

     Celle de F. Ansermet et P. Magistretti (neuroplasticité) qui considèrent qu’aujourd’hui la biologie doit savoir se mettre au service de la psychanalyse et la psychanalyse au service de la biologie. Ils veulent « réintroduire le sujet dans la biologie ».

 

     Celle de la neuropsychanalyse, pseudoconvergence fort bien réfutée par Laurent Vercueil.

 

III) Notre position : il y a deux objets différents et complémentaires explorés  par  deux modalités différentes et complémentaires de la démarche scientifique

 

            En effet, on va schématiquement rencontrer une combinatoire de positions sur la question :

 

A) Retour sur le computationalisme

·     Théorie qui conçoit l'esprit comme un système de traitement de l'information et compare la pensée à un calcul et, plus précisément, à l'application d'un système de règles. Le computationalisme ne prétend pas que toute pensée se réduit à un calcul de ce style, mais qu'il est possible d'appréhender certaines fonctions de la pensée selon ce modèle. C'est une synthèse entre le réalisme intentionnel qui affirme l'existence et la causalité des états mentaux (approche compréhensive) et le physicalisme qui affirme que toute entité existante est une entité physique (approche positiviste).

·     Donc cette théorie n'est pas nécessairement un matérialisme : même si la pensée s'appuie sur un support matériel (le cerveau), on peut l'étudier sans se soucier de ce support (contrairement à une certaine approche matérialiste réductionniste courante dans les neurosciences) : une même idée peut être exprimée sur des supports physiques très différents (par la voix, sur papier, sur un mur, sur un ordinateur, etc.). Dans cette mesure, le computationalisme s'apparente à un behaviorisme méthodologique : contrairement au behaviorisme ontologique, il n'affirme pas qu'il n'y a pas d'états mentaux.

B) Vygotski élabore une théorie des fonctions psychiques supérieures grâce à la méthode génétique, conçue comme une « histoire sociale » c'est-à-dire (théorie sur l'« excentration » de Leontiev) : « les transmissions ne sont pas simplement d'ordre héréditaire mais aussi culturelles ». L'intelligence se développe grâce aux outils psychologiques que l'enfant trouverait dans son environnement, dont le langage (outil fondamental). L'activité pratique serait intériorisée en activités mentales de plus en plus complexes grâce aux mots, source de la formation des concepts. Le langage « égocentrique » de l'enfant a un caractère social et se transformera ensuite en langage « intérieur » chez l'adulte. Il serait un médiateur nécessaire dans le développement et le fonctionnement de la pensée.

C) Argument fourni par les neurosciences elles-mêmes : « les fonctions supérieures du cerveau exigent des interactions avec le monde et avec d'autres personnes. ». Le phénomène d'attrition consiste dans le fait que les neurones présents à la naissance dégénèrent s'ils ne sont pas utilisés. Un "branchement" sur l'extérieur est nécessaire, et tout particulièrement pour l'être humain qui ne peut se développer hors le langage et la culture.

D) Notre analogie de l'ordinateur, limitée et contestable, mais éclairante :

 

L'esprit est au corps ce que le programme ("software") est à l'ordinateur ("hardware").


      - de même que l'ordinateur à sa sortie d'usine est quasiment vide, et ne pourra donc assurer une diversité de fonctions que si on lui apporte différents programmes, de même le corps à la naissance est pourvu de fonctions psychiques minimales, mais l'esprit avec sa diversité de fonctions ne lui viendra que des apports de l'entourage.

      À sa sortie d'usine l'ordinateur est muni de sa seule électronique. Des ordinateurs identiques acquerront des compétences différentes (traitement de texte, dessin, calcul, musique, etc.) en fonction des programmes que leurs propriétaires choisiront d'y implanter. À sa naissance, le corps est muni de son seul équipement héréditaire. Des enfants indemnes de toute pathologie héréditaire ou congénitale, éventuellement "identiques" (jumeaux vrais), acquerront des compétences différentes (langage, connaissances concrètes et abstraites, régulation des affects, structure de personnalité ...) en fonction des formes et contenus que leurs "parents" (au sens large) implanteront chez eux, en majeure partie à leur insu.

      - de même que la conception, la fabrication, l'entretien et la réparation de l'ordinateur relèvent du métier d'électronicien, et n'ont rien à voir avec la conception, la rédaction, la maintenance et la correction des programmes, qui relèvent du métier d'informaticien, de même l'entretien et les thérapeutiques du corps relèvent de la médecine, mais l'esprit dans son fonctionnement normal ou perturbé relèvent de métiers (psychologue et psychanalyste) qui ne doivent rien à la médecine, sauf par métaphores relevant de fantasmes faciles à mettre en évidence.

 

« La circulation des médiateurs chimiques dans le cerveau suffirait à expliquer tout fonctionnement mental ». Non, cette circulation permet et accompagne sans plus l'effectuation des programmes mentaux venus de l'extérieur. La possibilité d'entendre sur haut-parleur le bruit du programme qui s'effectue dans l'ordinateur (cf E.E.G, imagerie cérébrale) n'enlève rien au fait que le programme soit à l'origine extérieur à l'ordinateur, construit sur d'autres règles, et remodelable indépendamment de son implémentation.

 

        Il y a bien sûr des limites à cette analogie ...

 

IV) Comment travailler de façon complémentaire : en se partageant les tâches complémentaires

 

Il y a accord sur l'existence du déterminisme entre les neurosciences et la psychanalyse, laquelle postule le déterminisme de la vie psychique (expériences en neurosciences telles que celles de Benjamin Libet).

 

A)  L'aveugle et le paralytique (fable de Florian)

 

    La science moderne (science galiléenne) combine empiricité et formalisation. Son histoire est celle d'un mouvement vers l'écriture logico-mathématique du Réel tel que l'explorent empiriquement les "sciences exactes". 

    Le discours psychanalytique apparaît branché en dérivation sur celui de la science moderne qui, en effet, permet l'apparition de la psychanalyse. Comme la science le fait pour le Réel du monde physique, il dément certes les énoncés unifiants quand à la description du psychisme humain (subjectivité), mais 

 

Imaginaireinconscient et fantasme

 

continuent de l'imprégner. La psychanalyse, permise par la science, est une discipline désimaginarisante, mais ce n'est pas une science.

    La psychanalyse moderne n'a aucune critique pertinente à adresser à la démarche scientifique. Elle dit seulement que la science a jusqu'à présent eu besoin, pour fonctionner, de tourner le dos à la subjectivité, donc de s'interdire, par construction même, de la prendre pour objet d'étude. Disons que la science est ici "l'aveugle". Elle s'aveugle pour avancer, et y réussit. 

    La psychanalyse, elle, "voit" la subjectivité mais « manque de jambes ». Les disciples ne s'intéressent qu'aux maîtres auxquels ils vouent un culte anachronique. Ils se reposent sur les lauriers de leurs initiateurs. Non-transmissibilité et secret des dieux font de la psychanalyse actuelle "le paralytique" puisqu'elle manque de "jambes" méthodologiques pour faire avancer ses hypothèses.

    Or science et psychanalyse ont en commun le non-tout, le non-sens, la dissolution de la notion d'être. Elles vont contre l'Imaginaire. Mais elles se comportent en sœurs ennemies (aînée et cadette), dans une intercritique stérile parfois d'allure idéologique. La nécessité d'une négociation et de passerelles se fait sentir.

    Nous plaidons ici modestement pour une coopération entre l'aveugle et le paralytique.

       La science négligeait l'inconscient. Plus maintenant avec l'inconscient cognitif, mais ce n'est pas le même que l'inconscient subjectif (décrit en détail dans ma conférence sur « Psychanalyse et propagande »).

      Exemple : Expériences avec perceptions infraliminales favorisant la résolution d'un problème, sans passage par la conscience.

       En France le livre de Lionel Naccache en 2006 [« L'inconscient à venir »] pose la question des rapports entre la perspective psychanalytique et la perspective « neurocognitive ».  Or ses arguments sont en partie réfutables.

       Naccache rend hommage à Freud. Il reconnaît que la conscience n'est pas tout le psychisme, mais pense que l'inconscient de Freud est une réattribution de fonctions qui relèvent en fait de la conscience. Il nie le refoulement, sans envisager que celui-ci pourrait être le fait du programme venu de l'extérieur et non des circuits parcourus par l'inconscient cognitif.

       Comme la police dans La lettre volée d'Edgar Poe, Naccache ne cherche peut-être pas au bon endroit, donc ses quatre inconscients ne peuvent coïncider avec celui de Freud.

      Si l'inconscient de Freud semble fonctionner d'après les lois du conscient, c'est peut-être parce que ce sont les énoncés consciemment émis par l'entourage familial qui, intériorisés, font sentir leurs effets hors conscience du sujet

       Comment Naccache explique-t-il la résurgence sous hypnose ou en analyse de souvenirs très anciens, « oubliés » ?

       Comment Naccache explique-t-il l'oubli « en direct » des rêves ? Par l'inconscient cognitif  ? Cet oubli incoercible, comparable à l'oubli des consignes dictées sous hypnose, est un argument en faveur du refoulement et de l'inconscient subjectif.

       L'inconscient subjectif, en rapport avec la complexité du langage, repose sur d'autres bases que l'inconscient cognitif.

 

B) Critères de scientificité :

 

1) La démarche scientifique avec ses variantes

 

Il semble opportun de renvoyer dos à dos deux défauts caricaturaux :

·     L'impérialisme des Sciences Exactes prétendant coloniser les Sciences Humaines : nombre-roi et positivisme des faits.

·     La statistique est criticable (ex : les hiéroglyphes, le mot « régime ») car le langage humain n'est pas un code biunivoque.

« Nous nous séparons donc d'un point de vue largement répandu, selon lequel il n'y a de science que du quantifiable. Nous dirons plutôt : il n'y a de science que du mathématisable et il y a mathématisation dès qu'il y a littéralisation et fonctionnement aveugle. » Milner, J.-C. (1989). Introduction à une science du langage. Des Travaux. Seuil, Paris.

·     Redéfinition du terme « fait » en science : la linguistique travaille sur des corpus transcrits ou enregistrés, donc bien matériels.

·     Le flou artistique, voire autistique de ceux qui en Sciences Humaines et en psychanalyse rejettent toute formalisation.

 

La solution pourrait venir de la linguistique, critère extérieur pour mettre d'accord les psychanalystes et les neurobiologistes, puisque les uns parlent d'inconscient-langage et que les autres ne peuvent nier qu'il y ait langage, et que la science elle-même passe par le langage.

 

Imaginons un Huron face à un ordinateur allumé : pas besoin d'avoir repéré où résident et comment tournent les programmes pour constater qu'ils tournent, les utiliser et s'interroger sur leurs principes logiques ... ! Les descriptions et analyses linguistiques sur corpus fonctionnent très bien sans qu'il soit besoin de savoir comment ça se passe dans le cerveau !

 

·     L'analyse logiciste de Gardin et Molino : c'est une modélisation logique aussi rigoureuse que celle des maths, avec :

·     Validation interne des modèles théoriques et des analyses d'experts

·     Validation externe de ces analyses par la fabrication de simulacres.

 

·     Le structuralisme, enterré trop tôt, est à réhabiliter à condition de le débarrasser des funestes effets de mode.

 

            L'approche structuraliste résout l'opposition entre approche positiviste à la recherche de faits et approche compréhensive fondée sur l'introspection: il y a une objectivité, une matérialité logicisable du discours de l'acteur social, ou du locuteur, ou du patient indépendamment de l'exactitude de ce à quoi il se réfère. J.-C. Milner parle de  « Galiléisme étendu »

 

            « À sa manière, le structuralisme en linguistique est lui aussi une méthode de réduction des qualités sensibles. Les langues naturelles ne touchent à la matière sensible que pour la forme phonique. Mais dans ce domaine, la méthode a des effets évidents.
            On peut parler ici d'une mathématisation étendue
, rigoureuse et contrainte, mais aussi autonome relativement à l'appareil mathématique. La linguistique devint dans les années 50 une discipline aussi littérale que l'algèbre ou la logique, mais indépendante d'elles, avec des succès empiriques pour l'ensemble des langues naturelles Elle se comportait strictement en science galiléenne. Galiléisme étendu fondé sur une mathématique étendue, et étendu à des objets inédits.

Cet objet était le langage, qui sépare l'espèce humaine du règne de la nature. De même, l'anthropologie lévi-straussienne obtenait, avec des méthodes comparables appliquées à des objets non naturels – les systèmes de parenté –, une présentation exhaustive, exacte et démonstrative des fonctionnements. L'appui que Lévi-Strauss trouvait dans la linguistique résidait dans une analogie des procédures et surtout des points de vue constituants.

Sur ce fondement, linguistique et anthropologie, s'est déployé un mouvement de pensée dont l'unité méthodologique et l'importance épistémologique ne font aucun doute. Que Lacan, dont le rapport au galiléisme est principiel, et qui saisit son objet plus du côté de la culture que de la nature, ait été compté au rang des structuralistes, cela est éminemment explicable. »

 

2) Le cas particulier et la loi générale

 

     - Une des critiques des Sciences Exactes à la psychanalyse repose sur l'idée fausse qu'il n'y a de science que du général (Aristote)

     - Or la loi statistique résultant de la méthode inductive peut se révéler, on l'a vu,  non pertinente quand le langage est en jeu.

     - Inversement, une analyse exhaustive d'un cas, si elle est matériellement communicable, est tout aussi généralisable et vaut tout autant qu'une collection de cas traités par la méthode inductive.

 

3) Les « analysciences » et l'Analyse des Logiques Subjectives (A.L.S).

 

      « Analyscience » est un terme proposé par l'auteur de l'A.L.S. (Jean-Jacques Pinto) en 2008.

     Une analyscience serait, selon une définition encore provisoire, une discipline hybride entre psychanalyse et science. Pour justifier la création de ce terme, il convient de se référer à la possibilité d'un dialogue entre la science moderne et la psychanalyse.

 

       L'A.L.S. pourrait ainsi être candidate au label d'analyscience. Si on la définit schématiquement comme une "micro-sémantique du fantasme", ce dernier ;

 

1.est un concept qui résulte d'une expérience en amont (séances d'analyse) ;

2.il a une ébauche de formalisation : $  a ; il peut recevoir une définition

     linguistique ;

3.le fait que ce concept subsume une série d'occurrences verbales est prouvable en aval par l'A.L.S. dont le matériel est montrable, donc testable. Les procédures d'analyse de l'A.L.S. sont par ailleurs testables et reproductibles par quiconque manuellement, et simulables informatiquement.

 

L'ALS permet d'analyser en partie les dogmatismes précités, sous-tendus par des fantasmes qu'il est possible de modéliser.

 

CONCLUSION

 

            Nous proposons, pour conclure, non pas d'opposer les sciences dures de la nature aux sciences molles de l'homme, mais d'associer les sciences du dur, du hardware aux sciences du doux, du software dans l'étude complémentaire des deux pôles de l'interface caractéristique de l'humain, de la « condition humaine », ces deux pôles étant :

 

·     le cerveau comme machine biologique (le « biordinateur »)

·     le logiciel verbal humain (le « verbiciel », subdivisé en « cogniciel » et « subjiciel »).

 

         L'interfaçage a lieu durant l'enfance, c'est le processus d'identification avec ses deux versants : identification cognitive cogniciel ») et identification subjective subjiciel »). On peut, pour les étudier en les simulant, fabriquer de toutes pièces :

 

            - des « cogniciels » relevant de l'intelligence artificielle et simulant le résultat de l'identification cognitive, par exemple par des systèmes-experts, qui différent des réseaux d'apprentissage neuronaux (que l'on pourrait nommer des « interfaciels » !!!)

            - et des « subjiciels » inaugurant la subjectivité artificielle et simulant le résultat de l'identification subjective.

 

            Il n'y a pas, comme le croient les positivistes ou leurs adversaires amateurs de paranormal, une opposition binaire rationnel/irrationnel, mais trois termes : rationnel, irrationnel, logique, le logique (logos !) structurant de façon différente le rationnel et l'irrationnel. Et la logique de l'irrationnel, c'est principalement la psychanalyse, quand toutefois elle veut bien être logique !!!

 

            Nous invitons tout chercheur animé par l'esprit scientifique à contribuer au développement de ces analysciences.

 

ø

 

La personnalité du Cyrano de Rostand

vue par l'Analyse des Logiques Subjectives (A.L.S.)

 

Jean-Jacques Pinto, psychanalyste et linguiste

 

Résumé/plan de l'article

·    1 L'Analyse des Logiques Subjectives (A.L.S.) permet de mettre en évidence certains traits de la personnalité du Cyrano de Rostand. Présentons sommairement ce qu'est l'A.L.S.

 

·    2 Nous partons, pour l'analyse du personnage de Cyrano, du passage de la pièce d'Edmond Rostand qui commence par le vers : "Déplaire est mon plaisir. J'aime qu'on me haïsse" (Acte I, scène VII).

 

·    3 On constate, une fois ce passage annoté selon les règles de l'A.L.S.,  la coexistence des "points de vue" extraverti et introverti.

 

·    4 Cette coexistence ne s'explique pas par les possibilités présentées dans notre article princeps, et détaillées ci-dessous.

 

5 La clef de ce passage est donnée par la distribution précise des points de vue extraverti et introverti, et surtout par le mot dévalorisé "s'effémine". Ces indices ouvrent une piste qui fait appel à des données "cliniques" extérieures à l'A.L.S.

 

   6 C'est en rapport avec ces données "cliniques" que l'A.L.S. a son mot à dire : dans la distribution traditionnelle des rôles masculin et féminin intervient partiellement une répartition  extraverti / introverti. Le mot dévalorisé "s'effémine", mis en relation avec la distribution précise des points de vue extraverti et introverti, révèle que Cyrano pratique, dans le passage étudié et très certainement ailleurs, la "parade virile" propre à certaines formes d'hystérie masculine.

***

 1) L'A.L.S. permet de mettre en évidence certains traits de la personnalité du Cyrano de Rostand.

   Certes ce Cyrano est un personnage de fiction. Mais certains auteurs excellent à créer des personnages à discours typique, permettant une analyse relativement fiable (cf sur notre blog Camus avec son Joseph Grand dans La Peste). Ceci ne présume bien sûr en rien de la personnalité du véritable Cyrano.

 

   Certes cette analyse est très partielle et très provisoire, puisqu'il faudrait travailler sur le texte de toute la pièce, alors que pour commencer nous n'étudions qu'une tirade, jugée néanmoins représentative. Mais une hypothèse pertinente s'ébauche, et il serait justement intéressant de voir, dans un second temps, si le reste de la pièce la confirme ou l'invalide.

 

            L'A.L.S. (Analyse des Logiques Subjectives, voir l'article dans Wikipedia ou de façon plus détaillée notre "article princeps") est une méthode d’analyse des mots d’un texte parlé ou écrit, inspirée par la psychanalyse, qui permet, sans recourir à la communication non verbale, d’avoir une idée de la personnalité de l’auteur du texte ou de personnages crées par cet auteur. On prend en compte le sens des mots, non pas globalement, mais en le décomposant en "atomes" de sens le plus élémentaires possible, afin de trouver des tendances générales, des invariants subjectifs indépendants du sujet abordé dans le texte considéré.

            Il existe dans une langue comme le français des sous-langues subjectives ou « parlers » qui sont des combinaisons de mots dotés d’une valeur positive ou négative.

      Les mots simples (« atomes ») sont des adjectifs exprimant des propriétés simples (ouvert/fermé, nouveau/ancien), distribués dans deux listes d’opposés, les séries :

 

             .                        La série « A » concerne l’extérieur, le changement, le désordre, la destruction de l’ancien. Elle se compose d’adjectifs simples comme : ouvert, souple, varié, changeant, nouveau, libre

             .                        La série « B » concerne au contraire l’intérieur, le non-changement, l’ordre, la conservation. Elle se compose d’adjectifs simples comme : sérieux, ferme, stable, ancien, solide, durable

 

             .      Les mots complexes (« molécules ») sont des adjectifs complexes, des noms, des verbes et des adverbes dont le sens peut se décomposer en atomes A ou B.

             .                        Quand ils sont de composition à peu près homogène, on les rattache à la série A (ainsi « papillon » : mobile, léger, rapide, désordonné) ou B (« tortue » : lourde, lente, rigide). C'est une approximation, car seuls les adjectifs simples appartiennent aux séries.

             .                        S’ils sont de composition mixte ou difficiles à analyser, on les dira respectivement « neutres » (noté « 0 ») ou « indécidables » (noté « ? »).

 

             .      La valeur associée à chaque mot est la résonance favorable ou défavorable qu’a ce mot pour celui qui le dit. Elle est positive (« + »), négative

(« - »), neutre (« 0 ») ou indécidable (« ? »). Elle peut changer chez un locuteur selon les moments ou selon les périodes de la vie.

Les "points de vue" s’obtiennent en comparant pour chaque mot pertinent d’un texte sa série et sa valeur. Ils peuvent changer, comme la valeur, selon les instants ou selon les âges de la vie.

 

            .      Le point de vue « extraverti » (désigné par la lettre E) valorise la série A et dévalorise la série B, ce qui peut se noter :

            A + = B — = E.................Exemple : je suis quelqu’un d’ouvert, je ne suis pas borné

(Dorénavant, pour faciliter leur repérage, les mots A figureront en italique, et les mots B en gras).

 

             .      Le point de vue « introverti » (désigné par I) valorise la série B et dévalorise la série A, ce qui peut se noter :

            B + = A — = I.................Exemple : je suis quelqu’un de sérieux, je ne suis pas un plaisantin.

 

Le point de vue « extraverti » choisira donc ses mots dans la série A pour présenter ce qu’il aime, et dans la série B pour présenter ce qu’il critique, n’aime pas ou même redoute. Le point de vue « introverti » choisira au contraire ses mots dans la série B pour présenter ce qu’il aime, et dans la série A pour présenter ce qu’il critique, n’aime pas ou redoute.

joie : mon cœur est comblé (B+).................chagrin : ça me fend le cœur, mon cœur saigne (A-)

          .      Cette notion de point de vue « instantané » (valable pour le seul mot qu'on analyse) peut être étendue à l’échelle d’un texte entier, qui présente en général une dominante « I » ou « E », sauf dans le cas du parler « hésitant » décrit ci-dessous.

Les "parlers" sont l'extension à l'échelle d'une vie de la notion de point de vue, recoupant la notion empirique de personnalité : chacun joue « sa » biographie comme un acteur dit « son » texte … Ces sous-langues subjectives recombinent dans le temps (de l’adolescence à la fin de la vie) les points de vue « I » et « E », ce qui aboutit à décrire quatre parlers principaux :

             .      Un parler « conservateur » (I _ I), correspondant à la personnalité obsessionnelle, qui commence « I » et finit « I ».

             .      Un parler « changement/destruction » (E _ E), correspondant à la personnalité hystérique, qui commence « E » et finit « E ».

             .      Un parler « du progrès » ou « constructeur » (E _ I), sans équivalent séméiologique, qui commence « E » et finit « I ».

             .      Un parler « hésitant » (I ou E, abréviation de I _ E _ I _ E ...), en gros la personnalité phobique, oscillant toute sa vie entre « E » et « I ».

Il existe des combinaisons de parlers, rendant l'A.L.S. beaucoup plus riche dans ses descriptions, mais elles ne sont pas utiles à connaître pour le propos de cet article.

 

2) Nous partons, pour l'analyse du personnage de Cyrano, du passage de la pièce d'Edmond Rostand qui commence par le vers : "Déplaire est mon plaisir. J'aime qu'on me haïsse"  (Acte I, scène VII).

 

            L'analyse rencontre quelques pièges, il ne s'agit pas d'un texte évident comme ceux analysés à titre d'exercices sur notre site « TOUT SUR L’A.L.S. ». Le mieux est de procéder avec méthode, en trouvant pour chaque mot du vocabulaire pertinent sa série et sa valeur, ce qui permet de diagnostiquer les différents "points de vue" du passage.

 

      Le lexique pertinent pour l'A.L.S. s'obtient en éliminant la ponctuation et les mots non porteurs d'atomes A ou B (la « poussière grammaticale » : articles, prépositions, conjonctions de coordination et de subordination, pronoms relatifs et personnels, etc.) pour ne garder que les noms, verbes, adjectifs et adverbes, plus quelques prépositions de situation (sur, sous, devant, derrière, autour, à travers ...).

 

            Conventions :

           .      Repérage des séries : les mots de la série "A" en italique et ceux de la série "B" en gras. Les mots en gras + italique sont mixtes.

 

          .      Repérage des valeurs : un mot souligné est valorisé, un mot non souligné est dévalorisé.

            Voici le texte avec l'indication des séries et des valeurs :

           

            [ ... ]

 

CYRANO

 

       Déplaire est mon plaisir. J'aime qu'on me haïsse.

       Mon cher, si tu savais comme l'on marche mieux

       Sous la pistolétade excitante des yeux !

       Comme, sur les pourpoints, font d'amusantes taches

       Le fiel des envieux et la bave des lâches !

       Vous, la molle amitié dont vous vous entourez,

       Ressemble à ces grands cols d'Italie, ajourés

       Et flottants, dans lesquels votre cou s'effémine

       On y est plus à l'aise ... et de moins haute mine,

       Car le front n'ayant pas de maintien ni de loi,

       S'abandonne à pencher dans tous les sens. Mais moi,

       La Haine, chaque jour, me tuyaute et m'apprête

       La fraise dont l'empois force à lever la tête ;

       Chaque ennemi de plus est un nouveau godron

       Qui m'ajoute une gêne, et m'ajoute un rayon

       Car, pareille en tous points à la fraise espagnole,

       La Haine est un carcan, mais c'est une auréole !

 

       "s'effémine" n'est d'aucune série, mais est ici mis en relief car il donnera la clef de ce passage "piégé".

  

3) On constate, une fois ce passage annoté selon les règles de l'A.L.S., la coexistence des "points de vue"  extraverti et introverti :

 

- extraverti  : valorisation de déplaire, haïsse, marche, pistolétade, excitante, amusantes, fiel, bave, haute, Haine, lever. Dévalorisation de carcan.

 

- introverti  : valorisation de maintien, loi, tuyaute, apprête, empois, godron (Pli rond et tuyauté, donc rigide) , gêne,  rayon; auréole. Dévalorisation de à l'aise, abandonne, pencher, dans tous les sens.

4) Cette coexistence ne s'explique pas par les quelques possibilités présentées dans  notre article princeps Linguistique et psychanalyse : pour une approche logiciste, et détaillées ci-dessous :

 

- Il ne s'agit pas ici d'un passage d'un point de vue à l'autre structurel (liés à la structure d'un parler) :

« Le parler I ou E oscille par définition entre les deux points de vue. D'autre part, dans le parler E -> I il y a changement structurel au moment de la transition entre ses deux phases (ce parler peut également utiliser « sciemment » la juxtaposition des séries"pour rallier tous les suffrages en séduisant et les locuteurs I, et les locuteurs E") ».

   

             .      En effet ce passage ne montre ni alternance rapide, ni juxtaposition des deux points de vue, et le contexte montre que Cyrano n'est pas un "phobique" hésitant.

 

            .      Et d'autre part toute la splendide tirade "Non merci !" qui précède ce passage - et qui fera à son tour l'objet d'une analyse -, et plus généralement toute la pièce, prouvent que Cyrano n'est pas un "parvenu", locuteur du parler E _ I, qui chercherait à "ratisser large" par souci de l'électorat !

 

Il ne s'agit pas non plus ici d'un de ces "renversements conjoncturels de point de vue"décrits dans l'article (« exceptions confirmant la règle », lorsqu'on se met à valoriser la série opposée à son parler) : objet idéalisé,  « discours amoureux », ironie et antiphrase, etc. On se reportera à l'article pour plus de précisions.

 

5) La clef de ce passage est donnée par la distribution précise des points de vue extraverti et introverti et surtout par le mot dévalorisé "s'effémine" . . . Ces indices ouvrent une piste qui fait appel à des données "cliniques", lesquelles, quoiqu'extérieures à l'A.L.S., sont en parfait accord avec elle.

On remarque en effet qu'une fois posée une assertion paradoxale typique du parler extraverti "Déplaire est mon plaisir. J'aime qu'on me haïsse", développée dans les vers suivants depuis "Mon cher" jusqu'à "lâches", le passage au parler introverti, qui file la métaphore entre le couple amitié/haine et le couple mollesse/rigidité, se fait très précisément à propos de l'apparence vestimentaire et du maintien : grands cols d'Italie ajourés et flottants / fraise espagnole rigide comme un carcan.

L'A.L.S., en accord avec les données d'observation clinique qui vont suivre, constate ceci :

 

            Le parler Extraverti présente, du fait de sa genèse chez le parent rejetant (ce "J'aime qu'on me haïsse" renvoyant à un "J'aime qu'on le haïsse" parental), un embarras quant à l'assomption d'une identité sexuelle (voir sur mon blog le billet : A. L.S. et l’assomption du sexe dans l’hystérie. Il oscille alors entre :

 

            -  l'apologie de l'AMBIGÜITÉ sexuelle : androgynie, "hermaphrodisme", trouble ou séduction (provocation) produits dans le regard de l'autre par le défi jeté à toute catégorisation,

 

            -  ou au contraire l'assomption d'une identité sexuelle CARICATURALE : hyperféminité chez le sujet féminin, hypervirilité confinant au machisme chez le sujet masculin, ce qui a reçu le nom de "parade virile" (on pense au "macho" latin roulant les mécaniques, tel Aldo Maccione ...).

 

Voici une explication tirée du livre « L'hystérique, le sexe et le médecin », Lucien Israël, Masson, 1992, p. 59 :

 

« Les hommes hystériques sont cachés. Et dans la meilleure cachette pour un médecin, sous une autre étiquette diagnostique. [ ... ] Pendant longtemps les médecins ont été, dans leur immense majorité, des hommes. Et l'hystérie représentait ce qu'il y avait d'inquiétant, d'irritant, de menaçant chez les femmes. [ ... ] Elles étaient fragiles, le sexe faible. On ne pouvait pas compter sur elles. Leur esprit manquait de logique, d'objectivité. Elles étaient inconstantes, lunatiques. [ ... ] Il n'est pas un seul défaut, pas une seule caractéristique psychique, intellectuelle ou morale qu'on ait reproché aux femmes qui ne se retrouve dans les descriptions de l'hystérie. Quoi d'étonnant alors que le diagnostic d'hystérie soit devenu pour l'homme [ ... ] une véritable injure, un signe de faiblesse, une castration en un mot. Dire à un homme : "'Vous êtes hystérique" reviendrait dans ces conditions à leur dire : "Vous n'êtes pas un homme". [ ... ] Comment l'éviter ? ».

 

6) C'est ici que l'A.L.S a son mot à dire : dans la distribution traditionnelle des rôles masculin et féminin intervient partiellement (article à venir sur ce sujet) une répartition :

 

     -  Introverti pour l'homme (solide, fiable, constant, sérieux, etc.)

 

     -  Extraverti pour la femme (fragile, peu fiable, inconstante, frivole, etc.). Exemple :

"Souvent femme varie,

Bien fol est qui s'y fie"

 

            Le mot dévalorisé "s'effémine" révèle que Cyrano, locuteur du parler Extraverti (valorisation de déplaire, haïsse, marche, pistolétade, excitante, amusantes, fiel,  bave, haute, Haine, lever. Dévalorisation de carcan) pratique la "parade virile", donc adopte quand à sa tenue et à ses manières le point de vue Introverti  : valorisation de maintien, loi, tuyaute, apprête, empois, godron (rigide), gêne,  rayon; auréole. Dévalorisation de molle, à l'aise, abandonne, pencher, dans tous les sens, toutes caractéristiques supposées au sexe féminin.

 

            Lucien Israël (ouvrage précité) :

 

« Le souci de paraître, la recherche de prestance sont donc les conduites dominantes les plus perceptibles chez l'homme hystérique ».

   

« Oui l'hystérie masculine existe ! [...] Elle se manifeste de manière différente. Car ici la volonté d'attirer l'attention et le besoin de reconnaissance entraînent d'autres manifestations : consommation d'alcool, exacerbation des attitudes "viriles"… ».

     Le retour au texte de la tirade montre bien que cette rigidité apparemment "introvertie" du vêtement et du maintien est mise par Cyrano au service de valeurs extraverties : haute mine, lever la tête, qui concordent avec le « J'aime qu'on me haïsse initial ».

 

* * *

 

Présentation de l’Analyse des Logiques Subjectives

 

A.  L.S.

 

Auteur de la méthode : Jean-Jacques Pinto, psychanalyste, formateur et conférencier, Aix-Marseille

 

L’Analyse des Logiques Subjectives est une méthode originale d'analyse du discours partant des métaphores quotidiennes et de la psychanalyse. Elle permet de faire correspondre des modes d’expression verbale avec des structures psychopathologiques. Ses applications portent sur de nombreux domaines des Sciences Humaines et Sociales : linguistique, littérature (Camus), poésie (Baudelaire), traduction, rhétorique, argumentation, psychologie sociale. Textes, articles, exercices, discussions, dictionnaires…

 

Sommaire

 

• 1 Présentation sommaire de l’Analyse des Logiques Subjectives (A.L.S.)

          • 1.1 Définition

          • 1.2 Les séries (définition en extension)

          • 1.3 Les points de vue

          • 1.4 Les parlers

          • 1.5 Les combinaisons de parlers

• 2 Filiations

• 3 Genèse des séries et parlers

          • 3.1 Le terme psychanalytique d'identification

          • 3.2 Hypothèse de l'A.L.S.

• 4 Description approfondie des séries, points de vue et parlers

         • 4.1 Essai de caractérisation linguistique

          • 4.2 Règles et remarques

• 5 Validation directe et indirecte, critiques et autocritiques, résultats (Plan)

          • 5.1 La validation directe de l'A.L.S.

          • 5.2 Il existe d'autre part une « validation indirecte » de l'A.L.S.

          • 5.3 Critiques et autocritiques

• 6 Applications de l'A.L.S.

          • 6.1 En psychanalyse

          • 6.2 Dans les sciences du langage

                    • 6.2.1 En sémantique

                    • 6.2.2 En rhétorique et en argumentation

                    • 6.2.3 En poésie et littérature

                    • 6.2.4 Dans les traductions

          • 6.3 Dans les sciences humaines en général

• 7 Notes et références

• 8 Bibliographie

• 9 Articles connexes

• 10 Liens externes

 

 

Les lectrices et lecteurs intéressés trouveront le développement de la méthode de Jean-Jacques Pinto à l’adresse ci-dessous,

 

http://www.youscribe.com/catalogue/etudes-et-statistiques/savoirs/sciences-humaines-et-sociales/l-analyse-des-logiques-subjectives-a-l-s-1980997

 

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