L’association 
                                ψ                                [Psi] 
                                 
                                LE TEMPS 
                                DU NON 
                                existe maintenant, déclarée sous 
                                cette appellation depuis 27 ans tout juste 
                                - 1983 sous un autre nom, trop parisien. Elle 
                                a toujours pour but de favoriser la réflexion 
                                pluridisciplinaire par les différents moyens 
                                existant, la publication et la diffusion de matériaux 
                                écrits, graphiques, sonores, textes originaux, 
                                uvres d’art, archives inédites, sur 
                                les thèmes en relation à la                                psychanalyse, l’histoire et l’idéologie.
 
                                ψ = 
                                psi grec, résumé 
                                de Ps ychanalyse 
                                et i déologie. 
                                Le NON 
                                de ψ 
                                [Psi] 
                                 
                                LE TEMPS DU NON 
                                s’adresse à l’idéologie 
                                qui, quand elle prend sa source dans l’ignorance 
                                délibérée, 
                                est l’antonyme de la réflexion, de la raison, 
                                de l’intelligence. 
                              ø                              
                                
                              
                                 
                              Début décembre 2012
                               
                              Au sujet du
                                dit “mariage pour tous” et thèmes voisins
                                  
                                
                              
                                 
                              
                              
                                 
                              
                               
                              Guy Coq • Lettre à Monsieur François Hollande, Président de la République
                              Olivier Douville • Des psychanalystes face à l’égalité des droits et au « Mariage pour tous »
                              Nicole François, Eva Talineau, Micheline Weinstein • Réflexions sur le sujet
                                
                                Jean Duchesne • Le problème du mariage homosexuel en France
                                
                                Paule Pérez • Méditations sur séparation et sexe comme possibilité de penser
                              ø
                                
                              
                              
                                 
                              
                              © Guy Coq
                                
                              
                              
                                 
                              
                              Lettre à Monsieur François Hollande, Président de la République
                                
                              
                              
                                 
                              
                              Le 30 novembre 2012
                                
                              
                              
                                 
                              
                              Monsieur le Président,
                              
                                 
                              
                              Dans une première lettre, j’avais tenu à
                                vous remercier de vos propos tenus au Congrès des Maires de France. Vous
                                reconnaissiez aux maires le droit d’avoir une conscience. Hélas ! La
                                conscience n’a pas droit de cité en politique de nos jours ! D’une manière
                                qui reste pour moi incompréhensible, vous avez ensuite fait volte face. La
                                conscience ne fait donc pas partie des références de l’action politique ?
                                Si vous et vos soutiens deviez en rester là, dans cette négation du droit de
                                l’homme politique à la conscience, je serais conduit pour ma part à rompre avec
                                votre « idéal » politique.
                              Mais peut-être, sans vous déjuger une
                                nouvelle fois, pourriez-vous malgré tout consentir à reconnaître à l’homme
                                politique un droit à la conscience, quand il est amené à voter certains textes
                                de lois ?
                              En bref : pour prendre certaines
                                décisions d’importance quant au sens même de la société, ou dont les
                                implications anthropologiques sont certaines, décisions qui du même coup
                                divisent la plupart des familles politiques, ne faudrait-il pas adopter le
                                principe que nos représentants voteront en conscience, libérés pour cette
                                occasion de la discipline de leur groupe politique ? Je n’entends pas
                                méconnaître en démocratie l’utilité des groupes politiques et de leur droit à
                                demander la discipline quand le groupe a décidé démocratiquement. Mais pour les
                                décisions telles que ce profond changement du mariage républicain qui
                                s’annonce, un vote du parlement où chaque député aurait eu à prendre position en
                                conscience, où l’on ne se serait pas limité aux rapports de forces qui
                                régissent l’exercice du pouvoir, aurait à mon sens une valeur supérieure.
                              Une telle modification exceptionnelle de
                                la procédure du vote démocratique pourrait être proposée par le Président de la
                                République aux divers partis politiques représentés au Parlement.
                              Sur un sujet comme le mariage actuellement
                                en débat, j’admettrais volontiers la légitimité du choix de mon député, décidé
                                en conscience. Par contre, s’il me disait voter pour ou contre par simple
                                discipline partisane, excusez-moi, je trouverais que ce serait une position
                                partisane méprisable et ceci d’autant plus si cet élu reconnaissait que sa
                                position personnelle était en contradiction avec celle qu’il adoptait par
                                discipline.
                              Quelque chose me choque profondément dans
                                la manière dont les responsables de votre famille politique envisagent le rôle
                                de la « discipline » dans un parti politique. Dans une démocratie
                                laïque, la sphère du politique ne saurait avoir la place d’un absolu : le
                                politique ne saurait être radicalement indépendant d’impératifs éthiques et
                                spirituels. C’est seulement dans un parti totalitaire que la soumission à la
                                discipline partidaire s’impose sans limites, comme un
                                absolu. Je suis inquiet quand j’entends dire, aujourd’hui, que certains élus
                                socialistes n’osent pas exprimer leur sentiment personnel sur le projet de loi
                                sur le mariage et se préparent en fait à voter contre leur conscience pour
                                sauver leur mandat.
                              Vous le savez, Monsieur le Président,
                                j’appartiens au parti majoritaire au Parlement. Il n’y a pas, dans ma
                                suggestion, la moindre remise en cause du rôle essentiel des partis politiques
                                en démocratie. Auteur de livres sur l’éducation, j’ai souvent mis en avant le
                                défaut que représente l’absence d’une réflexion sur les partis politiques dans
                                l’éducation à la citoyenneté qu’est censée assumer notre école républicaine.
                              Veuillez croire à mon profond respect et à
                                toute mon estime pour votre personne,
                               
                              Guy Coq
                              
                                 
                              
                              © Olivier Douville
                              Des psychanalystes face à l’égalité des droits et au « mariage pour tous »
                                
                              
                              
                                 
                              
                              Plus de 1 500 signatures donnent
                                aujourd’hui une certaine visibilité à la Lettre ouverte Des psychanalystes face à l’égalitédes droits et au « Mariage pour tous » mise sur le net il y a près d’un mois. Je me refuse
                                à l’énumération injuste et fastidieuse d’un “best off” des signataires, mon
                                caractère me faisant bouder la joie infantile qui escorte toute confection de
                                palmarès. Je propose, en mon seul nom, quelques possibles pistes d’analyse
                                d’une telle audience. 
                              Je précise, en un premier temps que les auteurs et
                                signataires de cette lettre ne se situent pas pour ou contre « le
                                mariage » fût-il « pour tous » – ce dit “mariage gay” par
                                les échotiers. Ce serait, de plus, une étrange méprise que de s’autoriser de
                                ces signatures ou de s’en glorifier pour faire accroire que le psychanalyste
                                gagnerait à se confondre avec le législateur. Ici, je suis surpris par les
                                idées exprimées par certains psychanalystes qui poussent la sophistication
                                légaliste jusqu’à proposer des statuts de beau-parentalité ou à recommander la
                                délivrance de carnets d’adoption. Or, de telles idées donc sont tout à fait
                                hors champ de ce que veut dire le terme de législatif. Il me semble que ces bons
                                collègues en appellent alors, non sans naïveté, à une conception du droit qui
                                le réduirait à de la morale ; mais c’est alors s’avancer sans aucune
                                connaissance de ce qu’est la notion juridique de droit et ne voir dans le droit
                                qu’une collection des droits lors que le droit n’est au plus qu’un archivage
                                des juridictions. Bref, je ne suis pas certain que nous ayons à prêter
                                main-forte au législateur ou alors faisons des études de droit. 
                              Les initiateurs de cette lettre ouverte (soit
                                Laurence Croix et moi), après avoir amendé une première version de leur
                                initiative selon les conseils de collègues prévoyants, ont tenu à marquer qu’on
                                ne saurait user de la référence au corpus psychanalytique pour s’ériger de
                                façon hostile et péremptoire contre ce projet de loi “le mariage pour tous”.
                                Que ce message, en dépit de certaines tournures expéditives dans sa
                                formulation, ait été fort bien reçu, par un grand nombre de collègues de toute
                                appartenance théorique et de générations différentes constitue un enseignement
                                qui pourrait retenir l’attention de l’opinion qu’on dit éclairée. Sans préjuger
                                que des débats, des réunions de travail regroupant différents spécialistes des
                                sciences humaines, différents praticiens, etc. puissent avoir lieu
                                ultérieurement, et calmement si possible. Des enjeux sont à penser, qui
                                tournent autour du même point de gravité : soit ce qu’on nomme ordre
                                symbolique et des absurdités qu’il y a à postuler la transcendance d’un tel
                                ordre en le naturalisant. Il est, a
                                  contrario de cette manie funeste et répandue en nos mondes
                                « psy », notable qu’au sein des sciences humaines les anthropologues
                                ne redoutent pas une telle évolution des mœurs, de même que beaucoup de
                                réactions indifférentes ou opposées à cette lettre ouverte, venant de collègues
                                sincères, semblent par trop inaverties d’un certain nombre d’études faites à
                                propos des enfants élevés par des couples homosexuels et qui n’indiquent en
                                rien un développement et un devenir difficile pour de tels enfants. 
                              Il serait facile mais tentant de redire que le devoir
                                de chacun est de se tenir averti des savoirs actuels. Il est vrai également que
                                certains d’entre nous, toutefois, se frottent à ce qui se publie en tant que
                                recherches et études à ce propos. Est-ce pour cela que nous rencontrons parmi
                                les signataires une forte présence d’universitaires ? C’est possible. En tous
                                les cas, cette lettre ouverte a au moins le mérite de ne pas laisser la
                                référence faite à la psychanalyse en tant que corpus théorique et doxa à la
                                seule disposition publique de certains supporters véhéments de l’ordre
                                patriarcal. 
                               
                              ø
                              
                                 
                              
                              Extraits
                                d’échanges de courrier électronique avec notre site
                                
                              
                              
                                 
                              
                              Olivier Douville
                              19 novembre 2012
                                
                              
                              
                                 
                              
                              J’ai lu votre postface, sensible, claire, intelligente, mais la «
                                Lettre ouverte » a comme centre de gravité non pas une position “pour” ou
                                “contre” le mariage pour tous, mais le refus
                                  d’instrumentalisation de la psychanalyse par des “anti” avec des arguments qui
                                  défigurent l’héritage freudien.*
                              O. D.
                              *
                                Je souligne, M. W.
                                  
                                
                              
                                 
                              
                              Nicole François
                                
                              
                              19 novembre
                                
                              
                              
                                 
                              
                              Voilà qui est très intéressant et merci pour cette postface.
                              Je n’ai pas signé [la pétition] pour les mêmes raisons que tu exposes
                                et de plus, au moment où les hétérosexuels laissent plus ou moins tomber le
                                mariage, qu’ils essaient de questionner cette institution, qu’ils essaient
                                d’interroger le droit canon et le faire bouger, voilà que des homosexuels
                                revendiquent ce que les autres veulent de moins en moins et là où ils préfèrent
                                le pacs...
                              Le texte d’Élisabeth Roudinesco est bien. Cependant, en prenant
                                position pour le mariage, elle se met du côté du législateur et, de par ce fait,
                                elle enlève le poids des paroles freudiennes, à savoir que les homosexuels ont
                                le droit de s’aimer et d’avoir des enfants. Peut-être aurait-elle pu mettre
                                l’accent sur les hétérosexuels qui maltraitent les ou leurs enfants...
                                  
                                
                              Nicole
                                
                              
                              20 novembre
                                
                              
                              
                                 
                              
                              L’important, me semble t-il, de ne pas se laisser manipuler par une
                                certaine mode, celle par exemple du : on dit tout, on voit tout... Et tu as
                                raison de relever la phrase de Freud “la
                                  sexualité de l’être humain est son affaire exclusivement privée”. 
                              Je sais que tu n’aimes guère Lacan, mais quand il parle des 3 passions
                                de l’humain, dont l’une est l’ignorance, il me semble que cette passion
                                correspond tout à fait à l’actualité ambiante chère aux politiques, puisqu’ils
                                la font, chère à celles et ceux qui souscrivent. Pour penser a-minima, on reste
                                dans le binaire : “t’es pour ou t’es contre ?” Et si on met du tiers, on nous
                                répond par la terreur.
                              En effet tu as raison c’est tout en affirmant leur droit à la
                                différence qu’ils veulent “être comme tout le monde...”, qu’ils veulent être
                                les deux, c’est quand même très symptomatique... Et que pour se faire bien
                                entendre, ils se livrent à toutes sortes d’exhibitions, c’est très
                                adolescent... et les médias, les regards, de le transmettre...
                              Bref… 
                                
                              
                              Nicole
                                
                              
                              
                                 
                              
                              Fragments de réponse
                                
                              
                              
                                 
                              
                              Chère Nicole,
                                
                              
                              
                                 
                              
                              J’ai repris maxime de Freud et y
                                tiens fermement, dans la mesure où, quand il y a collusion du privé avec le
                                public, comme cela s’est produit à plusieurs reprises depuis 2011, venant de
                                personnages politiques très en vue, censés témoigner pour le bien de tous
                                d’une, n’hésitons pas devant le “gros mot”, éthique, le spectacle devient
                                consternant, voire carrément obscène.
                                
                              
                              […]
                                
                              
                              En effet, je n’aime pas, dans le plein sens de la formulation, Lacan.
                                Ce qui d’ailleurs m’a dispensée de le haïr. Par contre, je respecte ses écrits
                                - j’ai longtemps suivi son séminaire et lui ai rendu quelques visites pour lui
                                dire directement ce que je pensais -, n’ai négligé ni ses concepts ni ses
                                qualités de psychiatre. Toutefois, je
                                n’ai jamais pu souscrire à ses applications pratiques de la psychanalyse,
                                lesquelles contredisaient ouvertement les théories qu’il mettait en place, ce
                                que j’associais - et associe toujours - à une structure perverse : “la main droite ignore ce que fait la main
                                gauche”, les actes démentent radicalement les paroles (souvent pédantes, voire
                                sciemment obscurantistes, etc.). 
                              De plus, j’avais été écœurée par ses propos céliniens antisémites,
                                pour n’en évoquer que quelques-uns à titre d’exemple, envers Freud, Anna Freud,
                                le Pr François Jacob, grand résistant, prix Nobel de médecine… mais il en 
                                tint pas mal d’autres... À l’un de mes sens (l’“intuitif”, comme disait Solange
                                Faladé), ceux de ses discours émaillés d’algarades pseudo-surréalistes (il
                                était fort jaloux de Salvador Dali) peu reluisantes, étaient, et restent
                                incompatibles avec la pensée et la personne de Freud, de même qu’avec l’édifice
                                freudien tant clinique que théorique. Je l’ai souvent dit et écrit depuis 1967,
                                ce qui ne nous rajeunit pas, c’est-à-dire quand j’ai eu connaissance du ralliement
                                intellectuel de Lacan à Heidegger. Ma réflexion argumentée à ce sujet figure
                                dans nombre de textes placés sur notre site.
                              Mais puisque tu pointes le “binaire” inhérent aux idéologies,
                                c’est-à-dire l’évacuation, que j’apprécie aussi peu  que toi, du symbolique, je
                                t’assure que tout cela n’a jamais eu quelque incidence sur mon amitié à ton
                                égard, pas plus que sur l’estime que je porte à ton travail.
                              Micheline
                                
                              
                              
                                 
                              
                              P. S. Voici ce sur quoi je suis
                                tombée par hasard en consultant un article sur le Net.
                                
                              
                              
                                 
                              
                              12 septembre
                                2012 22 h 40
                                
                              
                              
                                 
                              
                              On oublie les Narcissiques ! Pourquoi
                                oublier les Narcissiques ? C’est discriminatoire.
                                
                              
                              Je propose le droit au mariage avec
                                soi-même, l’auto-mariage. Beaucoup de gens n’ont pas eu la chance de
                                rencontrer l’âme sœur et ont pris l’habitude de vivre en quelque sorte en
                                concubinage harmonieux avec eux-mêmes. Le temps passant, certains ont découvert
                                en eux le partenaire idéal dans une union que le temps consolide. Cette
                                situation familiale est plus fréquente qu’on ne le croit et semble stable
                                puisque le divorce de personnes seules est extrêmement rare dans notre pays.
                                Cette expérience sociale est donc un succès, mais qui doit recevoir la
                                reconnaissance du Droit et des Institutions dans le cadre de l’évolution des
                                mœurs. Or certains de ces amoureux d’eux-mêmes peuvent désirer régulariser
                                cette situation pour des raisons évidentes d’égalité de droit et d’intégration
                                à une norme sociale. Les effets fiscaux eux-mêmes peuvent légitimement être un
                                facteur incitatif. De plus en cas d’hémiplégie, l’auto-mariage donnerait droit
                                à une pension de réversion à la partie intacte. Le mot moitié prendrait alors
                                tous son sens. Espérons que la reconnaissance du droit au mariage homosexuel
                                ouvrira la porte à l’auto-mariage, qui est forcément aussi un mariage
                                homosexuel, mais solitaire et c’est bien triste. Les Narcissiques doivent
                                pouvoir dire “Je m’aime” en public sans être discriminés, ils ont le droit
                                comme tout un chacun de se passer à l’annulaire de chaque main le cercle de
                                métal précieux d’une union reconnue par la République. 
                                  
                                
                              
                                 
                              
                              Commentaire de Nicole : Et bien, en tant que sujet
                                divisé, je suis assez d’accord pour une pension de réversion.
                              Nicole 
                                
                              
                              
                                 
                              
                              © Eva Talineau
                                
                              
                              
                                 
                              
                              Résumé d’un travail en cours,
                                intitulé provisoirement
                                
                              
                              
                                 
                              
                              «
                                Différence des sexes et ouverture du champ de l’Autre.
                                
                                Du
                                  jaillissement de la signifiance. Questions. »
                              
                                 
                              
                              Je viens de parcourir votre postface à l’allocution d’Élisabeth
                                Roudinesco. Je suis tout à fait sur la même longueur d’onde, mais je voudrais
                                arriver à développer surtout une autre idée - c’est que dans le psychisme
                                humain, la différence des sexes n’est pas qu’un donné naturel dont il serait si
                                simple de faire fi, au profit d’une créativité de la culture qui “suffirait” à
                                ce qu’il y ait “du symbolique” -, c’est l’index d’une signifiance qui s’origine
                                d’une différence irréductible, d’une signifiance qui n’accole pas un mot et une
                                chose, mais où le décollement des mots d’eux-mêmes se trouve être symbolisé par
                                l’écart entre un sexe et un autre.  
                                  
                                
                              E. T.
                                
                              
                              
                               
                              
                              
                                
                              
                              © Jean Duchesne
                                
                              
                              
                                 
                              
                              Le problème du mariage homosexuel en France
                                
                              
                              
                                 
                              
                              On en a entendu de toutes sortes à propos du
                                mariage gay ces jours derniers. Cela signifie-t-il qu’un véritable débat se
                                fait jour ? Pas le moins du monde ! Des critiques du projet de loi gouvernemental
                                sur “le mariage pour tous” mettent sans cesse en avant toutes sortes
                                d’excellentes raisons de le refuser et personne ne répond.
                                
                              
                              Les ministres ont simplement déclaré qu’ils étaient
                                heureux de permettre à chacun d’exprimer son opinion, mais les partisans des
                                familles à deux pères ou deux mères ne se soucient pas d’argumenter. Ils
                                croient apparemment qu’un droit aussi évident n’a pas besoin d’être justifié.
                                Il doit être reconnu, disent-ils, ça ne se discute pas. C’est pourquoi aucun
                                officiel, ni aucun partisan de la loi n’a daigné se pencher sur les objections
                                détaillées présentées par des cardinaux, des évêques, des imams, des rabbins et
                                même des personnalités et organisations non-religieuses.
                                Dans l’ensemble, les médias trouvent de tels raisonnements trop subtils : on ne
                                peut pas les résumer en un titre accrocheur, le public s’ennuierait si on
                                reprenait tout point par point.
                                
                              
                              Inversement, l’idée que n’importe qui puisse
                                épouser n’importe qui est basée sur un principe simplissime que tout honnête
                                homme saisira et adoptera d’emblée : toute forme de discrimination est
                                mauvaise. Refuser le mariage aux gays et lesbiennes qui le désirent revient
                                alors à ne pas les reconnaître comme des êtres humains. C’est par conséquent
                                moralement inacceptable, une manifestation de cette homophobie qui a été
                                déclarée un crime tellement atroce que la prévention en est faite dès la petite
                                section de maternelle.
                                
                              
                              Il est aussi avancé que plusieurs états américains
                                et européens ont déjà ouvert le mariage aux gays et lesbiennes et que la France
                                doit se rattraper en vue de rester, parmi les pays les plus avancés, le
                                porte-étendard de l’égalité et de la justice.
                                
                              
                              Une autre excuse pour esquiver de débattre
                                sérieusement des objections est que le mariage gay faisait partie du programme
                                du candidat Hollande. Puisqu’il a été élu président, on en conclut que la
                                majorité a approuvé cette idée et qu’il serait anti-démocratique d’y revenir.
                                
                              
                              Comme les opposants (notamment les catholiques)
                                commencent à manifester en masse parce que le débat rationnel s’est montré
                                impossible à mettre en place, une quatrième forme de refus apparaît : une
                                pression politique de ce genre est présentée comme anormale, parce que défiler
                                dans la rue en chantant des slogans est réservé aux progressistes et aux
                                défenseurs des opprimés, et que pour des conservateurs et réactionnaires, c’est
                                contre nature...
                                
                              
                              L’incongruité serait plutôt qu’un gouvernement de
                                gauche ait à céder devant des contestataires occupant pacifiquement la rue. Il
                                y a eu un précédent cependant : en 1984, après qu’un million de manifestants se
                                sont rassemblés à Paris, un autre président socialiste prénommé François a été
                                forcé de renvoyer son premier ministre et son gouvernement et de retirer son projet
                                de nationaliser toutes les écoles privées, pour la plupart catholiques.
                                
                              
                              Hollande n’a aucune certitude de faire mieux que
                                Mitterrand. L’exécution de sa promesse de légaliser “la mise à mort
                                miséricordieuse” a été repoussée, officiellement pour laisser le temps à un
                                comité d’experts de creuser la question et d’écrire un rapport détaillé dont
                                personne n’osera contester les conclusions.
                                
                              
                              Les partisans de l’euthanasie sont manifestement
                                plus patients que les champions du “mariage homosexuel”. La détermination
                                aveugle de ces derniers est un autre paradoxe – et un vrai : à une époque
                                où le mariage a perdu de sa popularité, où garçons et filles se marient tard ou
                                pas du tout, même quand ils ont des enfants, et divorcent encore plus souvent,
                                il est ironique de voir une "avant-garde" réclamer le droit à
                                profiter d’une institution aussi vieillotte.
                                
                              
                              Il y a plus : on ne trouve pas d’unanimité à
                                gauche, même parmi les groupes homosexuels. Leurs alliés habituels, les bi et
                                les transsexuels, se sentent manifestement peu concernés, si bien que le lobby
                                LBGT se disloque, tandis que la base socialiste, qui voit des priorités plus
                                urgentes, est perplexe et divisée. Pour être honnête, quelques voix en faveur
                                des droits des homosexuels se font entendre dans l’opposition gaulliste.
                                
                              
                              Avec un peu de recul, il apparaît qu’une petite
                                élite “éclairée” s’est auto-persuadée et a persuadé
                                une poignée de politiciens craignant de paraître rétrogrades que les unions
                                homosexuelles sont l’inévitable nouvelle étape de la modernisation de la vie
                                sociale et de la croissance des libertés civiles, après le suffrage universel,
                                l’abolition de l’esclavage, la condamnation du racisme et du sexisme, le
                                divorce et le contrôle des naissances. Parce qu’elle s’enracine dans la foi
                                illusoire dans le “Progrès”, cette croyance est imperméable à tout raisonnement
                                et elle aura recours à des caricatures de valeurs et à des arguments
                                contradictoires pour s’imposer, sans même daigner révéler ses véritables
                                motivations ni examiner les conséquences.
                                
                              
                              Dans le cas présent, la crainte de ne pas être “dans
                                le vent” est utilisée pour imposer dans les foyers l’idée que l’homosexualité
                                est "normale". Le but inavoué est de vaincre la répugnance
                                instinctive, surtout chez les adolescents. La perspective des étapes suivantes
                                ne donne pas seulement la nausée, elle est tout bonnement révoltante. Le poète
                                Paul Valéry disait que les civilisations pouvaient mourir. Il semblerait que la
                                nôtre envisage de se suicider.
                                
                              
                              Une question se pose : combien de temps les gens
                                vont-ils supporter d’être manipulés et traités comme des abrutis par des fous
                                furieux se prétendant philanthropes ? Il n’est pas vrai que François Hollande a
                                été élu parce qu’il a promis de légaliser les unions homosexuelles : les
                                Français ont simplement rejeté de peu le président sortant. L’égalité ne
                                signifie pas qu’hommes et femmes soient interchangeables. L’espérance d’un
                                avenir meilleur ne passe pas par la dénaturation du mariage mais par un pari
                                sur la raison. Les responsables religieux ont fait leur devoir en pointant les prévisibles
                                effets désastreux de la légalisation du mariage homosexuel. Au tour du peuple
                                d’achever le travail en rendant clair pour la classe politique que ce n’est
                                certainement pas la sorte d’avancée dont il a besoin. J. D.
                              
                                
                                
                                  
                                
                               
                              © Micheline Weinstein
                                
                              
                              
                                 
                              
                              Tout d’abord, je voudrais chaleureusement
                                remercier les auteurs qui ont confié leurs points de vue, publiés
                                antérieurement ou originaux, à notre site : Élisabeth Roudinesco,
                                Olivier Douville, Nicole François, Paule Pérez, Eva Talineau, Bertilie Walckenaer-Virenque, qui m’a transmis la lettre du 30
                                novembre 2012 de Guy Coq au Président de la République et le texte de Jean Duchesne.
                              Avec un petit salut amical personnel à
                                Nicole François, dont la réflexion de longue date sur les sujets qui nous
                                occupent, au cours de nos échanges, m’a aidée à clarifier la mienne.
                              Ayant écrit ce que je pensais au sujet du
                                “mariage gay” dans ma postface à l’Allocution
                                d’Élisabeth Roudinesco à l’Assemblée Nationale, ainsi
                                qu’à la Lettre ouverte d’Olivier Douville, je ne
                                reviendrai que sur quelques points récents.
                              J’ai été consternée, pour ne pas dire
                                stupéfiée, d’entendre dans les médias et de lire dans la presse les propos
                                clamés et affichés devant l’Assemblée Nationale par un collectif de militantes
                                et militants en faveur du “mariage gay” et de l’“égalité des droits”, le 29 novembre, lors de la réception, écourtée et plutôt leste,
                                salle Lamartine, des communautés religieuses venues présenter leurs objections.
                              Voici trois slogans, devant l’Assemblée
                                Nationale, relevés dans la presse, à l’adresse directe de l’Archevêque André
                                Vingt-Trois :
                              
                                 
                              
                              « André Vingt-Trois, occupe-toi de ton
                                
                              
                              culte ! »
                                
                              
                              « Vingt-Trois, on n’a pas besoin de
                                toi, tire-toi ! »
                                
                              
                              « Lâche ton missel, sniffe mon aisselle
                                ! »
                                
                              
                               
                                
                              
                              Sur quoi, j’ai fait circuler le courrier /
                                mail suivant :
                              
                                 
                              
                              L’opposition
                                de communautés religieuses nécessite-t-elle, de la part d’électeurs favorables
                                au “mariage gay” et à l’“égalité des droits”  des insultes ordurières ?
                                
                              
                              
                                 
                              
                              Il semblerait qu’à l’intérieur, salle
                                Lamartine, quelques parlementaires aient fait montre, oralement, d’une démocratique
                                élégance à peine plus nuancée.
                              Un instant, nous nous sommes crus
                                propulsés dans les arènes de ce que l’on désigne par “quartiers”, de banlieue,
                                d’hors banlieue, de Paris - dont l’arrondissement que je pratique, réputé
                                pourtant assez “sélect” - de province…
                              Ces invectives, dignes d’une cours d’école
                                primaire et de nombreuses salles de classe où les enfants ont pris coutume
                                de se lâcher assez violemment, avec la vulgarité qui colore les mœurs de notre
                                temps, témoignent-elles d’une maturité susceptible de dispenser une idéologie
                                humaniste aux enfants que les couples homosexuels, à la ressemblance de maints
                                couples hétérosexuels, adopteront pour les élever ?
                              Il n’y a pas si longtemps, avant que le
                                concept n’évolue et ne se banalise, le devenir humaniste impliquait que l’on
                                avait du goût pour l’étude, pour le sens des mots que l’on choisissait
                                d’employer, voire que l’on avait fait ses “humanités”, notamment laïques,
                                comprenant entre autres disciplines, le grec, le latin - creusets des langues
                                européennes -, l’histoire/géo, la littérature, la philosophie, les sciences,
                                exactes et/ou humaines, les arts et les langues… et alii par la suite, selon les choix propres aux désirs de chacune et de
                                chacun. La publicité relative à l’addiction à l’argent, à l’avarice, était
                                absente des “humanités”, cela n’empêchait pas de se diriger, adulte, vers
                                l’étude du capitalisme, de l’économie, de la politique etc.  
                              Cet enseignement était alors, pendant des
                                siècles, ce que l’on nommait la voie d’accès à la civilisation.
                              La société a profondément changé,
                                entend-on. Certes, mais les invariants de nature humaine, le narcissisme des
                                petites différences au sein des “diversités” fussent-elles dans l’environnement
                                le plus proche, à commencer par celui de la famille, ont-ils tant cillé ?
                              Par exemple, dans le vocabulaire médical
                                psychiatrique, des appellations, souvent pédantes ou “siglées”, ont été
                                plaquées, pour les recouvrir, sur les termes d’une nosographie antérieure, mais
                                les symptômes modernes sont-ils différents pour autant ? En tous cas, TOC ou
                                pas TOC, je peux assurer, et ne suis pas la seule que, pour la psychanalyse, au
                                plan clinique, la névrose obsessionnelle, une réelle calamité, continue vivace
                                d’exister. De même que l’hystérie, pareille à elle-même et au temps de Freud
                                ainsi, pour faire bref, que chaque autre souffrance insupportable entraînant
                                une grande difficulté, voire une impossibilité de vivre, du moins en société.
                                Toutes liées, quelles que soient l’incidence des bouleversements extérieurs,
                                familiaux, des types de sociétés, bien qu’ils ne soient pas à négliger, à la
                                sexualité.
                              Il semblerait par ailleurs que,
                                s’inspirant depuis des décades de l’Amérique tout en la décriant par souci de
                                bonne conscience, au plan des concepts, l’on soit davantage friands d’une
                                supposée sexualité active d’Anna Freud par exemple. Pourtant la chose me paraît
                                très simple : Anna Freud, dont le père savait tout ce qu’il y avait à savoir
                                sur la sexualité de sa fille, dont Freud était le psychanalyste de tous ses
                                prétendants, hommes et femmes, et savait tout ce qu’il y avait à savoir sur
                                leur sexualité, allait-elle seulement leur montrer son corps physique et de plus en dévoiler les
                                secrets ?
                              Je laisse à part les psychoses qui ne
                                ressortissent pas à la psychanalyse.
                              La seule nomination n’ayant pas été
                                modifiée est celle de perversion, seulement elle est tabou, l’on n’en parle pas, elle
                                appartient juste, en tant que système psychique de fonctionner, aux mœurs
                                générales en cours.
                              Je reviendrai sur ce thème un peu plus
                                loin, à propos d’un reportage TV.
                              
                                 
                              
                              Il a donc émané de la séance de réception
                                des représentants des cultes à l’Assemblée Nationale, que les musulmans, les
                                bouddhistes et les juifs avaient été épargnés des invectives, au détriment
                                sauvagement exprimé du seul catholicisme.
                              Or curieusement, dans les collectifs
                                “gays” manifestant publiquement leur joie de voir leur union intégrée au Code
                                Civil tout en lançant sans retenue des injures, nous ne remarquons guère de
                                “gays” catholiques. Peut-être, sur ce point précis, pour une fois, sont-ils en accord avec cette maxime de Freud :
                              
                                 
                              
                              La vie
                                sexuelle de l’humain relève de son domaine exclusivement privé.
                                
                              
                              
                                 
                              
                              N’étant pas habilitée à parler de ce que
                                je ne connais que très partiellement, je m’en tiendrai aux communautés juives.
                                Furent-elles alors ménagées en souvenir de l’adéquation obtenue
                                administrativement du triangle rose à l’étoile jaune, dont je tairai ici ce que
                                j’en pense, ce n’est pas le propos ?
                              Ce serait donc cela, l’“égalité des droits” ?
                              Ce qui ne me va pas dans ces “mariage gay”
                                et “égalité des droits”, n’a rien de commun avec une affaire de morale, encore
                                moins d’idéologie, dont les psychanalystes n’ont pas à se mêler - c’est cela la
                                “neutralité bienveillante”. Ce sont les termes eux-mêmes de “mariage” et d’“égalité” et ce qu’ils impliquent de collectivisation
                                autoritaire de leur sens.
                              Ainsi fit-on avec les déportés, ainsi
                                fait-on avec les “enfants cachés”, avec les héritiers directs de la déportation
                                des Juifs, qui par ailleurs n’intéressent pas grand monde, il suffit de lire
                                les titres des ouvrages à ce sujet et de saisir en un clin d’œil les grilles
                                globales, spécialement “psys”, d’interprétations arbitraires de leurs auteurs,
                                loupant ainsi les réelles conséquences psychiques de cet hapax. 
                              Ce qui intéresse les limites de mon
                                travail, c’est le sujet, une par une, un par un, d’où qu’ils proviennent.
                                N’est-ce pas, si ma mémoire ne me trahit pas, une par une, un par un, ourdissant
                                quasi professionnellement, faisant fi des unions, des souricières en tous
                                genres, que l’on a attrapé les Juifs en vue de les assassiner, chacune, chacun,
                                avec sa singularité, son histoire familiale et sociale particulière, sa
                                personnalité, son caractère, particuliers ?
                              Pour davantage de réflexion sur ce vocable d’“égalité”, je me permets de déléguer les lectrices
                                et lecteurs intéressés vers les pe[a]nseurs, avec un “e” ou un “a”, les sages, dans tous les
                                domaines, qui l’analysent actuellement avec le soin qu’il exige, ce qui donne
                                lieu à des textes exceptionnels de qualité.
                              Quant à la désignation de “mariage” entre personnes de même sexe, j’ignore encore pourquoi aujourd’hui, mais j’ai touvé ça bouffon, disons, pour célébrer ce nouvel événement, pas très inventif.
                               Et pour conclure sur ce thème, j’extrairai un tout petit
                                passage de la Cause des enfants, de
                                Françoise Dolto - sur qui la mode, par le biais des médias, impose que l’on
                                bave gaillardement - elle était catholique n’est-ce pas ? - sans que l’on
                                prenne même la peine d’avoir lu une ligne de ses observations cliniques,
                                extrait qui figure d’ailleurs sur Internet :
                                  
                                
                              
                                 
                              
                              Il faut une très grande maturité pour être
                                capable d’être parent, car cela implique d’être conscient que ce n’est pas une
                                situation de pouvoir, mais une situation de devoir, et qu’on n’a aucun droit à
                                attendre en échange.
                                
                              
                              
                                 
                              
                              Un
                                dernier mot. Je propose, plutôt que d’intituler tristement, spécialité de quelques administrations, les partenaires des couples de même
                                sexe “parent 1, parent 2”, indifféremment, à leur gré : “Mapa”
                                et “Pama”, à moins que cela ne rende dyslexiques nombre de leurs enfants...
                                
                              
                              
                                 
                              
                              Réflexion annexe mais non
                                étrangère à ce qui nous occupe.
                                
                              
                              
                                 
                              
                              Le
                                reportage TV + débat que j’évoquais plus haut fut une émission sur La 2 de trois
                                heures, consacrée à ce qui a été défini par “autisme”.
                                
                              
                              À la
                                suite duquel j’ai écrit ce que j’en pensais à Élisabeth Roudinesco,
                                c’est-à-dire que ce reportage était intellectuellement et délibérément malhonnête, à la gloire des neurosciences
                                principalement inspirées par les psychiatres américains, dont une secte.
                                
                              
                              La
                                présentation de ce reportage, voilà ce fut reparti pour un tour, fut
                                ouvertement, avec violence, méchanceté dans le propos, hostile à la
                                psychanalyse française - et probablement à Élisabeth elle-même, si l’on en juge
                                par la foire d’empoigne personnelle dont elle est l’objet, au mépris de son travail, quelles que soient les
                                divergences de points de vue, lesquelles pourtant, nourrissant les recherches,
                                gardent vivace l’évolution de la théorie et de la clinique psychanalytiques.
                                
                              
                              J’ai
                                proposé en plaisantant à Élisabeth d’écrire un tome II de Pourquoi tant de haine.
                                
                              
                              Ce
                                fut donc, un coup de griffe pour Freud, visionné brièvement dans le jardin de Maresfield Garden, lequel Freud n’a rendu publics aucune parole, aucun écrit au sujet de l’autisme ; un autre coup de griffe pour Bettelheim, on s’y attendait : un troisième,
                                dans l’ordre ou dans le désordre, pour Deligny, où
                                l’on a revu Jean-Marie, si bien que, par ce dernier biais, Françoise Dolto,
                                Maud Mannoni… pour ne citer que deux femmes, et ceux de leurs élèves, sur deux
                                générations, qui furent confrontés dans leur pratique quotidienne à l’autisme,
                                au mutisme, à la schizophrénie chez les enfants, furent discrédités sans
                                vergogne.
                                
                              
                              Pas
                                une allusion nominale à Françoise Dolto, pas une tout court à Lacan, par frousse, sans doute, que leurs héritiers n’engagent des poursuites judiciaires.
                                
                              
                              L’œuvre
                                clinique et théorique capitale de Françoise Dolto sur cette question est
                                d’ailleurs savamment ignorée. C’est Françoise Dolto qui, outre son analyse des
                                dessins d’enfants, la première en France, à la fin des années soixante, a
                                introduit la pratique du piano auprès d’enfants qui, tout en étant d’une
                                intelligence hors-normes, disons de “sur-doués”, ne
                                parlaient pas et présentaient les symptômes physiques de l’autisme  généralement décrits. Et ce, grâce à
                                une amie, Mme Benoît, épouse du pédiatre psychanalyste Pierre
                                Benoît, laquelle avait inventé à leur intention sa propre méthode de transmission de la pratique
                                musicale.
                                
                              
                              Aujourd’hui
                                comme hier et jusqu’à présent, les psychanalystes soucieux et éducateurs
                                français, soucieux d’offrir une vie vivable, dans un lieu vivable, à ces
                                enfants, de sorte qu’ils ne soient pas destinés à l’hôpital psychiatrique, se
                                sont immanquablement heurtés à un refus de se voir attribuer des aides
                                matérielles par les pouvoirs publics.   
                                
                              
                              Dans
                                ce reportage de 3 heures à la TV, les images montrant des enfants en très bas
                                âge ne correspondaient pas aux personnages réels qui témoignaient de leur
                                parcours et de la réussite des neurosciences, ce qui n’est pas surprenant. La
                                malhonnêteté intellectuelle, délibérément ignorante, peut faire des montages et
                                faire dire ce qu’elle veut selon ce vers quoi elle penche.
                                
                              
                              De
                                plus, et peut-être en premier lieu, « L’autisme » en général
                                n’existe pas : quels que soient les efforts thérapeutiques, allez proposer à un
                                enfant de 7 ans qui se mutile, qui mord et déchire ses poignets jusqu’à l’os,
                                de jouer du piano…
                                
                              
                              Au
                                cas où des lectrices et lecteurs seraient intéressés par le travail quotidien
                                efficace, sans tapage, de psychanalystes, d’éducateurs, de
                                psychiatres, d’équipes environnantes, à ce sujet, ils peuvent alors se reporter
                                à l’adresse suivante sur notre site,
                                
                                 en double cliquant sur le titre [lien direct].
                              
                                 
                              
                              Élisabeth Roudinesco
                                
                              
                              Psychanalyse et autisme
                                : la polémique
                                  
                                
                               
                              Bibliographie complémentaire • Sur l’autisme • Documents associés
                                
                              
                              
                                 
                              
                              
                              
                              
                              
                                 
                              
                              M. W.
                                
                              
                              
                              
                                 
                              
                              © Paule Pérez
                              Méditation sur séparation et sexe comme possibilité de penser
                              
                              
                              
                              
                              
                              1ère publication in Temps
                                Marranes n° 5 • Janvier/Février 2009
                                  
                                
                              http://www.temps-marranes.info/article_5_7.html
                                
                              
                              
                                 
                              
                              Depuis le moment freudien, on ne peut plus
                                éluder la question de l’injonction sociale et de l’interdit, séculaires dans
                                les affaires qui touchent à la sexualité, au désir et à son expression.
                                Cependant, la visibilité contemporaine des personnes dénonçant, via les gender studies, la division
                                traditionnelle, voire fonctionnelle des sexes, issue du phallocentrisme, ou
                                encore la revendication de celles qui prônent
                                  une performativité alternative dans la pluralité sexuelle, via les mouvements
                                  « queers », nous placent, décidément, devant de l’irrécusable et
                                  du réel.
                                  
                                
                              Comme le rappelle
                                Noëlle Combet [1] : « Judith Butler a bien
                                fait la différence dans Trouble dans le
                                  genre, lorsqu’elle veut montrer que les signes culturels sont
                                performatifs puisqu’ils nous imposent les normes sexuelles essentiellement à
                                l’aide d’une sélection et de répétitions constantes de signes empruntés au
                                champ sémiotique. »… « Le sexe est posé comme une donnée biologique
                                tandis que le genre ressortirait au champ culturel. »… « Dans cette
                                dualité sexe-genre, le sexe lui aussi serait un objet relevant des normes
                                socio-historiques que révèle tout particulièrement la réflexion
                                sémiotique. »
                                
                              
                              Par-delà la banalisation contemporaine de
                                l’homosexualité, les conduites intermédiaires et hybrides
                                multiples, inouïes, viennent désormais requérir de nous
                                une élasticité empathique. Certes. Mais surtout, me semble-t-il une
                                flexibilité conceptuelle. Et ce, en-deçà des registres psychologique, social,
                                esthétique, moral et politique : immanquablement le caractère pluriel,
                                voire inouï, de ces conduites, suscite dans son sillage un saisissement -
                                ce que Noëlle Combet appelle une « expropriation ». Ce caractère
                                bouleversant incite tout autant, me semble-t-il, à une élaboration
                                logique tant il interpelle notre capacité à penser.C’est ce à quoi je
                                m’essaie ici. D’abord, j’ai tenté d’argumenter qu’on peut certes
                                accepter le flou et la possibilité de contradiction et de brouillages entre
                                genre et sexe chez le même individu (se percevoir comme « femme née dans
                                un corps d’homme », ou la réciproque, pour ne prendre que la figure
                                inaugurale du mouvement critique), et même que ces brouillages puissent
                                  êtres affirmés comme possibles, plausibles et acceptables, à la fois sur le
                                  plan psychique-mental et sur le plan social-politique. En effet cela n’est pas
                                  irrecevable.
                                    
                                  
                              Mais il y faut une
                                condition préalable. Il s’agit d’effectuer et de repérer deux mouvements de l’esprit :
                                  d’une part, celui de la distinction en elle-même, dans l’abstrait. D’autre
                                  part, celui de la distinction dans le genre, soit : masculin vs féminin. Car pour pouvoir penser
                                  qu’on n’appartient pas au genre de son sexe, encore faut-il avoir pensé la différence des genres. Ceci rend, dès
                                  lors, inévitable, l’entreprise d’éclaircissement terminologique du sexe
                                  relativement au genre. Premier mouvement de mon travail qui pourrait sembler, à un lecteur pressé, quelque peu critique à l’égard
                                    des tenants des gender studies ou du
                                    queer.
                                    
                                  
                              Mais dans un second mouvement, j’essaie de dégager
                                en quoi ce développement s’avère porteur d’éléments permettant aux tenants
                                des études sur le genre d’aller encore plus loin dans leur propre direction. Et ce sous deux modalités :
                                
                              
                              - D’une part, au sens où je généralise l’idée
                                que l’opération de la différence, distinction, séparation, peut se poser comme
                                prémisse nécessaire à la genèse de l’esprit et fondamentale (voire nécessaire) pour la possibilité de la
                                pensée. Et que justement, dans les distinctions élémentaires chez le petit
                                enfant, celle du genre est fondatrice, par le fait qu’ayant perçu très tôt
                                la distinction entre lui et pas-lui, mais que concomitamment il
                                perçoit entre ce qui est comme lui et
                                ce qui est pas-comme-lui.
                                
                              
                              L’enfant opère le lien avec ce qui est comme lui et
                                la distinction de ce qui n’est pas comme lui. La distinction des genres en tant
                                qu’elle est inscrite dans le langage [2], dans
                                lequel baigne l’enfant, ne précède-t-elle pas, en effet, la distinction des
                                sexes, qui se produira lors de la vision effective par l’enfant de la
                                différence anatomique [3] ? Il s’agit donc
                                de poser ceci : si, la forme
                                élémentaire du « penser » consiste à la fois à lier et à distinguer,
                                séparer, discerner, alors la distinction fondamentale par l’enfant,
                                  entre identité et altérité, infère ou équivaut à sa découverte de la différence des genres, qui est première,
                                    puis à celle des sexes, qui est seconde. Hypothèse qui me conduit à me référer à l’étymologie du mot sexe, qui, bien davantage
                                      que la désignation anatomique, organique ou fonctionnelle, indique la notion de
                                      coupure, comme dans sexion, section [4]. Soit coupure ou sexuation de l’humanité en deux genres,
                                      et accessoirement par le sexe anatomo-physiolologique, qui en est réduit à une
                                      sorte de métonymie du genre.
                                      
                                    
                              - De ce fait il m’est permis de poser que le
                                genre n’est pas seulement une « catégorie » sociale ou
                                culturelle, argument majeur des gender studies, mais qu’il est bien une catégorie de l’esprit, un référent
                                anthropologique permettant de penser la différence, opérant
                                universellement. Et cependant, ce référent a été longtemps impensé comme tel. On peut pour cela l’instituer comme un refoulé, voire comme un élément forclos de l’histoire de la
                                pensée.
                                  
                                
                              Enfin j’essaie de dégager que si la distinction [5] est opération fondamentale, cela permet de
                                supposer que la pensée adviendrait dans le duel ou le multiple, au milieu
                                et à partir duquel elle a à se déployer, et non dans l’unité bien identifiée,
                                délimitée.
                                
                              
                              Ainsi, par extension, contrevenant à
                                l’ordination des nombres, on serait fondé à dire que le 2 précèderait le 1 dans
                                la formation de la pensée, comme le 1 a bel et bien, historiquement,
                                précédé le 0.
                                
                              
                              Et aussi que la dualité n’en finit pas d’être à
                                questionner, en ce qu’elle peut « se développer ». En cela, aller
                                vers le trois, le ternaire, le triangulaire, ou encore, dans le cas où la
                                dualité se pose comme polarisation, aller vers la spectralité qui figurerait
                                une infinité de possibles tiers entre les deux pôles opposés.
                                
                              
                              Mes réticences initiales, puis ma propension au
                                « pourquoi pas ? » et enfin mon vif désir de comprendre ce
                                qui, ici, constitue un tournant important sur quelque chose ayant
                                partie liée avec la « condition humaine » et une manière de
                                questionner les mouvances de l’esprit - m’ont amenée à ce qui a pris
                                la forme de cette méditation.
                                
                              
                               
                                
                              
                              Une
                                séparation primordiale : la Genèse comme possibilité de l’idée de
                                distinction
                                
                              
                              
                                 
                              
                              L’opération de distinction, séparation ou
                                discernement, peut en effet être supposée comme événement ou avènement interne
                                au fondement du « penser », comme un effet induit ou une figuration
                                abstraite, analogue, équivalente, voire
                                  spéculaire à celle de la découverte de la non-fusion avec la mère (ou de
                                qui en tient lieu), de la distance entre soi et l’autre. Elle en serait aussi
                                comme « l’empreinte » au sens où une trace dessine en creux les
                                contours et le souvenir d’une forme, ou bien encore comme une
                                « révélation », au sens photographique.
                                  
                                
                              La métaphore primordiale de la
                                séparation-distinction, que je convoque ici comme étai à mon propos, je
                                l’emprunte à la Genèse. Je considère axiomatiquement ce livre comme récit d’une
                                conception sur la création d’univers. Mais aussi comme une description première
                                faisant trace, frappe, qui est au fond un trait commun à ce qu’on appelle les
                                textes fondateurs [6]. De sorte que certains
                                pourraient y voir, comme en une embryogénèse poétique, se former l’esprit ou sa
                                figuration, dans un récit à fonction phylogénétique de la pensée :
                                narration où l’on verrait la pensée se constituer en tant que telle au prix et
                                au terme d’un certain nombre d’opérations.
                                
                              
                              Pourquoi serait-il impossible de poser le phénomène
                                voire l’épiphanie du « penser » (quoi, comment, par quoi ?), dans l’expérience subjective, aussi bien du côté
                                du principe de l’identité et sa
                                non-contradiction avec le tiers-exclu, que de celui de la manifestation de la distinction. Dans un tel cas, celle-ci ne
                                pouvant s’envisager autrement que dans une opération de passage, ne saurait se
                                concevoir sans « intentionnalité », induisant la notion du sens
                                (quoi, quel sens, pour quoi ?).
                                Sous cette optique, les registres ontologiques, logiques, autant que
                                psychologiques, s’entrelacent. Dans la perspective de
                                  la division qu’implique par ailleurs
                                  le fait que soit apparue « la question » - i.e. que l’homme se soit mis à questionner et à se questionner
                                  - l’esprit deviendrait quelque chose qui chercherait à « se
                                  comprendre » lui-même, mais forcément et de ce fait même, ne le pouvant
                                  pas en totalité.
                                  
                                
                              On lit : « Au
                                commencement Dieu avait créé le ciel et la terre. Or la terre n’était que
                                solitude et chaos; des ténèbres couvraient la face de l’abîme et le souffle de
                                Dieu planait sur la face des eaux ». La Création se présente au commencement, comme un
                                  ensemble formé de matériel et d’immatériel, avec deux éléments, ciel
                                  (immatériel) et terre (matériel) et deux éléments désignés par des
                                  qualificatifs ou des attributs indéterminés, indéfinis, immatériels,
                                  caractérisant la terre (matériel), qui n’était « que solitude et
                                  chaos », traduits de tohu-bohu, qu’on a pu envisager aussi comme
                                  « vide » et « vague ».
                                  
                                
                              Il est question d’un « abîme » obscur (couvert de
                                ténèbres, encore un élément immatériel), soit un creux, gouffre profond mais
                                aussi diviseur (comme on dit qu’il y a un abîme entre tel et tel) et l’unique élément (principe ?) nommable
                                est lui-même diffus c’est le « souffle » divin [qui]
                                « planait sur la surface des eaux » dans lequel certains
                                commentateurs ont voulu voir la notion d’énergie ou encore d’information.
                                  
                                
                              L’abîme est-il un « il y a » un « yesch »,
                                ou un « ayin [7] » néant, rien,
                                « trou noir », vide ? Le « souffle » suscite la même
                                question : est-il un « il y a », un « vide » ou
                                un « néant » ? Ne pourrait-on dire d’ailleurs : l’un ou l’autre
                                de l’un et de l’autre, soit l’abîme comme quelque chose et le souffle comme
                                vide, ou l’inverse, selon qu’on leur affecterait des attributs ou des
                                potentialités ?
                                
                              
                              « Dieu dit :
                                que la lumière soit; et la lumière fut ». L’autre élément énoncé est le phénomène
                                  d’apparition émanation ou création de la lumière. Il s’ensuit, et sur ce point
                                  je voudrais insister, une séparation fondatrice associée à une nomination explicite. « Dieu considéra que la lumière était
                                    bonne, et il établit une distinction entre la lumière et les
                                    ténèbres. Dieu appela [8] la lumière jour, et les ténèbres, il les
                                      appela nuit ». Ce qui tient de la surprise est que la notion d’unité
                                  identifiable y est postérieure à la
                                  notion de séparation et d’individuation, qui, impliquant séparation
                                  « entre », fait signe que le donné (les data) se compose de plusieurs
                                  éléments. Avec des mots d’aujourd’hui, on dirait qu’il est « déjà
                                  complexe ».
                                  
                                
                              « Il fut soir, il
                                fut matin, - un jour. » Ce que certains ont traduit : « jour un. » La
                                  numération-énumération (conception apparition du nombre et de la suite des nombres, le 1 pris au sens ordinal et cardinal)
                                  et la notion de début, donc de temps pris à la fois dans sa fonction de date et
                                  de potentiel de durée, si elles sont concomitantes, interviennent après, elles
                                  sont, aussi, postérieures à la nomination. 
                                  
                                
                              Puis advient une suite de séparations. « Dieu dit :Qu’un espace s’étende
                                au milieu des eaux, et forme une barrière entre les unes et les autres’. Dieu
                                fit l’espace, opéra une séparation entre les eaux qui sont au-dessous et les
                                eaux qui sont au-dessus, et cela demeura ainsi. Dieu nomma cet espace-là le
                                ciel. Le soir se fit, le matin se fit - second jour ». Séparer divers
                                aspects de la matière, eaux, terre, eaux, ciel (celui-ci est l’air, mentionnons
                                en passant cette opération « physique » de transformation du liquide,
                                c’est dire déjà peut-être son évaporation) séparer le bas du haut, comme
                                précédemment la lumière de la ténèbre, quoi de plus fondamental pour former la
                                capacité à penser, avant même de pouvoir conceptualiser.
                                
                              
                              Et c’est après la suite des séparations tant
                                commentées de la Genèse, que vient la notion du « un ».
                                
                              
                              
                                 
                              
                              Le genre précède le sexe, nécessité d’un
                                principe séparateur pour penser
                                  
                                
                              
                                 
                              
                              Ainsi
                                par exemple, là où la Logique aristotélicienne installe sa fondation par le principe
                                  d’identité, la Genèse pose comme principe celui de séparation (entre du duel,
                                  ou du multiple ou du divers) et de
                                    distinction. 
                                      
                                    
                              Ce que je souhaite exposer
                                ici est une interrogation qui m’est récurrente : la dialectique précèderait-elle l’identité ? Ou : peut-on
                                penser un moment pré-dialectique ? L’identité (et donc dans une certaine mesure
                                  l’individuation) se pose-t-elle à partir de ce qui n’est pas (dans l’absolu),
                                  ou à partir de ce qui n’est pas elle (dans le relatif, qui implique aussi
                                  au passage, d’élaborer la question massive de la négation), ou encore d’un
                                  ensemble indifférencié d’où elle émergerait ? Peut-on continuer à dire qu’elle
                                  constitue dans tous les cas le point de départ de toute pensée ?
                                  
                                
                              Ceci qui par incidence me questionne également du
                                côté de la Psychanalyse, sur la possible complexité du signifiant premier, « S1 » qui pourrait en français s’écrire
                                  « Essaim [9]  » – qu’on peut lire dès lors aussi comme
                                    Ensemble (« est-ce un ») de signifiants – fondateur, refoulé proposé
                                      par Lacan, par la barre de division du Sujet, qui le coupe radicalement de
                                      ce quelque chose en assignant cela à demeurer au lieu de son inconscient…Cette
                                      barre inscrirait ainsi le dividu de l’individu.
                                      
                                    
                              Pour un enfant la formation de la notion de l’autre en tant qu’autre peut être première
                                par exemple si on priorise le fil de lecture de l’expression « che
                                vuoi ? », « qu’est-ce tu (me) veux ? » envisagé
                                comme fondement paranoïde, avec sans doute de la haine primordiale. Mais pour
                                un autre enfant est-il inenvisageable de considérer que la formation de l’autre en tant que d’un autre « genre »,
                                  peut être première, dès lors qu’on prioriserait le fil de lecture du « il
                                  me faut » (cet autre), envisagé comme fondement hystéroïde, appuyé à un
                                  ressenti de manque, avec peut-être de l’amour comme primordial ? Ceci
                                  restera comme hypothèse mais aussi comme énigme. L’enfant fait l’expérience de
                                  l’autre quand son regard ne capte plus l’autre dans l’indistinction en tant
                                  qu’un simple prolongement de lui-même – et quand peu à peu il n’est plus
                                  dans la fusion (confusion). C’est ce qui fondera dans son développement les
                                  événements faisant la « coupure » nécessaire pour penser et devenir
                                  ou rester psychiquement opératoire.
                                  
                                
                              Or, cela peut s’envisager par des expériences qu’il
                                est permis de supposer de deux types, et ce aléatoirement, au cas par cas. J’explore
                                en effet ceci : que le fait de voir qu’il y a un autre ou de l’autre, cela peut
                                autant lui venir de manière asexuée que sexuée : par la distinction que sa
                                mère n’est pas lui ou elle, mais aussi pour un garçon par l’expérience symbolique
                                précoce que sa mère (ou telle femme) n’est pas « comme » lui, non pas
                                dans une différence biologique ou anatomique, mais bien plutôt du fait qu’il
                                entend des mots au masculin et au féminin, et pour la fille que son père (ou
                                tel homme) n’est pas « comme » elle. De fait, « il y a » du
                                masculin et  il y a « du féminin » : le « genre » peut donc
                                bien être envisagé comme la première opération de…« sexuation » chez
                                l’enfant.
                              Le sexe est donc encore à ce stade, en
                                tant qu’opérateur logique de séparation, équivalent du genre. 
                              Dans ce raisonnement, l’appréhension du
                                genre précèderait bien la prise de
                                conscience du sexe comme « organe » ou comme fait biologique, qui
                                n’en serait que modalité incarnée dès lors que l’enfant aurait eu l’occasion de
                                « voir l’anatomie » de l’autre sexe que le sien, expérience plus
                                « aléatoire » dans l’histoire du petit sujet. Au sens le plus
                                élémentaire de cette perception de la différence, le substantif
                                « sexe » agit comme un opérateur séparateur de l’humanité entre genres masculins ou (c’est un
                                « ou » exclusif, vs) féminin. Et justement rappelons encore
                                qu’étymologiquement le sexe est « section », coupure. L’émergence de
                                la notion de l’autre se formerait dans la double possibilité d’apparaître subjectivement de deux
                                  manières et pas seulement d’une seule : l’autre en tant que pas moi et l’autre en tant que pas comme moi (par le genre). Ce qui
                                  fait la « coupure » nécessaire effectuant la démonstration qu’il
                                  y a de l’autre : la section, ou sexion, sémantiquement envisagée, dans la
                                  stricte observance du principe linguistique que, de par leur
                                  « mémoire » dans une langue, « les mots n’oublient jamais leur
                                  trajet [10] ».
                                  
                                
                               
                                
                              
                              En deçà ou au-delà du social : le genre comme
                                catégorie refoulée de l’esprit
                                
                              
                              
                                 
                              
                              La sexuation, du genre ou de l’anatomie, de manière
                                indifférenciée pour ce qui relève de l’énonciation, peut être considérée comme
                                équivalent de l’événement avènement de l’autre, l’autre de l’un ou l’autre de
                                l’autre, doublé de l’autre de soi en soi, c’est un opérateur séparateur
                                « net », « coupant » [11].
                                Séparateur net comme le zéro l’est pour les nombres (positifs, négatifs) ou
                                pour le chronos, instaurant la possibilité du « négatif », comme du
                                « avant J.-C. », instaurant l’avènement de l’ère chrétienne comme le
                                zéro de l’Histoire.
                                
                              
                              Par la distinction et la séparation il y a
                                appréhension à la fois du couple zéro -
                                  un et du couple un - deux. Et
                                c’est justement parce que la sexuation a cette fonction que les hybrides, les
                                trans-, les hermaphrodites, dérangent ou sont dérangés. Car par un phénomène où
                                la crête devient bord, ils brouillent la capacité de penser cette distinction
                                et mettent en échec le discernement et la capacité de l’esprit à maintenir sa
                                propre fonction à se com-prendre suffisamment tout au moins pour rester en
                                fonction. Le principe séparateur est indispensable à l’acte même de penser
                                à la fois comme appréciation (de la dualité en elle-même) et discernement
                                (entre les termes) [12].
                                
                              
                              Il est donc permis de dire
                                que c’est seulement après avoir posé
                                quelque chose de cet ordre, qu’on peut déployer une théorie du genre comme
                                catégorie sociale ou catégorie pour penser le social.
                                
                              
                              Plus audacieusement c’est là que je pose alors le
                                genre comme une catégorie de
                                  l’esprit proprement dite, au même titre que « l’espace et le
                                temps » le sont pour Kant ou « la personne » pour Marcel Mauss.
                                C’est-à-dire, pas seulement comme une catégorie « sociale » (les
                                hommes, les femmes, dans la collectivité) mais bien comme une catégorie de
                                l’esprit pour penser -et pour parler. Au cours des siècles cette catégorie a
                                fait l’objet d’une « neutralisation » à tous les sens du terme, par
                                les auteurs. Le genre est bien l’absent de la Logique, le refoulé ou le forclos, et
                                d’une manière générale, de l’histoire de la pensée.
                                
                              
                               
                                
                              
                              Encore la question de frontière…
                                
                              
                              
                                 
                              
                              Il y aurait peut-être aussi une réflexion à
                                conduire dans la comparaison entre la séparation de crête opérée par le
                                « sexué » comme « sexion » (certes répétons-le tardivement
                                anatomique mais surtout) logique pour penser, et le travail de la prière hébraïque
                                de la havdala (séparation, distinction) quand celle-ci sépare par la parole, dans son énonciation par l’assemblé, qui fait
                                symbole : il est dit et redit que le shabbat, jour sacré, est terminé et
                                qu’on passe aux jours profanes, on verbalise la transition en disant ce texte,
                                et cette ré-citation « performe » une frontière. Ce qui fait
                                que la séparation comme coupure et ligne de crête, par les mots prononcés,
                                devient ligne de bord : c’est dans cette justement « bande
                                passante » à la fois nécessairement séparatrice
                                  et étendue qu’on se trouve aujourd’hui pour penser les notions de
                                    « frontières ».
                                    
                                  
                              Mais frontière n’est pas non-lieu, et pour revenir
                                par un autre chemin à la neutralisation évoquée plus haut je ne suis pas
                                convaincue de la pertinence de l’idée présentée comme émergente,
                                consistant à « neutraliser » des mots, notamment pour parler de
                                « parents », de manière indifférenciée. Ce serait mal juger de la capacité qu’aurait l’inconscient (dès
                                  l’enfance) à affecter (même paradoxalement) des rôles à chacun,
                                jusques et y compris dans les couples apparemment les plus traditionnels, et la
                                clinique montre à quel point le sujet se fait l’auteur de formations
                                surprenantes, leur apparente dé-raison rendant justement compte d’une (autre) rationalité
                                  pour les psychanalystes qui voudraient y prêter attention.
                                    
                                  
                              
                                 
                              
                              « Hystoricisation »
                                sans discipline de la question du sexe ?
                                  
                                
                               
                                
                              
                              Je
                                ne suis pas davantage convaincue de la réduction de la « sexualité »
                                à son historicisation. Certes, on n’avait pas de théorie formalisée aux temps
                                antiques, ce qui a pu faire dire à certains que la « question de
                                l’homosexualité » n’existait pas. Mais
                                  cela n’induit pas nécessairement pour autant qu’une méta-doxa sur le sexuel
                                  n’existait alors pas. Si les représentations précèdent les théories ou les
                                rationalisations (une théorie n’est-elle pas liée à un imaginaire ?),
                                celles-ci ne s’en trouvent pas forcément exprimées ou traduites dans le
                                discours et les productions d’un temps. Il s’en faut. L’absence d’une doxa peut
                                également être l’indice d’une représentation
                                  sous-jacente voire insue, pas encore conscientisée. Pointer l’absence d’une
                                doxa peut être un honorable travail d’historien mais peut également être une
                                entreprise de récupération anachronique à l’envers.
                                  
                                
                              En
                                d’autres termes, dire que l’Antiquité n’avait pas de « politique » ou
                                de théorie sexuelle peut aussi bien nous rappeler que le bannissement de
                                l’homosexualité est venu après la christianisation, mais aussi que tout
                                simplement il n’y avait pas de discipline constituée pour se pencher sur la
                                question. Et cela éclaire peut-être d’un autre jour, sans l’atténuer en aucun
                                cas, comme je l’avais annoncé au début de ce travail, la position de ceux qui
                                étudient l’approche sémiologique du genre dans le discours de la Science et du
                                Social, les genderation, social and
                                  cultural studies…
                                
                              
                              Si,
                                à titre d’exemple, certains entendent mettre l’accent sur le fait que la
                                théorie de Sigmund Freud n’a pu n’émerger que dans la Vienne bourgeoise et
                                capitaliste (ce qui n’est pas une révélation), il n’empêche que Freud a
                                « capté » quelque chose de fondamental et d’intemporel, à savoir, en
                                creux de la théorie du refoulement, la corrélation
                                  dans le développement de l’enfant du sexuel et de possibilité de la pensée. Voire,
                                de leur indéfectible nouage, dès lors que l’enfant découvre qu’il y a deux sexes,
                                mais surtout qu’il découvre qu’il y a deux genres, c’est-à-dire un autre que le
                                sien : un « pascomme » qui ferait qu’il n’est
                                « pastout » - ou bien plus dramatiquement un « pascomme »
                                qui viendrait de ce qu’il a dû dans un renoncement peut-être tragique, admettre
                                et entériner qu’il sera pour toujours « pastout ».
                                
                              
                               
                                
                              
                              Effets
                                induits d’une dialectique hypermoderne. Ternaire, trait-d’union, spectralité,
                                etc.
                                
                              
                              
                                 
                              
                              Est
                                d’autant plus importante la capacité d’opérer la coupure, que le sujet évolue
                                dans l’écheveau des ambivalences, en cette tension où se manifeste
                                aléatoirement l’autre en soi, avec ces effets curieusement
                                « spéculaires » qui font que nos « images » font l’objet de
                                bougés et d’anamorphoses, dans ce qu’il est convenu d’appeler la modernité. Et
                                ce dans toutes ses modalités, qu’il s’agisse de ses composantes
                                hyper-technologiques, de ses drames migratoires et des multiples formes de ses
                                exils.
                                
                              
                              La
                                dialectique entraîne les figures de la contradiction et du dialogue, qu’on
                                l’envisage en logique, psychanalyse, topologie, économie, politique…et autres
                                registres, domaines ou disciplines de nos activités et productions. Elles
                                s’effectueront diversement : négation, opposition, division, superposition,
                                glissement, paradoxe, nouage, disjonction, conjonction, ambiguïté, dualité,
                                chimères, ambivalence, retournements, etc. Chacune de ces modalités a été ici
                                ou là étudiée pour elle-même, leur élaboration évolue souvent vers une
                                résolution dans l’option ternaire, notamment par l’invite d’un élément
                                triangulateur, comme un apport salutaire de tiers en tant que législateur ou
                                arbitre. Mais pas toujours. Cela nous amène à poursuivre le travail sur les
                                figures de la dualité.
                                
                              
                              Avant
                                de conclure, je voudrais souligner que ces figures duelles retiennent
                                particulièrement mon attention lorsqu’elles s’écrivent par une expression
                                portant en son centre un
                                « trait-d’union » Ce signe typographique « dia-bolique »
                                tant il distingue en réunissant, indique justement l’union-désunion. Quelques
                                expressions peuvent illustrer ce propos : judéo-chrétien, freudo-lacanien,
                                marxiste-léniniste… Autant de formulations doubles qui expriment à la fois le lien
                                  « historique » ou « logique » indissoluble et une
                                  contrariété irréductible ! La question se dramatise face à deux termes reliés par un trait d’union, lorsqu’ils désignent des éléments issus d’un même
                                    point de départ, qui ont divergé au point d’en devenir contraires ou ennemis. À
                                    partir d’une même source, les deux termes présentent irrévocablement des
                                    éléments communs et des distinctions radicales. Il s’agit ici d’une forme
                                    particulière et spécifique du travail de négation dont les implications restent
                                    peut-être à explorer.
                                    
                                  
                              Solubilité ou insolubilité de la dualité ?
                                Qu’on songe, aussi, à la possibilité de polarisation. Donc l’idée de deux
                                pôles, avec entre les deux un spectre de positions (les fameuses « nuances
                                de gris » du langage populaire entre le blanc et le noir). Et ceci
                                constitue une étendue spectrale entre les pôles. Ce qui dans une construction
                                dialectique, pourrait fonder un ternaire
                                  comme un tiers intersticiel ou introjecté. Un arbitre ou une loi
                                au-dedans…N’est-ce pas une certaine façon de voir et de vivre l’expérience
                                marrane ? Et cependant, pour pouvoir se donner la spectralité comme une ligne
                                de fuite parmi d’autres, encore nous a-t-il fallu en passer par la sexion et la
                                perspective du sexe et du genre, comme un autre des fondamentaux de la pensée
                                pour ne pas verser dans la confusion. Tant la nuance, la diversité,
                                l’indistinct ou le flou, se déploient mieux dans leur richesse quand ils nous
                                ont au préalable fait faire un tour du côté de la distinction. P. P.
                                  
                                
                              
                                 
                              
                              [1] 	  
                                www.temps-marranes.info, n°5
                                
                              
                              [2]  	Sont-elles
                                nombreuses, les langues où n’existe pas le couple masculin-féminin ?
                                
                              
                              [3]  	découverte généralement ultérieure et chronologiquement aléatoire selon
                                les enfants.
                                
                              
                              [4]  	ou : secte.
                                
                              
                              [5]   Encore une
                                fois, comme le lien, mais dans ce présent travail j’ai placé l’accent sur la
                                distinction.
                                
                              
                              [6]   À l’heure de
                                la mondialisation, j’invite les spécialistes des pensées non occidentales à
                                nous communiquer comment cela s’énonce dans leurs creusets de pensée
                                respectifs.
                                
                              
                              [7]   Ce mot
                                hébreu signifie aussi œil et source (cf un « regard » au sens
                                architectural).
                                
                              
                              [8]   C’est moi qui
                                souligne. C’est par la parole que la création (de la lumière et du reste) est
                                rendue effective.
                                
                              
                              [9]   L’essaim est
                                un ensemble d’individus qui se groupent pour se séparer, s’assemblent pour se
                                séparer et aller fonder ailleurs une nouvelle colonie. 
                                
                              
                              [10]	Cf. les
                                travaux de Michel Bakhtine.
                                
                              
                              [11]  N’est-ce pas dans cette période d’ailleurs que l’enfant commence à se mettre en mesure
                                de découvrir les distinctions ou « sexuations » les plus
                                élémentaires : dedans dehors, oui non, là pas là, silence bruit, froid
                                chaud, précisions que nous pourrons demander aux spécialistes de corroborer).