Micheline Weinstein • Du transfert négatif à la psychanalyse 
                        
                          ø 
                          Il est plus facile 
                            d’élever un temple que d’y faire descendre l’objet 
                            du culte 
                         
                        
                          Samuel Beckett • L’innommable 
                          Cité 
                            en exergue au  « Jargon der Eigentlichkeit » 
                            par T. W. Adorno • 1964  
                          It 
                            is easier to raise a temple than to bring down there 
                            the worship object 
                          Samuel 
                            Beckett • « The 
                              Unspeakable one » 
                          Underlined in « Jargon of the authenticity » by T. W. Adorno • 1964  
                         
                        
ø 
Personne n’a le droit de rester silencieux s’il sait que quelque chose de mal se fait quelque part. Ni le sexe ou l’âge, ni la religion ou le parti politique ne peuvent être une excuse. Nobody 
                        has the right to remain quiet if he knows that something 
                        of evil is made somewhere. Neither the sex or the age, 
                        nor the religion or the political party can be an excuse. 
                          
Bertha 
                          Pappenheim 
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                              ψ  = psi grec, résumé 
                                de Ps ychanalyse 
                                et i déologie. 
                                Le NON                                de ψ [Psi]  LE TEMPS 
                                DU NON s’adresse à l’idéologie 
                                qui, quand elle prend sa source dans l’ignorance 
                                délibérée,  
                                est l’antonyme de la réflexion, de la raison, 
                                de l’intelligence. 
ø
  
  © Micheline Weinstein /    Novembre 2006
           
   
  
     
      
    
    Du transfert négatif à la psychanalyse 
   Il y a le fait que [...] la logique de l’engagement ne supporte aucune entorse à la vérité. Henri Roth  
      
 
  Le  transfert négatif “à la” psychanalyse, et non pas “en” psychanalyse,  est un thème récurrent, une donnée latente, rampante. Il se manifeste  aussi bien dans la pratique analytique courante, au plan individuel, que  de la part des institutions publiques ou privées sous toutes leurs  formes, au plan collectif.  
    On peut en trouver un exemple infra dans ma lettre à Jean Pierre Faye. Mais pour en poursuivre la chronique, quelques souvenirs... 
    En novembre 2005, lors de la soirée de lancement du second tome de la correspondance de Françoise Dolto au Musée de la Poste,  j’étais accompagnée d’une amie, analyste de l’Institut, la SPP depuis,  qui m’avait adressée à F. D. après la guerre. À l’époque, du temps donc  de Leibovici, J. était une jeune analyste “stagiaire” en contrôle chez  F. D. À peine sortie elle-même de l’âge du scoutisme alsacien, elle  avait, pendant les hostilités, passé quelque temps à s’occuper d’enfants  juifs dans un camp d’internement du sud de la France, où tout ce petit  monde avait été parqué avant déportation possible. 
    Je pensais que sa  présence bien vivante, lors de cette magnifique rétrospective Dolto,  intéresserait des psychanalystes et des historiens de la psychanalyse.  Il ne doit plus rester grand monde parmi les témoins de ce temps-là de  la reconstruction de la psychanalyse en France, qui fut en contrôle chez  Dolto après-guerre...  
    Jusqu’à ce soir là de novembre 2005, j’étais  vraiment restée très loin des combats, avec mon idée de transmission de  la psychanalyse et de son histoire, par des témoins vivants sur presque  trois générations. J’étais, c’était pratiquement hier, complètement à  côté du monde de l’empoigne, de l’édition, ce monde très puissant, lié à   l’histoire et à la pratique analytiques. 
    Ce soir donc  d’inauguration de la rétrospective Dolto, cela va sans dire, mon idée  n’a intéressé personne, on n’était pas là pour ça. C’était juste une  soirée éditoriale parisienne destinée à faire vendre un nouveau produit,  un peu plus classe tout de même que le prix du café de Flore, bien  qu’aussi snob. 
    Ce “Prix du Flore” où l’on s’interroge sur ce que  transmettent des analystes à leurs analysant/e/s phares, lesquels  écrivent des best-sellers rendant compte dans le détail de leurs  pratiques sexuelles, sinon de leur “partouzes”. Et quand ces analystes  sont juifs, c’est encore pire, qui contribuent ainsi à dérouler et  déployer un tapis rouge aux pieds de l’antisémitisme de toujours, actif,  physique et verbal. Dans l’histoire du monde intellectuel, on finit par  comprendre la fascination de Hannah Arendt pour Heidegger, lequel l’a  généreusement utilisée, d’abord physiquement alors qu’elle était jeune,  fraîche et surdouée, puis, tout au long du temps, jusque dans la  postérité, utilisée intellectuellement, pendant qu’il abaissait la  pensée à n’importe quel prix, pour être reconnu seul philosophe du  national-socialisme, au moins pour mille ans. Malheureusement pour lui,  l’état-major intellectuel d’Hitler savait que la pensée heideggerienne  n’était plus pure, depuis qu’il l’avait altérée en séduisant une élève  juive. Mais par la suite, cela lui a bien profité en ce que Heidegger  put laisser, sans même intervenir, ses admirateurs l’ériger en victime.  
    J’étais  invitée à cette soirée Françoise Dolto, tout simplement en tant  qu’analyste faisant partie, dans ce livre de correspondance, des  passants et amis avec lesquels Françoise Dolto avait régulièrement  correspondu. Sa lettre, en réponse à la mienne de 1983, portait sur des  questions précises de travail analytique (cf. le n° 63 de Florilettres, revue de la Fondation La Poste et infra sur le site, reproduction  manuscrite de F. D. et autres textes). 
    Depuis  ce temps là la, à la fois, rédactrice en chef, directrice de  publication, administratrice du site, potentate éditoriale de La Fondation,  ne cesse de créer des ennuis à notre association et à son site  Internet. Il semblerait, au vu de tous ces intitulés, avec ce qu’ils  concentrent de pouvoirs éditoriaux, qu’elle est investie d’un Moi volumineux tel un ballon dirigeable. Pour simplifier, je l’appellerai donc Moi.  À un tel point que notre association doit maintenant, par précaution,  remettre tous ses documents, sous toutes leurs formes, en plus du  copyright, à son avocat, et ceci dans le seul but de garantir  l’originalité, le contenu, le graphisme même, de ses publications et  titres pourtant déjà déposés. Et ne faire circuler ce qui participe des  projets et du carnet d’adresses de l’association, qu’en interne, par  voie postale, ce qui nous oblige à contrer point par point son but, son  espérance, inscrits dans les statuts et reporté sur la page d’accueil du  site.  
    Ah, ce “Moi” que Freud appelait “Auguste”, l’Auguste du cirque ! 
    Pour les motifs indiqués ci-dessus et, notamment un “emprunt” par Moi de titre déposé, j’avais prié Moi de ne plus se mêler de psychanalyse. De quel droit ? Et bien, lorsque  Catherine, dont j’avais communiqué les coordonnées à Moi, pour une  interview dans Florilettres, m’avait demandé ce qui faisait que je croisais par La Poste,  je lui avait brièvement répondu qu’il s’agissait d’une affaire délicate  à résoudre, ressortissant au secret professionnel, ce qu’elle avait  parfaitement entendu. On se rappelle que l’oncle de Catherine, le frère  de Françoise Dolto, avait été Ministre des Postes et Télécommunications.  Une jolie petite place, qui ouvre sur le Parc Georges Brassens, porte  son nom. J’avais aussi demandé à ceux des analystes responsables  d’édition, ou professionnels de la publication, de bien vouloir se  montrer absolument discrets en ce domaine de l’analyse personnelle, de  sorte de me permettre de porter, tranquille, ce travail en cours à son  terme. C’est comme si je leur avais joué de la flûte dont, du Banquet de Platon, la joueuse est chassée, puisque l’on se réunit entre philosophes, joyaux de la pensée. 
    Bref,  la psychanalyse devant essayer de ne pas perdre de vue le transfert  négatif dont elle fait l’objet, je dirais que la psychanalyse  n’intéresse pas plus Moi que la sortie de sa première dent, et qu’elle  n’a jamais lu une ligne de Freud. Elle appartient à cette génération qui  picore tout et n’importe quoi sur Internet, avec une certaine  dextérité, le sens de l’esthétique, l’addiction à l’image. Or, la  psychanalyse, c’est le goût du travail honnête, de la recherche toujours  inachevée, elle est exigeante, particulièrement dans le domaine du  courage obligé pour faire face aux démons intérieurs de la névrose. Elle  n’est donc pas forcément rentable financièrement. D’où le transfert  négatif qu’elle suscite assez largement depuis plus d’un siècle. À ce  propos, de non rentabilité de Freud, j’ai entendu récemment, dans une  assemblée d’analystes, une analyste déclarer que l’on ne parlait plus de  névrose aujourd’hui, ce n’est plus “up to date”.  
    Revenons à Moi,  qui fait un usage de la psychanalyse assez répandu d’ailleurs dans les  milieux qu’elle fréquente, un usage grossier, “people”, vulgaire,  inculte. Un usage qui consiste à épandre des ragots bien snobs sur la  personne de Freud, des siens et de leur entour. De mon côté, mais je le  sais, je ne suis pas “in”, je trouve que ces postures manifestent un  manque intrinsèque de respect envers un homme dont l’honnêteté et la  probité intellectuelles, la qualité et l’importance de sa découverte,  l’éthique, sont ce que chez les Juifs on nomme celles d’un “Mensch”. Il  n’est pas utile ici de rappeler à quel point Freud avait la publicité et  les médias, la scène publique, en horreur, qui sont tout à fait  normalement incompatibles avec l’essence même de l’analyse et de sa  transmission. 
    J’en finirais là avec les méthodes vomitoires de ce Moi en  forme de volumineux ballon dirigeable, si elle ne se préparait pas à  “consacrer” un numéro spécial de la revue, dont elle détient tous les  pouvoirs, de La Fondation, à la sortie de la traduction de la correspondance Freud / Flieb en français. Les membres et auteurs de notre association sont très curieux de savoir à quel/le analyste spécialiste de Freud, Moi s’adressera  pour réaliser son interview bi-mensuel, histoire, c’est la loi du  marché, de faire vendre Freud à l’encan, à la mode américaine que l’on  décrie en France à la mesure de ce qu’on la jalouse et qu’on l’imite  avec un bon demi siècle de retard. En effet, pour ce qui est du contenu  cette correspondance à peu près complète Freud / Flieb,  vu la place capitale qu’elle occupe dans l’histoire de la théorie et de  la pratique analytiques, il est bien évident que des analystes n’ont  pas attendu plus de 20 ans qu’il soit traduit en français, pour s’y  référer à partir de l’édition allemande ou/et anglaise et en travailler  le texte, décrivant l’évolution de la théorie, les embûches de la  pratique naissante, la genèse des concepts... La psychanalyse est un  métier où nous ne pouvons faire l’impasse sur une connaissance de  l’allemand, la langue de Freud, et, ou à défaut, de l’anglais. 
    N’ayant plus l’intention de m’attarder sur cet épisode, je me suis désabonnée de la revue de La Fondation La Poste et ai supprimé les coordonnées de Moi du répertoire d’adresses, privées et publiques. Un an, c’est beaucoup. 
    Pour  l’analyse, voir ce qui ressortit au secret, exhibé par des personnes  dont le seul but est de se mettre, au nom de la psychanalyse,  personnellement en valeur, ce qui est assez niais tout de même, ne tient  pas bien longtemps la route dans les archives des agissements humains.  Du côté de l’analyste, la question du secret est très simple, sa limite  est résumée dans l’exergue de ce petit récit, par Bertha Pappenheim, à  qui Freud était aussi reconnaissant qu’à Breuer pour lui avoir ouvert la  voie royale de l’inconscient. 
      Le  secret professionnel, pour l’analyste, ne porte que sur la vie sexuelle  de chaque être humain, qui s’organise autour de l’interdit de  l’inceste. Quand il s’agit d’éthique,“Personne n’a le droit de rester silencieux... ” 
        Au  sujet de ces notions, un autre souvenir, plus ancien. Un soir, dans son  séminaire régulier, l’Analyste de l’École qui introduisait aux  “mathèmes”, décoda pour ses auditeurs, avant de la commenter une des  formules algébriques de Lacan en ces termes : “Il y en a un qui dit non à la psychanalyse.” Or, le texte voulu par Lacan était : “Il y en a un qui dit non à ce qui n’est pas la psychanalyse.” Quel lapsus formidable ! Quel camouflet pour le Grand Autre ! On peut  alors penser que c’est ce style de lapsus, autrement dit la vérité  sortant toute seule, qui fit que Lacan humilia cette même analyste,  africaine de surcroît, en public, au mépris de l’effet que cela  produirait sur le transfert de ses analysants passés et en cours,  lorsqu’elle présenta devant un vaste hémicycle son essai d’un “mathème  de la perversion”, assez intéressant pour qui considérerait que la  perversion a infiltré la psychanalyse. 
        De l’éthique, passons pour  terminer à son antonyme, à l’idéologie. La fixation du sens marxiste de  ce concept est contemporaine du temps de Freud, lequel utilise plus  généralement le concept de religion, jusqu’à ce qu’il définisse lui-même  la Weltanschauung en 1933. À la lumière de ce que nous avons  appris depuis, le texte freudien, quand il intéresse les pulsions et  la  psyché des masses humaines, gagne souvent en clarté si l’on substitue  au terme de religion celui d’idéologie. 
        Qu’est-ce l’idéologie pour la pensée, en allemand, de Freud ? 
        Pour la philosophie, les arts et lettres, les sciences humaines... Weltanschauung se traduit le plus souvent en français, soit par conception du monde, soit par vision du monde. 
        Pour le marxisme, le concept de Weltanschauung est traduit par idéologie. 
        Pour Freud, “Weltanschauung est, je le crains, un concept spécifiquement allemand, dont la  traduction en langues étrangères semble faire difficulté. Si je tente  d’en avancer une définition, elle [vous] semblera certainement malhabile. Voici donc mon point de vue : je pense qu’une Weltanschauung est une construction intellectuelle qui résout tous les problèmes de  notre existence [Dasein] de façon à les rendre cohérents, à partir d’une  hypothèse parfaitement conçue et organisée, selon laquelle aucune  question ne saurait rester ouverte, pourvu que l’on assigne une place  déterminée à ce qui intéresse chacun.” 
        Peut-être est-ce  cette réflexion qui amenait Freud à écrire que, pour ce qui concerne la  politique, l’appréciation par l’analyste est que “La psychanalyse doit être de couleur chair.” 
        Réflexion,  sens de la pensée, bien utiles en ce moment de préparation, dans la  turbulence, des élections présidentielles françaises. Dans le fond,  n’est-ce pas un devoir de voter utile dès le premier tour, chacun/e “en  son âme et conscience” ? Les guerres pour l’hégémonie d’une personne au  prétexte qu’elle incarne une idéologie, les guerres tout court, issues  des jalousies infantiles non analysées, lavent depuis l’aube de  l’humanité parlante le cerveau des “peuples”. Un peuple s’identifie à  l’un, à l’autre, homme ou femme, à un détenteur de pouvoir, se masse  pour l’idéaliser, comme quand, enfant, il avait  besoin, pour ordonner  son psychisme, de construire à partir de son entour immédiat, le cadre  où inscrire une image de soi-même. Bien sûr “le peuple” est instrumenté,  en ceci que les pulsions sadiques et masochistes sont tenues en  perpétuelle excitation par les détenteurs de pouvoir, si bien qu’il ne  cesse de se faire la guerre familiale, civile, mondiale, de s’entretuer.  “Le peuple” est en permanence entretenu par les pouvoirs dans un  désarroi qui profite à l’instauration de dictatures.  
        Avant les  élections, écoutons, lisons les discours, les programmes, leur sens,  leur contenu, très attentivement, se gardant de se laisser hypnotiser  par les images et les slogans. Après, selon la personnalité élue, “le  peuple”  la prendra au mot, jugera sur pièces, et s’il n’est pas content  il fera en sorte de changer de gouvernement. Faute de quoi, les  chamailleries infantiles laisseront toute leur place aux guerres des  gangs, où l’on ne se gêne pas pour s’associer à une famille adverse afin  de faire tomber un concurrent de sa propre famille (à droite, à gauche  etc.) comme cela s’est produit en 1981, puis en 2002. 
  M. W.  
   
   
 
 
    
     
    
     
    
     
    
     
    
     
    
     
    
     
    
     
    
     
    
     
    
     
    
     
    
     
    
     
    
     
  
    
     
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                              ψ 
                               [Psi]  LE 
                              TEMPS DU NON  
                              cela ne va pas sans dire 
                              © 1989 / 2016 | 
     
 
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