Psychanalyse et idéologie

Amendements

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Il est plus facile d’élever un temple que d’y faire descendre l’objet du culte

Samuel Beckett • L’innommable

Cité en exergue au « Jargon der Eigentlichkeit » par T. W. Adorno • 1964

It is easier to raise a temple than to bring down there the worship object

Samuel Beckett  « The Unspeakable one »

Underlined in « Jargon of the authenticity » by T. W. Adorno • 1964

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Personne n’a le droit de rester silencieux s’il sait que quelque chose de mal se fait quelque part. Ni le sexe ou l’âge, ni la religion ou le parti politique ne peuvent être une excuse.

Nobody has the right to remain quiet if he knows that something of evil is made somewhere. Neither the sex or the age, nor the religion or the political party can be an excuse.

Bertha Pappenheim

Il faut une infinie patience pour attendre toujours ce qui n'arrive jamais

Infinite patience is required to those always waiting for what never happens

Pierre Dac

point

ψ  = psi grec, résumé de Ps ychanalyse et i déologie. Le NON de ψ [Psi] LE TEMPS DU NON s’adresse à l’idéologie qui, quand elle prend sa source dans l’ignorance délibérée, est l’antonyme de la réflexion, de la raison, de l’intelligence.

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Suite Journal ininterrompu par intermittence 2022

 

Ich will Zeugnis ablegen bis zum letzten

[Je veux témoigner jusqu’au dernier jour]

Victor Klemperer • Journal 1933-1947

 

16-18 juillet 2022

Amendements

 

« J’écrirai mes mémoires après ma mort »  John Huston, cinéaste

In Michel Ciment • Passeport pour Hollywood

[Relevé par Éric Neuhoff, in Le Figaro des 28-29 mai 2022 • Son commentaire : « On attend le manuscrit. »]

 

En septembre 2021, paraissait dans le n° 219 du Magazine du FSJU un portrait de ma modique personne, intitulé « Une femme d’exception ». Peu intéressée par icelle, occupée ailleurs, j’avais laissé passer la mention de quelques propos de confiance qui relèvent de ma sphère privée - mon âge, ma position non-maritale, que de tout temps je refuse d’exhiber, sauf si j’estime qu’elle est susceptible, dans certaines occurrences bien particulières, d’intéresser des observations d’ordre polyvalent.

Freud nous a soufflé la coprésence dans la kyrielle de mots et expressions de sens opposé [« gâté, sacré, remercier, jurer, écran, jalousie, charité… … … »].

Ainsi, ce portrait me paraissait trop élogieux pour être sincère, tout à fait exempt d’animosité palimpseste. J’aurais souhaité être démentie.

J’avais pourtant tiqué, puis, comme à mon habitude, laissé courir sans moufter.

Voici donc mes amendements à ce texte.

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Portrait de Micheline Weinstein

 

Micheline Weinstein est psychanalyste, un métier qu’elle incarne avec passion. « La seule chose qui m’intéressait dans la vie », dit-elle. Elle a décidé de faire du FSJU son légataire testamentaire. Un geste sublime à la hauteur d’une l’intellectuelle absolue. 

« Quand je parle de cet haïssable « Moi », c’est uniquement que cela me semble susceptible de servir à l’autre, comme un trait universel », précise-t-elle. Car ne comptez pas sur Micheline Weinstein pour se présenter au monde en posture de victime, ni pour un exercice de flagornerie publique et médiatique. Pourquoi ? « Parce que ce n’est pas juif » répond-elle, et que cela pourrait aller à l’encontre de son éthique professionnelle et de sa conception de la psychanalyse, soit à l’encontre de toute une vie.

En revanche, elle gère méticuleusement le site internet de l’association qu’elle a créée en 1986 [1], sur lequel on peut y parcourir une partie de ses pointus travaux et réflexions.

Pétrie des enseignements de Françoise Dolto, la psychanalyse, « elle née dedans » résume-t-elle et surtout, « cela été pour moi la découverte que l’on pouvait faire avancer la civilisation, la vraie civilisation. ».  

Née le 15 novembre 1941 à l’Hôpital Rothschild de Paris, seul établissement accessible aux futures mère juives, elle est sauvée de la rafle du Vel’ d’Hiv’ grâce à un couple, Jeanne et Paulo, de condition modeste, non-juif, indépendant de tout réseau de résistance organisée « mais probablement proche du Parti communiste, chez lequel j’étais cachée et où la police française est venue me chercher sur dénonciation de la concierge » [2].

Sa « nounou »,  affirme alors que l’enfant du lieu est le sien, fait partir la police et l’emporte ailleurs illico sous une couverture. « La Dame polonaise d’en face, dans la cour, n’a pas eu cette chance. Elle et son bébé ont été emporté manu militari ». À propos de ses sauveurs, elle regrette : « Je n’ai jamais pu les faire reconnaitre comme Justes. Tout simplement parce que je n’avais aucune référence familiale. Pupille de la Nation, elle obtient une carte d’identité à 14 ans. De sa famille paternelle, elle a retrouvé quelques traces. De sa mère, aucune. Mais lorsque que Micheline choisit d’écrire sous pseudo depuis l’affaire de l’homonyme détraqué d’Hollywood, c’est le prénom maternel qu’elle utilise, accolé au nom de famille de sa grand-mère maternelle, anglicisé. Tania Bloom. De refuge en refuge, après un long périple, elle est accueillie à Taverny avec les enfants de Buchenwald, puis à l’OSE, à Draveil, où elle croise le chemin de Jacqueline Lévy-Geneste qui la confie à Françoise Dolto. Elle a 7 ans, « Je savais pas qui j’étais, ni d’où je venais. Ni ce qu'était un être humain, sinon une représentation étrange dont des paroles sortent de la bouche, pensais-je alors plus tard. Fançoise Dolto deviendra une grande amie, comme en témoignent des préfaces de ses livres [3] et un texte original et fondamental de 1983, dédié à Micheline, au sujet du « Stade du miroir » de Lacan [4] . 40 ans plus tard, au matin de son décès, elle est avec elle. « C’est étrange, dit-elle, je n’ai pas la notion du temps, je peux dire  “l’autre jour” pour évoquer un événement d’il y a 30 ans. Mais vous savez bien que les psychanalystes travaillent au présent, séance après séance ». Ceux qu’elle aimait, estimait, admirait sont tous partis, « il n’y a plus personneEt il arrive un âge de la vie où l’on ne peut plus « réinvestir ». Critique impitoyable sur les travers de Lacan, notamment de ses amitiés avec Jung et Heidegger, en passant par la déconstruction du « stade-miroir », on parcourt avec elle les rencontres choisies de son existence, comme Claude Lanzmann ou Marceline Loridan-Ivens, milles anecdotes - souvent drôles, (après tout : le but d’une analyse, n’est-il pas « d’acquérir le sens de l’humour, la bonne distance » ?) -, un amoureux magnifique emporté tragiquement : celles d'une une vie d’authentique intellectuelle sincère et passionnante. « Si, après des errances d’institution en institution, j’ai choisi le FSJU comme légataire universel, c’est parce que qu’il fédère toutes les associations juives majeures, quelles que soient les idéologies collectives et privées » explique-t-elle, et de poursuivre : « Freud ne disait-il pas que l’idéologie pour la psychanalyse est “de couleur chair” ? Cela pourrait définir la mienne. » 

« En résumé, mon legs, si modeste soit-il, a pour but de contribuer à l'urgence impérative de garantir l’existence d’Israël. Je souhaiterais qu’il s’adresse en particulier aux Israéliens frappés par le seuil de pauvreté endémique (bébés, enfants et leurs mères, anciens déportés, plus généralement qui, de tous âges, est touché par l’indigence) » avait précisé au préalable Micheline Weinstein. Son itinéraire, les éléments de sa biographie ne nous sont d’ailleurs livrés que si et seulement si, « parmi eux, certains sont susceptibles d’apporter un éclairage sur la psyché des héritiers directs de la Shoah, plus précisément des orphelins absolus qu’elle a générés et à leur suite, de leurs descendants. » 

 

[À suivre, « Fin de partie • Lettre à un futur ex-médecin traitant »]



 

[2] En vérité, la police française cherchait mon père, alors interné une première fois à Drancy dont il s’échappa grâce à la main-forte extérieure de camarades du front. Il le sera une seconde fois, lorsque blessé dans les Ardennes, rentré à Paris, n’ayant pas respecté le couvre-feu, non en tant qu’engagé dans les régiments étrangers de l’armée française, mais comme Juif, le 10 avril 1944, assassiné à Birkenau.

 

[3] http://www.psychanalyse.et.ideologie.fr/media_2019/Preface_Françoise_Dolto_Histoire_Louise.mp3

 

[4] http://www.psychanalyse.et.ideologie.fr/livres/dolto.html

 

 

ψ  [Psi] • LE TEMPS DU NON
cela ne va pas sans dire
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