Psychanalyse et idéologie

Psi . le temps du non

Micheline  Weinstein

2 OPA

Freud

Précisions • Applications • Orientations

Journal de bord • Mars / Avril / Mai 2010

ø

Il est plus facile d’élever un temple que d’y faire descendre l’objet du culte

Samuel Beckett • « L’Innommable »

Cité en exergue au « Jargon der Eigentlichkeit » par T. W. Adorno • 1964

It is easier to raise a temple than to bring down the worshipped object.

Samuel Beckett • « The Unspeakable one »

Underlined in « Jargon of the Authenticity » by T. W. Adorno • 1964

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Personne n’a le droit de rester silencieux s’il sait que quelque chose de mal se fait quelque part. Ni le sexe ou l’âge, ni la religion ou le parti politique ne peuvent être une excuse.

Nobody has the right to remain silent if he knows that something evil is being made somewhere. Neither sex or age, nor religion or political party is an excuse.

Bertha Pappenheim

point
ψ = psi grec, résumé de Ps ychanalyse et i déologie. Le NON deψ [Psi] • LE TEMPS DU NON s’adresse à l’idéologie qui, quand elle prend sa source dans l’ignorance délibérée, est l’antonyme de la réflexion, de la raison, de l’intelligence.

ø

© Micheline Weinstein

2 OPA

Journal de Bord • Mars / Avril / Mai 2010

Je m’autoriserai ici à mettre un terme à mes informations autobiographiques. Du reste, en ce qui concerne ma vie personnelle, mes luttes, mes déceptions et mes succès, le public n’a aucun droit d’en savoir davantage.
Freud • 1935

C’est incroyable ce que l’on est capable de faire quand on n’a pas le choix.

Tony Curtis et Mark A. Veira
Certains l’aiment chaud ! et Marilyn, traduit par David Faquemberg, Le Serpent à plumes, 2010

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Deux OPA

Qu’est-ce qu’une OPA ?

L’OPA, ou Offre Publique d’Achat, est une proposition d’achat faite par une société aux titulaires d’actions d’une autre société afin d’acquérir le contrôle de cette dernière. En anglais “Takeover bid”, ou prise de pouvoir à l’encan.

Nous allons donc essayer d’explorer deux formes particulières d’OPA, l’une sur la psychanalyse, l’autre sur la déportation des Juifs, qui souvent se croisent.

Commençons par la psychanalyse, à partir d’un entretien Onfray-Jacques-Alain Miller paru dans Philosophie Magazine, n° 36, de février 2010, dont le chapeau s’intitule En finir avec Freud ?

En finir” ? Décidément « La solution finale... » n’est toujours pas résolue...

Nous ne résisterons pas à rappeler ce mot de Mark Twain, que Freud et Anna aimaient à citer, à l’annonce réitérée de la mort de la psychanalyse,

La nouvelle de ma mort est fort exagérée...

Sur l’aspect plus précisément de l’imminente publication d’une besogne que s’est imposée Onfray, présentement fétiche passager ou amusette des médias - un clou chasse l’autre... -, consistant - un de plus - à démolir Freud, il n’est peut-être pas inopportun d’interroger la responsabilité intellectuelle d’un monde de l’édition peu regardant sur la qualité de ses publications. Ah ! L’argent !

 Sur Onfray, qui me sert ici uniquement de prétexte, je ne m’attarderai pas, il n’a, à ma connaissance, à aucun moment exprimé une demande d’analyse personnelle, d’où la question de sa légitimité à parler, parfois même à brailler, contre la psychanalyse. Si bien que son ouvrage, comme tant d’autres, est édifié sur un ramassis de “on-dit-on écrit” recueillis dans les poubelles de la littérature à ce sujet. Certes, comme nous l’observons dans certains symptômes bien connus, tous les arguments de l’auteur ne sont pas faux. Disons que ce fatras de quérulence correspond à ce que l’on désigne, en philosophie, par “sophisme”, c’est-à-dire qu’il est assis sur, je cite, la “manipulation d’un raisonnement vicié à la base reposant sur un argument séduisant mais faux, destiné à induire l’interlocuteur en erreur [...] de telle sorte que la persuasion soit obtenue par effet charismatique de celui qui sait manier la parole et non par la mise en évidence de la vérité” (GUL).

Bref, autrement dit, démarche intellectuelle que nous pourrions appeler, doublement ici, malhonnête, déloyale.

Je ne m’attarderai donc ni sur le personnage de l’auteur ni sur sa production, Élisabeth Roudinesco a pris soin d’en écrire et d’en commenter l’essentiel que l’on peut, que l’on doit, lire à l’adresse suivante,

http://psychanalyseactuelle.free.fr/

Rappelons tout de même que, pour parler psychanalyse, il est conseillé de s’être tout d’abord, dans tous les cas, obligé/e, en toute confiance, à une analyse personnelle. Et non “prêté”, car ça n’engage pas.

Dans cette perspective, les médias, salons, cafés littéraires, sauteries de toutes extraces pourront consulter à l’adresse ci-dessous le texte de Freud dont je reproduis ici un extrait,

http://www.psychanalyse.et.ideologie.fr/livres/freudlumieres.html

Freud
Précisions, applications, orientations*

XXXIVe Conférence sur la psychanalyse / 1932

Mesdames, Messieurs ! Puis-je exceptionnellement, pour adoucir le ton un peu aride de ces conférences, vous parler de choses qui ont très peu de portée théorique, mais qui cependant vous concernent de près, pour autant que vous soyez favorablement disposés envers la psychanalyse ? Supposons, par exemple, qu’à vos heures de loisir, vous attrapiez un roman allemand, anglais ou américain, dans lequel vous vous attendez à trouver une description de l’être humain de même qu’un état des conditions de vie propres à notre temps. À peine quelques pages, et vous tombez comme par hasard sur une première critique de la psychanalyse, suivies d’une kyrielle d’autres, alors que le contexte ne semble pas les rendre indispensables. N’allez pas imaginer qu’il s’agit-là d’applications de la psychologie des profondeurs destinées à mieux comprendre les personnages du texte, ou leurs actes - soit dit en passant, quantité d’ouvrages autrement plus sérieux s’y emploient incontestablement. Non, ce sont pour la plupart des réflexions destinées à tourner la psychanalyse en dérision, par lesquelles l’auteur du roman se propose d’étaler l’étendue de ses lectures autant que sa supériorité intellectuelle. Dès lors, vous avez rarement l’impression qu’il sait réellement de quoi il parle.
Ou encore, pour vous détendre, vous allez passer une agréable soirée en société, pas nécessairement dans Vienne. En un tournemain, la psychanalyse surgit de la conversation, vous entendez alors les gens les plus dissemblables proférer leur jugement avec, le plus souvent, un aplomb imperturbable. Ce jugement est très régulièrement des plus péjoratif, méprisant, injurieux, et pour le moins, toujours caricatural. Si vous êtes assez imprudents pour laisser filtrer que vous savez un petit quelque chose sur ce sujet, d’un commun accord tout le monde vous tombe dessus, réclame renseignements et explications, et vous donne très vite la ferme certitude que tous ces jugements édictés à l’emporte-pièce n’ont été étayés d’aucune information préalable, que pratiquement aucun de ces contradicteurs n’a une seule fois pris en main un livre de psychanalyse ou, s’il l’a fait, qu’il n’a pas surmonté la toute première résistance, suscitée par sa rencontre avec ce nouveau matériau.
Peut-être attendez-vous d’une introduction à la psychanalyse qu’elle vous fournisse aussi des pistes quant aux arguments à utiliser pour rectifier les erreurs manifestes portant sur l’analyse, ainsi qu’aux livres à recommander pour acquérir une information plus juste ; ou même, quels exemples, émanant de vos lectures ou de votre expérience, faire valoir dans une discussion susceptible de modifier la place que la société lui confère. De grâce, ne faites rien de tout cela. Ce serait inutile ; le mieux pour vous serait de taire votre savoir en la matière. Mais au cas où cela ne s’avèrerait plus possible, limitez-vous alors à dire autant que vous y parveniez, que la psychanalyse est une branche particulière du savoir, très difficile à appréhender et à décomposer*. Dîtes qu’elle s’occupe de choses autrement sérieuses, que ce n’est pas à coups de galéjades dérisoires qu’on y aura accès, et enfin qu’en guise de divertissement social, il serait préférable de se trouver un autre hochet à agiter. Naturellement, gardez-vous de vous commettre avec tout exercice d’interprétation, pour peu que des gens malavisés vous exposent leurs rêves, et ne vous laissez pas aller à la tentation de faire de la propagande pour l’analyse, en rapportant des cas de guérison.
Vous pouvez néanmoins vous demander pourquoi ces gens, ceux-là mêmes qui écrivent des livres ou qui font conversation, se comportent avec autant d’inélégance, et vous serez porté à attribuer cela, non seulement aux gens, mais également à la psychanalyse. C’est d’ailleurs ce que je pense ; ce que vous avez perçu, dans la littérature et le social, comme étant un jugement hâtif et préfabriqué, n’est que l’écho d’un verdict plus ancien -, celui-là même que les représentants de la science officielle ont rendu devant la psychanalyse naissante. Je l’ai déjà déploré dans une description historique [1] et ne vais pas recommencer - peut-être cette fois-là était-elle déjà de trop -, mais franchement, il n’y a pas atteinte à toute logique, à la décence et au bon goût, que les adversaires de la psychanalyse, au nom de la science, ne se soient alors permis. Ce fut une conjoncture qui rappelait le Moyen-Âge, quand l’on assistait à la mise au pilori et aux brutalités infligées à un malfaiteur ou plus simplement à un adversaire politique, jetés en pâture à la plèbe. Il vous est sans doute difficile de vous représenter le degré de vulgarité que le peuple peut atteindre, les manquements que les humains s’autorisent dans cette société, quand ils se perçoivent comme partie intégrante d’une masse compacte, et de ce fait, dispensés de toute responsabilité individuelle. À l’aube de ces temps-là de la psychanalyse où j’étais passablement seul, je réalisai assez vite que toute forme de controverse n’aurait aucun avenir, pas plus que n’aurait de sens se lamenter et en appeler à des esprits meilleurs, puisqu’il n’existait alors aucune instance auprès de laquelle la plainte aurait pu être déposée. J’empruntai donc une autre voie ; je commençai à appliquer la psychanalyse à la lumière du comportement des masses, en tant que phénomène de cette même résistance à laquelle je devais me mesurer auprès de chacun des patients pris isolément ; je réfrénai toute controverse personnelle et engageai à procéder ainsi ceux qui, à mesure qu’ils me rejoignaient, voulurent bien me faire confiance. Le procédé était bon, l’anathème dont l’analyse avait fait l’objet jusqu’alors s’est dissipé depuis, mais de même qu’une croyance délaissée persévère sous forme de superstition, qu’une théorie abandonnée par la science se maintient, vivace, dans l’opinion publique populaire, de même ce bannissement initial de la psychanalyse par les milieux scientifiques se perpétue aujourd’hui, dans la dérision méprisante d’écriveurs de livres et d’échangeurs de conversations, incompétents en la matière. Cet état de fait n’aura donc plus lieu de vous surprendre.
Mais n’espérez surtout pas maintenant entendre cette bonne nouvelle, selon laquelle la lutte pour l’existence de la psychanalyse serait achevée, qu’elle aurait pris fin par une homologation de la psychanalyse en tant que science autorisée à figurer parmi les matières d’enseignement à l’Université. Il n’en est rien, la lutte se poursuit, simplement elle prend des formes plus policées. Nouvelle également dans le monde des sciences, l’apparition d’une sorte de zone tampon entre l’analyse et ses adversaires, composée de gens qui accordent une certaine crédibilité à quelque chose de l’analyse et le confessent pour autant que leurs clauses de style sur le sujet les divertissent ; par contre, ils en récusent d’autres aspects, ceux-là mêmes qu’ils ne peuvent avouer ouvertement et publiquement. Ce qui les détermine dans ce tri sélectif n’est pas facile à déceler. Cela semble relever d’affinités personnelles. Une personne sera heurtée par la sexualité, une autre par l’inconscient ; particulièrement impopulaire semblerait être le fait réel du symbolique. Que l’édifice de la psychanalyse, bien qu’imparfait, constitue néanmoins aujourd’hui un ensemble homogène, que l’on ne saurait, selon son bon plaisir, amputer de l’un de ses éléments, semble n’avoir aucune valeur pour ces éclectiques. À aucun moment, je n’ai eu l’impression qu’un seul parmi ces demi ou quart d’adeptes n’ait établi sa récusation sur un examen des faits. Plusieurs personnalités éminentes appartiennent également à cette catégorie. À vrai dire, elles sont disculpées du fait que leur temps et leur intérêt se portent sur d’autres choses, celles-là mêmes dans l’accomplissement desquelles ils ont obtenu de si remarquables résultats. Mais alors n’auraient-elles pas avantage à réserver leur jugement plutôt que de prendre parti de façon aussi péremptoire ? Il m’est arrivé une fois tout de même de réussir à convaincre en un tournemain l’une de ces éminences. Il s’agissait d’un critique, célèbre dans le monde entier, qui avait suivi les courants intellectuels de ce temps avec une oreille bienveillante et une perspicacité prophétique. Je fus amené à le rencontrer alors qu’il comptait déjà 80 ans passés, mais dialoguer avec lui était toujours aussi captivant.
[...] 
* Il n’était pas possible de restituer la clarté lumineuse des Aufklärungen en français.
* Décomposer • Au sens chimique du terme, analyser, élément par élément.
[1] « Sur l’histoire du mouvement analytique » (1914 d).

Essayons de revenir au début des choses. Nous entendons presque chaque jour depuis 3 ans, par l’un ou l’autre politique, peut-être sur le conseil de l’une ou l’autre tête pensante, et récemment lors de l’accident mortel du Président polonais Kaczynski venu faire la paix avec la Russie lors de la reconnaissance par celle-ci du massacre de Katyn, “fini la repentance, il faut tourner la page”.

Résonne alors, lancinant, l’avertissement ultime de Primo Levi - que les “élites” intellectuelles ont vidé de sa substance en le rabâchant jusqu’à l’érosion comme un tube sans aucun respect pour la désespérance de l’auteur, tant qu’il a contribué à apaiser leur bonne conscience et qui, naturellement, n’a servi à rien.

Quiconque oublie son passé est condamné à le revivre.

Dans les années 50, juste après la 2e Guerre Mondiale, il ne restait plus de Juifs à l’Institut de Psychanalyse français, encore moins de Juifs étrangers, qui une première fois, sur 3 générations, avaient dû fuir l’antisémitisme de leurs pays. Presque tous, quand ils l’avaient pu, s’étaient exilés en urgence, d’autres avaient disparu, déportés, fusillés, quelques parmi les plus jeunes avaient trouvé refuge auprès des Justes...

Ainsi place était libre en France pour, dès cette époque, enterrer Freud, c’est-à-dire promouvoir une psychanalyse “à la française”, comme l’avait fait Jung pour la Suisse dès 1933 où il s’était illustré par ses articles antisémites. En France donc, le processus, quoique bien antérieur mais plus discret, fut enclenché activement en 1936 (cf. “La Famille”, de Lacan et travaux d’auteurs divers, documents d’archives etc., de 1967 à 2010, reproduits sur notre site depuis l’avènement des ordinateurs, antérieurement publications / papier).

Ce premier “pour en finir avec Freud” était si grave, si alarmant, que Rudolph Lowenstein, ami de Marie Bonaparte, psychanalyste didacticien, de son exil aux États-Unis, lui écrivait,

« Désormais le règlement de l’Institut (prévaudra) : au moins trois quart d’heure et quatre fois par semaine mais les cas déjà analysés par sa méthode de “l’acte bref” il veut les imposer. Les élèves de Laforgue, Boutonnier, Dolto, Berge, Parcheminey (votre élève) sont du côté de Lacan, ainsi que Schlumberger... Il faut essayer de garder la majorité malgré les candidats formés par Lacan à la va vite. »
5 février 1953

« Ce que vous me dîtes de Lacan est navrant. Il a toujours présenté pour moi une source de conflit, d’une part par son manque de qualités de caractère, d’autre part, sa valeur intellectuelle que j’estime hautement, non sans désaccord violent, cependant le malheur est que quoi que nous soyons convenus qu’il continuerait son analyse après son élection, il n’est pas revenu. On ne triche pas sur un point aussi important impunément (ceci entre nous). J’espère bien que ses poulains analysés à la va vite, c’est-à-dire pas analysés du tout, ne seront pas admis. »

22 février 1953
Lettres de Rudolph Lowenstein à Marie Bonaparte
[Extraits de La dernière des Bonaparte par Célia Bertin]

Naturellement, ce fut en vain.

Lacan donc, c’est de notoriété publique, avait refusé de s’obliger à une psychanalyse personnelle, tout en s’autorisant “de lui-même”, ce que dans le métier on nomme un “acting-out”. Il exerçait donc en tant que didacticien / professeur. Son gendre, “lepsychanalysteJacques-AlainMiller”, quoiqu’il s’en réclame, se fit décalcomanie du Maître. Je me rappelle en 1971 avoir dit alors ingénument à une analyste [AE de l’École Freudienne] qui quelque temps avait occupé la droite dudit Maître, “qu’est-ce qu’il fabrique Lacan à démolir Freud avec la place qu’il accorde au signifiant de la non-analyse, i. e. Jacques-Alain Miller lequel, par un tour de passe-passe, en épousant sa fille, s’économise une analyse ?”

En vain, j’eus droit, dans un silence d’airain, à un regard condescendant.

C’était en ces temps mémorables où Jacques-Alain Miller scandait avec emphase, “maintenant que Lacan existe, plus besoin de lire Freud”, ce qui eut, et rencontre, jusqu’à présent encore, un grand succès.

D’ailleurs Jacques-Alain Miller ne le conteste pas dans Philosophie Magazine, qui, jeune philosophe censé réfléchir avant de parler, recevait le texte freudien comme de “la bouillie pour chats”, dont “le corpus est assez kitsch [sic]”.

Et cela, il y a près d’un demi-siècle.

Dans l’hebdomadaire Marianne n° 676 du 3 au 9 avril 2010, Nicolas Domenach, pour nous éclairer sur la notion de pouvoir, se réfère à la parole du“ lepsychanalysteJacques-AlainMiller”, je le cite,

Le pouvoir, c’est un certain savoir-faire avec l’impossible, l’irrémédiable.

Nous apprécions cet impayable jargon, encore que nous souhaiterions savoir ce qu’il signifie ? Après ça, qu’est-ce qu’on fait ?

Continuons notre exploration. Un fragment de l’entretien, paru dans Philosophie Magazine de février 2010, entre “lepsychanalysteJacques-AlainMiller” et Michel Onfray, auquel la mode en cours attribue une place considérable dans les médias, est reproduit en audio / vidéo sur le Net. Voilà que réapparût ce à quoi, depuis une quarantaine d’années nous, les vieux analystes, assistons, une bouffonnerie récurrente, plus encore qu’une caricature, par un véritable clone de Lacan, “lepsychanalysteJacques-AlainMiller”. Dans le “milieu” des gangsters on appelait autrefois le patron “Le Singe”. Après s’être philosophiquement et bassement aplati devant les éructations anti-freudiennes d’Onfray, faisant soudain mine de se fâcher sévère, voilà que le singe imite Le Singe, se mettant à tonitruer, parodiant sont feu mentor, le Maître Absolu, s’abîmant en gesticulations enflées, sa voix de “lepsychanalysteJacques-AlainMiller” trépignant sur un rythme en saccades progressives dans une piaillante tessiture s’élevant jusqu’aux aigus du fausset le plus comique.

Il y a un peu plus de 3 ans, lors de la campagne pour les présidentielles, dans un texte, j’avais qualifié Onfray de philosophe négationniste, argumentation à l’appui (sur notre site). Je maintiens, au vu du chapeau de l’entretien Onfray-Miller, En finir [sic !] avec Freud ?

Onfray est très prisé à gauche et plus encore, probablement de par son ascension au statut de philosophe alors qu’il est issu de parents d’origines très modestes, ce qui excite l’appétit d’anecdotes salaces où elle semble aimer à se complaire d’une assez vaste intelligenzia, située notamment dans les milieux de l’édition, de la politique et des médias, d’anciens, pour la plupart, nos condescendants “maos-bobos”.

L’origine modeste ne délivre pas automatiquement un blang-seing pour un statut de philosophe, pas plus que pour celui d’écrivain, ni même de simple penseur honnête. Onfray n’est pas Jules Vallès qui, bien que de filiation un peu plus lettrée - son père avait accédé au titre d’instituteur -, vécut sous le coup de la censure permanente tout en écrivant et transmettant son œuvre dans la pauvreté la plus crue, parmi un foisonnement de figures intellectuelles, scientifiques, artistiques, politiques, majeures du temps de l’Affaire Dreyfus, les deux Reclus, Élie Faure, Zola, Clemenceau...

La démarche intellectuelle, les laides intentions , avoisinant celles d’un Céline sans le talent, rappellent quasi à l’identique l’entreprise négationniste de Faurisson qui, s’étant présenté comme homme de gauche façon “Vieille Taupe”  et historien/chercheur en cours de rédaction de sa thèse dont le sujet était les chambres à gaz, trompa la confiance de la bibliothécaire du Centre de Documentation Juive Contemporaine, ancienne communiste, et effectua ainsi ses obssesives recherches comptables qu’il falsifia en toute aisance.

Onfray se vante en braillant d’avoir lu “tout Freud, 5000 pages” ! L’“Ulmien” Jacques-Alain Miller, comme le nommait Perrier, aussi. Bravo pour la performance ! Curieusement, les yeux de ces deux philosophes, qui reprochent à Freud d’avoir négligé Nietzsche, lequel apparaît déjà dans la correspondance du jeune Freud [lettre à Silberstein du 13 mars 1875], dont fut retrouvé un exemplaire de Nietzsche annoté de sa main, ont escamoté des passages importants dans ces 5000 pages. En voici, à vue, quelques extraits épars, où Nietzsche croise la vie de Freud,

Lettre à Fliess du 1er février 1900

Je viens juste d’acquérir Nietzsche, où je m’attends à trouver des éléments de langage en faveur de ce qui me reste assez obscur, mais ne l’ai pas encore ouvert.

Quelques années plus tard,

Sur l’histoire du mouvement analytique 1914

Je me suis refusé, de propos délibéré, le très grand plaisir que procure la lecture de Nietzsche, dans le but de n’être entravé par aucune sorte d’influence extérieure, lors du cheminement analytique des impressions reçues. Aussi devais-je être prêt - et le suis volontiers resté - à renoncer à toute espèce de revendication de priorité, dans chaque circonstance où la laborieuse investigation psychanalytique ne pouvait qu’entériner la vérité que le philosophe découvre par sa seule intuition.

Autoportrait 1925

Quant à Nietzsche [...] dont les intuitions et le discernement coïncident fréquemment et de façon étonnante avec les découvertes laborieuses de la psychanalyse, je l’ai longtemps évité en raison, justement, de cela ; j’étais peu concerné par les questions de priorité, ce qui m’importait par contre, c’était de garder mon entière disponibilité d’esprit.

Enfin, un apport majeur à la théorie freudienne par Nietzsche, chez qui le terme de “ça” - “ ...ce qu’il y a de non-personnel et ce qui est soumis dans notre être à la nécessité de la nature” - était courant fut, en réponse à la publication du Livre du Ça de Groddeck - lequel, hélas, finit, lui aussi, par tourner antisémite -, l’introduction par Freud, entre 1921 et 1923, dans sa deuxième topique, de son propre concept de “ça”, cette outre à pulsions démoniaques,

 ...G. Groddeck [...] ne cesse de mettre l’accent sur le fait que ce que nous appelons notre Moi - Ich - se conduit dans la vie de façon fondamentalement passive et que, selon son expression, nous sommes “vécus” [“animés”] par des forces inconnues, et impossibles à maîtriser [unbeherrschbaren - rappelons que le “un” pour Freud, est la marque du refoulé]. Nous avons tous éprouvé de telles impressions, même si elles ne nous ont pas dominés au point d’exclure toutes les autres, et nous n’hésitons pas à intégrer le point de vue de Groddeck au corpus de la science. Je propose d’en tenir compte en appelant le Moi - das Ich -, l’entité qui part du système Cs - Conscient -, et qui est d’abord Pcs - Préconscient -, qui précède le conscient - et en nommant le Ça, comme le fait Groddeck, l’un des phénomènes psychiques dans lesquels le Moi se prolonge et qui agit en tant que; qui est, Ics - Inconscient.
[...]
Le Moi n’est pas nettement séparé du Ça, il flue de concert et souterrainement avec lui, dans sa partie inférieure.
De même, le refoulé, comme partie intégrante du Ça, flue de concert avec celui-ci.
[...]
La perception joue pour le Moi le rôle qui, dans le Ça, échoit à la pulsion. Le Moi représente ce que l’on peut nommer raison et pondération, par opposition au Ça qui a pour contenu les passions.
Freud • Le Moi et le Ça

Pour une approche plus fine de la clinique psychanalytique chez Freud, les intéressés pourront se reporter à l’adresse suivante,

http://www.psychanalyse.et.ideologie.fr/livres/psa.traitement.html

et dont voici quelques extraits,

Freud

Sur la psychanalyse comme méthode de traitement

Mesdames, Messieurs, je me propose d’ajouter quelques mots sur la psychanalyse en tant que méthode de traitement. J’ai exposé ses principes théoriques voici 15 ans déjà et ne pourrais aujourd’hui les formuler différemment...
[...]
Vous le savez, si, à l’origine, la psychanalyse fut conçue en tant que méthode de traitement, elle s’est développée largement au-delà, sans toutefois renoncer à son terreau natal et, pour ce qui est de son approfondissement et de ses progrès ultérieurs, elle n’a cessé d’être associée à la pratique auprès des névrosés.
[...]
Vous n’ignorez sans doute pas que je ne n’ai jamais été un exalté de la thérapie ; il n’y a aucun risque que je fasse mauvais usage de cette conférence pour la porter aux nues. Je préfère vous en dire trop peu que trop. À l’époque où j’étais encore le seul analyste, j’avais l’habitude d’entendre, par ceux qui se disaient prétendument bien disposés à ma cause : “Tout cela est fort juste et assez génial, mais décrivez-moi un cas que vous avez guéri par la psychanalyse.” C’était l’une de ces nombreuses formules qui se sont relayées au cours du temps et qui avaient pour fonction de pousser, le plus à l’écart possible, l’inconfortable innovation.
[...]
La psychanalyse est sans conteste une méthode de traitement comme il y en a d’autres. Elle connaît ses triomphes et ses échecs, ses difficultés, ses limites, ses prescriptions thérapeutiques.
[...]
L’activité psychanalytique est ardue, exigeante, elle ne se laisse pas manier aussi aisément que des lunettes que l’on met pour lire, puis que l’on ôte pour aller promener. Dans la majorité des cas, la psychanalyse investit entièrement le psychanalyste, s’en empare ou, au contraire, n’a aucune prise. De sorte que les psychothérapeutes qui, à l’occasion, empruntent à la psychanalyse, ne travaillent pas - du moins à ma connaissance - sur un terrain analytique garanti ; ne s’étant approprié l’analyse que très partiellement, ils l’ont délayée, affadie, voire “désintoxiquée” [lavée de ses toxines en tant que “drogue”, au double sens du terme], nous ne pouvons les compter parmi les analystes.
[...]
Comparée aux autres méthodes thérapeutiques, la psychanalyse est, de loin, la plus efficace. Et cela à juste titre, puisque c’est la méthode qui exige le plus d’effort et absorbe le plus de temps. On ne l’appliquera pas dans les cas bénins ; par contre, dans les circonstances adéquates, l’analyse peut dissoudre des altérations graves et entraîner des modifications que l’on n’osait espérer aux temps pré-analytiques. Mais la psychanalyse a aussi ses limites, bien tracées.
[...]
Imaginer que l’analyse serait apte à guérir tous les phénomènes névrotiques émane, me semble-t-il, d’une croyance initiale de néophytes, selon laquelle les névroses seraient des affections tout à fait oiseuses, qui n’auraient pas la moindre légitimité. En réalité, les névroses sont des affections graves, structurellement fixées, qui se réduisent rarement à quelques crises, mais persistent le plus souvent pendant de longues périodes de la vie, voire pendant la vie entière. L’expérience analytique, qui démontre que l’on peut agir considérablement sur ces affections si l’on parvient à maîtriser les causes historiques du déclenchement de la maladie ainsi que des facteurs auxiliaires accidentels, a conduit notre pratique thérapeutique à en négliger le facteur structurel, sur lequel nous n’avons, en vérité, aucune prise ; mais théoriquement nous devrions toujours le garder présent à l’esprit. Le fait que les psychoses s’avèrent dans la plupart des cas inaccessibles à la méthode de traitement analytique, devrait assurément, malgré leur étroite parenté, limiter nos prétentions à l’égard des névroses.
[...]
Beaucoup trop souvent, on s’imagine qu’il ne manque à la méthode que la force motrice indispensable pour mener à bien une évolution favorable, alors qu’une interaction particulière, une composante pulsionnelle indéniable est trop puissante face aux forces adverses que nous sommes aptes à mobiliser. Il en est ainsi, presque toujours, devant les psychoses. Nous comprenons suffisamment [les psychoses] pour savoir où devraient être placés les leviers, qui seraient toutefois bien impuissants à ébranler la charge [la composante pulsionnelle].
[...]
L’autre limite à la réussite analytique relève de la forme de la maladie. Vous savez déjà que le domaine d’application de la méthode de traitement analytique couvre les névroses de transfert - phobies, hystéries, névroses obsessionnelles - ainsi que les anomalies du caractère qui ont pu se développer à leur place. L’analyse est, dans une plus ou moins large mesure, inadéquate devant tout ce qui en diffère, c’est-à-dire états narcissiques et psychotiques... Il serait dès lors parfaitement légitime de se garantir contre les échecs en excluant prudemment de tels cas. Cette prudence entraînerait une notable amélioration des statistiques de l’analyse. Certes oui, mais c’est là le piège.
[...]
Nous ne pouvons porter une appréciation sur le patient qui vient demander une cure, pas plus que sur le candidat qui postule pour une formation, avant de les avoir soumis à l’analyse pendant quelques semaines ou quelques mois. En fait, nous achetons “chat en poche”. Le patient a apporté avec lui des plaintes d’ordre général, indéterminées, de telle sorte qu’il nous est impossible d’établir un diagnostic solide. C’est au terme de cette période probatoire seulement que l’analyse peut se révéler ne pas convenir à ce cas. Côté candidat, nous l’éconduisons alors ; côté patient, nous essayons de poursuive encore un certain temps, pour tâcher de savoir s’il est possible d’aborder la chose sous un meilleur angle.  C’est alors que le patient prend sa revanche, car la liste de nos  échecs s’allonge ; quant au candidat recalé, il est fort possible, pour peu qu’il soit paranoïde, qu’il écrive lui-même ses propres livres psychanalytiques. Vous le constatez, notre prudence ne sert strictement à rien.
[...] ...je me tourne maintenant vers un autre point : le reproche selon lequel  la cure analytique exigerait un temps d’une longueur excessive. À cela, il nous faut répondre que les modifications psychiques ne s’effectuent que très lentement ; qu’elles surviennent trop vite, subitement, c’est alors mauvais signe. Il est vrai que le traitement d’une névrose grave peut aisément s’étendre sur plusieurs années ; mais quand il réussit, posez-vous la question : combien de temps aurait duré la souffrance ? Probablement une décennie pour chaque année de traitement, autrement dit - comme on peut le constater si souvent chez les malades non soignés - l’état pathologique n’aurait assurément jamais disparu.
[...]
Je vous ai dit que la psychanalyse est née en tant que méthode de traitement, mais c’est moins comme méthode de traitement que je souhaiterais la recommander à votre intérêt,  qu’à cause de son contenu de vérité, pour les lumières qu’elle nous apporte sur ce qu’il en est, au plus profond, de la condition humaine, de la nature singulière de l’être humain, et à cause de l’interaction entre les activités les plus diverses qu’elle met en évidence. En tant que méthode de traitement, elle n’est qu’une parmi beaucoup, mais à coup sûr “prima inter pares” [sans égale]. Sans sa valeur thérapeutique auprès des malades, elle n’aurait pas été découverte et ne se serait pas développée pendant plus de trente ans.

L’ignorance délibérée, la hargne, furent à ce point entrées dans les mœurs  que circule depuis quelque temps, et par tout un courant de psychanalystes eux-mêmes, “lepsychanalysteJacques-AlainMiller” en tête, le slogan selon lequel “la psychanalyse n’est pas une science”.

Serait-ce pour dédouaner Lacan de ses “mathémades”, destinées à corseter, à l’aide de formules mathématiques et de sigles intouchables de son invention, la structure des phénomènes psychiques, des symptômes qu’ils produisent, des formations de l’Inconscient... ? Quoiqu’il en soit, cela aboutit à ce que ses émules masculins, à force de triturer les “nœuds” (!) lacaniens ont tourné délirants, tandis que, côté féminin, pour d’autres motifs que j’ai essayé de commenter ailleurs et souvent, la plupart de ses analysantes, exaltées et tétanisées par le Maître - sadien -, viraient érotomanes ?

Cette exécution de la théorie freudienne manifeste un solide mépris pour ceux des psychanalystes analysés, eux, et ayant été supervisés, par des analystes certifiés,  cliniciens, théoriciens, chercheurs, souvent auteurs, dont nombre de femmes qui, dans l’histoire du mouvement analytique, auront fait de l’analyse une éthique de vie  professionnelle et personnelle. Les noms ne manquent pas.

Comment se fait-il qu’au XXIe siècle, il soit encore nécessaire de devoir, avec affliction, en référer aux préceptes des - très - Anciens pour démontrer ce qui est enseigné dès l’école primaire, i. e. que l’on ne parle, que l’on ne commente, qu’éventuellement, avec des arguments solides, l’on en réfute certains aspects, que de ce que l’on a soumis à l’étude et mis à l’épreuve de la pratique ?

Pourquoi suis-je allée jusqu’à Brooklyn demander à Mira Rothenberg, cf. site à,

http://www.psychanalyse.et.ideologie.fr/media/index.html

[2 plages sur l’index, extraits audio du livre et témoignage audio de Mira]

http://www.psychanalyse.et.ideologie.fr/livres/index.html

http://www.psychanalyse.et.ideologie.fr/livres/enfantsdeplaces.html

http://www.psychanalyse.et.ideologie.fr/livres/mirarothenberg.html

qui, aujourd’hui, a presque traversé le siècle, de me confier son témoignage sur son travail extraordinaire auprès des jeunes enfants rescapés de la Shoah, devenus schizophrènes, autistes, perdus, aujourd’hui oubliés ? Justement parce que son expérience clinique et le livre qu’elle a conçu (et que j’ai retraduit) - « Enfants aux Yeux d’Émeraude • Histoires de mômes prodigieux » - sont uniques, intemporels, à portée universelle. C’est alors, une fois sur place à New-York seulement que j’ai su par elle que Paul Federn avait été son analyste.

 Pourquoi, dénigrant Freud sans vergogne en toute ignorance délibérée, le monde non-analysé des philosophes, qui semblerait jouir de ses propres médisances en ravalant la doctrine freudienne à un sous-produit littéraire, cavale-t-il voracement après la psychanalyse ? Que ces philosophes restent philosophes français, férus de Heidegger, de Sartre et de Lacan, nous n’irons pas les déranger sur leurs terres. Pourquoi ce monde-là s’acharne-t-il sur Freud avec une violence sauvage, morbide, pourquoi, selon l’expression d’Élisabeth Roudinesco, tant de haine ?

Si, tout de même, ces philosophes et “lepsychanalysteJacques-AlainMiller” souhaitent vraiment s’occuper de psychanalyse, laquelle pour l’instant ne les regarde pas, pourquoi ne s’obligent-ils pas, d’abord, à une psychanalyse personnelle ?  Ensuite seulement, si cela est pertinent, avec le minimum de considération exigible envers Freud, ses concepts, son éthique, pourraient-ils  approfondir leur savoir sur la psychanalyse et se permettre alors d’en parler, dans le désir véritable de transmettre.

Mais auprès de qui entreprendre une analyse en France ? Les meilleurs freudiens français nous ayant quittés depuis une vingtaine d’années, il semblerait que ce ne soit possible - à ma connaissance (!?) - seulement dans un seul pays, l’Allemagne, meurtrie par son histoire, et qui a réintégré Freud - cela a pris du temps -, qui étudie, pratique, maintient vivace, respecte, Freud et la psychanalyse freudienne. Encore faut-il, à défaut de comprendre l’allemand, la langue de Freud, au moins pouvoir s’exprimer en anglais.

Ce n’est pas un effet du hasard si une première tentative d’OPA, par les États-Unis, sur une discipline réduite à une psychologie comportementale, entreprise déjà du temps de Freud, a si bien réussi après guerre, on peut en lire les prémisses dans les Rundbriefe 1934-1945 de Fenichel. L’attrait pour la facilité de penser, la paresse intellectuelle, relayées par le cinéma puis la culture de l’imagerie qui ont aspiré le goût pour la recherche, si l’appât du gain, les compromissions, le snobisme, ont conquis peu à peu, au long des années, les postulants analystes de la terre entière.

De telle sorte qu’au fil du temps, la psychanalyse a outrepassé la caricature que Freud craignait, dès « Totem et Tabou », que l’on en fît, en étant validée que comme “danseuse” des snobs et des médias et “domestique de la psychiatrie”.  S’y est ajoutée, selon le comique troupier cher aux fins siècle, celle de la  “Fille des Régiments”.

On a même lu récemment dans un article de presse diffusé sur Internet, dont l’auteur français, nous le lui souhaitons, n’est pas germaniste, que Die Traumdeutung - L’Analyse du Rêve -, “bien que mal écrite en allemand [par Freud - le prix Gœthe !] était excellemment retraduite” ! À aucun moment, manifestement, cet auteur n’a pensé qu’il pouvait s’agir, qu’il s’agit, du contraire, que la traduction du style fluide et élégant de Freud, attaché à rendre compréhensibles par le plus grand nombre d’intéressés des concepts difficiles à exploiter, était tout simplement lourdingue, mastoc, indigeste, approximative.

Revenons à la psychanalyse en tant que “nouvelle science” selon Freud.

Qu’est-ce qu’une science ?

Science (lat. sciencia, de scire, savoir) • Ensemble cohérent de connaissances relatives à certaines catégories de faits, d’objets ou de phénomènes obéissant à des lois et / ou vérifiés par des méthodes expérimentales.
GUL

Pourquoi Freud a-t-il - l’année de la mort de son père -, forgé un nom original, singulier - Psychoanalyse -, pour distinguer nettement l’analyse de la psyché des autres disciplines, s’étayant de la définition en chimie, de l’analyse ?

Analyse • Action d’identifier dans une substance les éléments constituants et d’en déterminer la teneur. Opération par laquelle l’esprit décompose un ensemble constitué pour en déceler l’autonomie des parties, pour en apprécier mieux la congruence ou la finalité, ou simplement pour rendre accessible chacun de ses éléments.

Ce pourquoi j’aurai souhaité, avec quelques autres, que l’on réintroduise, en français, l’appellation de “sciences expérimentales” dont la psychanalyse me semblait devoir relever.

La pratique de l’analyse est un long travail, ardu, toujours en évolution, qui exige, comme tout ce qui participe de la recherche fondamentale avec sa mise à l’épreuve, une patience infinie, nous sommes tout de même quelques-uns à l’avoir professionnellement expérimentée. Nos analysants aussi qui, après un long temps de dépôt du matériel psychique - “dîtes ce qui vous vient à l’esprit”, ce qui ne va pas de soi - se confrontent à leurs résistances, apprennent avec courage à les dépasser et à maîtriser la géhenne pulsionnelle pour pouvoir la transcender - la sublimer.

L’écoute de la parole de l’analysant, souvent difficile à émerger, pas plus que la personne ni sa misère humaine, n’intéressaient Lacan. Sitôt sa séparation d’avec l’Institut, ses futurs “fans” se sont empressés de déserter l’institution classique pour se précipiter chez Le nouveau maître à penser l’analyse, qui n’exigeait aucune formation préalable, si ce n’est de suivre un cursus préétabli d’allégeance intellectuelle à son discours et à ses thèses lesquels, il faut bien le reconnaître, étaient fort séduisants. Ainsi se convertirent précipitamment jusqu’aux libres-penseurs, de même qu’une nuée de Juifs qui, las d’être Juifs après la 2e Guerre Mondiale, ce qui est compréhensible, se sont jetés en cohorte sur la nouvelle mystique qui les exonérait de leur judéïté, poussant avec soulagement Freud et les principes fondamentaux de la psychanalyse dans l’oubli, tout en ne négligeant pas, quand cela était opportun, de se référer à la Shoah au nom de... Lacan !

D’après les médias, il paraîtrait qu’en France, le traitement psychanalytique “ne marche pas”, et alors on glose avec appétence sur l’“échec” de l’aventure analytique.

Mais de l’échec de quels praticiens et théoriciens parle-t-on sur les places publiques pour affirmer une chose pareille ?

D’où sort cette bonne nouvelle qui efface d’un coup de plume, sans en être le moins du monde troublé, l’existence des analysants et analysantes, lesquels auront payé et payent de leur écot et de leur personne pour leur avenir et celui de leurs héritiers et qui modestement témoignent que leur psychanalyse leur a, je cite, “sauvé la vie”, leur a conféré leur statut d’humain libre de ses choix.

L’analyse, c’est très simple, “ne marche pas” en effet quand elle est pratiquée par des analystes non-analysés et... ça fait du monde depuis que l’on “s’autorise de soi-même”, c’est exact, elle ne marche pas là-dedans.

En France, François Perrier, Françoise Dolto... (et quelques autres), à la suite de Freud et de ses ambassadeurs, vraiment soucieux du devenir de la psychanalyse, préconisaient pour les analystes, toute la durée de leur exercice, d’être des analysants en continu ou, au moins, de faire le point tous les cinq ans auprès d’un collègue certifié.

J’ai toujours trouvé dommage, pour des étudiants chercheurs, que les avancées théoriques de Lacan soient par eux perçues comme sacrées, indiscutables, plus précisément sur le sujet capital de la psychanalyse d’enfants. Une première fois, Françoise Dolto intervint pour marquer son désaccord avec Lacan au Congrès de Rome de 1953. Plus nettement encore elle écrivit en 1983, pour répondre à la thèse de Lacan, inaugurale selon lui, “Le stade du miroir”. Personne depuis un demi-siècle n’a estimé intéressant pour la psychanalyse de mettre ces textes en parallèle, de les analyser, de les commenter, d’en donner sa propre interprétation.

Cela éclaire sur l’intérêt que le peuple des psychanalystes dans les CMPP et autres institutions porte à la psychanalyse des enfants et aux enfants eux-mêmes.

Le texte de 1983 de Françoise Dolto se trouve à l’adresse suivante,

http://www.psychanalyse.et.ideologie.fr/livres/dolto.html

en voici le début,

Françoise Dolto • 1983

Autour du Miroir

Je dis que lorsque Lacan croit que l’enfant - qu’il décrit dans une assomption jubilatoire - se réjouit de voir l’image de lui-même dans le miroir, et que cela le structure dans son unité, il se trompe [je souligne]. Cette expérience est une surprise toujours à effet d’étrangeté, parfois phobisante, morcelante. Cette première étape de jubilation, qu’on a pu observer en effet, est provoquée par l’espoir qu’un autre enfant est apparu magiquement présent dans son espace pour jouer avec lui. Dès qu’il s’aperçoit que ce n’est pas un être de chair et de compagnie, il est angoissé et ne s’en remet - en se reconnaissant assez mal d’ailleurs les premières fois, mais accepte de l’admettre, encore qu’il est déçu de se découvrir taille et aspect bébé, alors que jusque-là il s’imagine selon son désir tel un tutélaire ami -, il ne s’en remet qu’en apercevant dans ce même miroir l’image de sa mère ou de la personne tutélaire réflectée côte à côte dans cette surface, alors qu’il la perçoit, tactile, odorante, vivante et chaleureuse, et parlante à sa personne en les montrant tous deux, lui et elle, dans le miroir [...]

[Suite sur le site à l’adresse indiquée.]

Alors, pourquoi tiennent-ils tant à être identifiés “psychanalystes”, ces non-analysés-non-analysants, qui décrètent que l’analyse “ne marche pas”, sans interroger courageusement d’abord leur ignorance délibérée, leurs incompétences, leur sujétion à la flemme intellectuelle, autrement dit leur dépendance à ce que l’on nomme, en psychanalyse, “le principe de plaisir” , qui mène tout droit à la mort de l’esprit ?

Du côté des candidats analysants et des analysants, étudiants ou simples particuliers, ceux enseignés successivement depuis un demi-siècle par l’école de pensée lacanienne, ils apparaissent comme d’accablants béotiens de la psychanalyse - il suffit de leur demander la signification de la terminologie dont ils usent pour être édifiés  -, leurs connaissances se résument à rabâcher les péroraisons véhiculées. D’autres, des sortes de clones, de décalques, elles émanent des identifications à leurs analystes ou/et professeurs d’analyse.

Tout cela semble d’une infantilité stupéfiante.

De notre côté nous, vieux ascètes de l’analyse, pour peu qu’ils se soient trouvés fourvoyés dans nos latitudes, nous décourageons très vite ces candidats-là qui filent vite-fait folâtrer dans le monde “pipeul”.

L’OPA de Lacan, donc, ayant réussi au delà de toute attente, ses théories, ses “bons mots” , ses calembours et ses pratiques, notamment celle du droit de cuissage auprès de ses analysantes les plus appétissantes, essaimèrent dans tous les domaines du savoir aussi bien que dans ceux, plus triviaux, du non-savoir.

Le devoir absolu de discrétion, l’interdit de la transgression sur la sexualité entre analystes et analysantes - l’interdit de l’inceste - ayant du même coup sautés, les pratiques sexuelles les plus intimes, les plus secrètes, se sont déchaînées sur la place publique et ça ne fait qu’empirer, comme si la pornographie s’était substituée aux fondements, si j’ose dire, de la théorie de la sexualité de Freud.

C’est ainsi que l’on a pu lire, il n’y a pas si longtemps, sous la plume - brièvement starifiée de l’analysante d’un analyste qui se commet très volontiers dans les médias culturels, l’évocation directe de “partouzes” dans des milieux littéraires, politiques, médiatiques, des maisons d’éditions... et alii... fréquentés conjointement par des analystes et leurs analysants. Ce que je peux hélas confirmer, ayant croisé quelquefois sur ma route, comme postulants à une analyse, quelques “pipeuls” de cette extrace, auxquels j’ai annoncé d’emblée, après deux entretiens, que s’ils ne renonçaient pas à leurs addictions partouzeuses, je ne pouvais répondre, selon ma conception de l’analyse, à leur demande d’analyse qui, de fait, n’en n’était pas une, autre que celle de se conformer au snobisme ambiant. Si bien qu’ils essaimèrent sans tarder ni se retourner auprès de collègues moins austères et plus en vue.

Est-ce par cette cuvée de lacaniens, autorisés selon leur bon plaisir à s’intituler d’eux-mêmes, comme Lacan et selon son message appuyé - qui l’exonérait, c’est sans doute la raison de fond, de toute forme de responsabilité - que de candides  “zélites”  furent incités à faire publiquement ce que l’on appelle leur “coming-out” sexuel, ce qui équivaut, en psychanalyse à un “acting-out” , autrement dit à une forme de résistance inconsciente mais tenace à l’analyse ?

L’un des principes de base que la psychanalyse nous enseigne, inaltérable, est que “la vie sexuelle de l’individu est et doit rester une affaire privée”. Elle n’excède pas le cabinet (!) de l’analyste.

Devant des malentendus de cette sorte, devant le refus coriace de s’intéresser aux conditions fondamentales de l’analyse, devant la haine brute, même pas inconsciente, pour Freud, entretenus par tout un courant de pensée d’analystes - qui adorent le cinéma, le “bizz” et les “shows” -, il n’est pas surprenant que les milliers d’Onfray - souhaitons-leur de ne pas sombrer dans ce qu’à Hollywood on nommait les Never-was-been [Tony Curtis, op. cit.], de même que, pour ce qu’il en est de la profession, des centaines de psychanalystes, aiment à déballer des salaceries les plus nauséeuses, à concocter et à vendre - cher - de miséreux et graveleux scénarios, assis qu’ils sont sur des pires détractions d’égouts, ayant pour seul objectif de salir leur cible et ici, préférentiellement, Freud. Quand ils sont à dominante autobiographique, ces récits sont dignes des fantasmes d’un enfant de 3 ans, l’œil et l’oreille collés au trou de la serrure de la chambre à coucher de ses parents. Sauf que l’enfant, chez qui la curiosité sexuelle indiscrète, préludant au désir de savoir, est normale, lui, n’ose pas les rendre publics, par crainte des terribles sanctions que l’implacable Surmoi ne manquerait pas de lui infliger.

Donc, j’y reviens, Onfray et “lepsychanalysteJacques-AlainMiller” ont lu 5000 pages de Freud. D’Onfray, nous pouvons comprendre qu’il ait escamoté le contenu d’une si volumineuse lecture, car tout en croyant lire, selon ses propres dires, il était occupé à autre chose...

Mais cette vantardise serait-elle bien sérieuse de la part de l’éminent Ulmien, professeur de psychanalyse, “lepsychanalysteJacques-AlainMiller”, fondateur, tombé semblerait-il dans la mégalomanie la plus an- ou un-analytique qui soit, de “l’Association Mondiale [!] de Psychanalyse” et bientôt de “L’université populaire de psychanalyse Jacques Lacan” ? “Populaire”, Lacan ? JAM est-il sûr de se faire, ici, le porte-parole de Lacan,  “Jack-a-dandy”, que j’avais plutôt perçu comme un satrape, s’exténuant, parfois avec un certain ridicule, à se présenter comme le Dali - qu’il jalousait d’abondance, ou le scientifique de la psychanalyse - cf. ses conférences obscurantistes en anglais au MIT (Massachussets Institute of Technology / Boston) et celles, saugrenues, à l’Université de Louvain (Belgique) ?

Lacan qui, sans vergogne, instaura la perversion adulte en un système philosophique radicalement incompatible avec la psychanalyse...

Lacan, qui méprisait Rabelais - qu’affectionnait Freud - au prétexte qu’il n’y aurait pas trace de symbolique dans ses œuvres... il faut tout de même oser le dire !

Donc, ici aussi, c’est décidément récurrent en France, exit Freud. Pourquoi ? Est-ce de par son usage de la langue allemande - ne nous arrêtons pas ici sur les origines -, Freud n’était  pas Français, qu’il était fiché comme Allemand, Juif-Allemand, Juif ? Est-ce à cause de son souci d’éclairer sur les chausse-trappes des processus inconscients dans le Witz - toujours aussi mal traduit et que personne ne lit - qui différencie nettement l’humour - l’élégance du désespoir - de l’ironie et de la dérision, les épaisses calembredaines du subtil mot d’esprit ?

Bien davantage que la psychanalyse en soi, ce qui est régulièrement fustigé, honni c’est, non pas sa découverte, mais l’homme - à abattre - Freud.

Ah, “le Juif Freud”, que seule l’extrême-droite dénonce ouvertement, se faisant ainsi la porte-parole de ce que susurre en catimini rampant  la vox populi ! Alors que s’autorisent en parallèle, la conscience sans remous, d’imprudentes déclarations comme quoi, non, “La France [ne serait] pas antisémite”, réitérées par des “icônes” et représentants fameux d’institutions juives [cf. 2e partie ci-dessous, OPA 2] recensées dans le Who’s Who, figures délibérément frappées de cécité et de surdité - en échange de quels avantages, quelles distinctions honorifiques ? -, qui ne se commettent pas avec le “vulgus”, fut-il universitaire, excepté, éventuellement, pour le toiser. Tout cela servilement, cocardassièrement, relayé par foule de médias. Au plan politique, il ne faut pas aller chercher très loin l’aide empressée à la chute de la cote de popularité du Président Sarkozy, déjà activée, écœurante d’ostracisme, lors de la campagne pour les élections présidentielles de 2007, et indépendamment de ce que l’on pense des dires, des actes et du mode de gouvernement, souvent imprévoyants, du Président.

Il n’est pourtant pas inutile d’écouter les - dîtes - communautés juives en France, particulièrement sépharades, plutôt marquées à droite, qui s’inquiètent sérieusement de l’ascension du Front National, anticipée en vain par des observateurs perspicaces.

Quant à nous, la maigre poignée restante de vieux ashkenases et néanmoins français mais avant tout laïcs, la lassitude a fini par avoir raison de notre sympathie pour la chose politique, pas très “classe” en ces temps semblerait-il, laquelle ne nous intéresse plus. 

Sur ce thème, pour ne pas m’éloigner de mon sujet, je ne me permettrai qu’une seule remarque à l’adresse des médias qui, par facilité et par paresse intellectuelles, par absence consternante de finesse psychique, qualifient tous azimuts Nicolas Sarkozy de “Monarque” ! Or, de tous temps, la parole d’un monarque ne s’énonce pas en public comme “Je”, mais comme “Nous”. Le Roi, traditionnellement, se vousoie soi-même.

L’antisémitisme n’a jamais cessé de gangrener le monde et, régulièrement se manifeste publiquement, par  qui est inféodé aux mots d’ordre de quelques “zélites” - pourquoi, sans démonstration particulière s’auto-intitulent-elles “élites”, alors que “responsables” irait très bien ? -, toujours les mêmes, sous la forme la plus ouvertement déclarée d’allégeance aux discours aussi bien anti-israéliens qu’anti-psychanalytiques, avec un acharnement monomaniaque collectif comme le remarque Pilar Rahola,

Extrait de la Newsletter de l’Ambassade d’Israël.

Newsletter n° 342 - 17 février 2010

Citation de la semaine :

« Et enfin la question à 1 million de dollars : Pourquoi la Gauche en Europe et dans le monde est elle obsédée par les deux démocraties les plus solides, les Etats-Unis et Israël et pas par les pires dictatures de la planète ? Ces deux véritables démocraties ont souffert des pires attaques terroristes et la Gauche s’en fout. »

Pilar Rahola, femme politique espagnole, journaliste et activiste dans l’extrême gauche en Espagne, écrivant à propos de l’hypocrisie de la Gauche européenne et dans le monde.

Revenons à la psychanalyse.

Étrangement, dans la profession, seules des voix individuelles, plutôt féminines, s’élèvent. Collectivement, institutionnellement, personne, des plus augustes têtes pensantes à la roture, ne moufte.

 Comment, ne seraient-ce que certains passages extraits ci-dessous de Freud, n’ont-ils pu retenir l’attention, non d’Onfray, c’est bien normal, mais de “lepsychanalysteJacques-AlainMiller”?

Sur l’histoire du mouvement psychanalytique

[...]
La psychanalyse est ma création [...] Je me considère comme fondé à affirmer qu’aujourd’hui, bien que je ne sois plus, de loin, le seul psychanalyste, personne mieux que moi ne peut savoir ce qu’est la psychanalyse, en quoi elle se distingue des autres modes d’investigation de la vie psychique, et plus précisément quel nom nous devons lui attribuer par rapport à ce qu’il vaudrait mieux décrire sous une autre appellation.
[...]
[Note • Suit un hommage légitime à Breuer et, un peu plus loin, une indication souvent négligée : l’abandon de la théorie dite de la séduction s’applique alors exclusivement aux hystériques.]
[...]
Je n’ai pas réussi [alors] à établir [auprès des psychanalystes en devenir] l’amicale entente qui doit régner entre des hommes, tous ensemble engagés dans une tâche aussi difficile, de même que je n’ai pas réussi à dissiper les luttes de priorité que provoquent, en maintes occasions, les conditions d’une œuvre commune.
[...]
Je ne m’aventurais pas alors à faire valoir une technique qui n’était pas encore parvenue à maturité et une théorie dont les concepts n’étaient pas encore suffisamment solides, avec l’autorité qui aurait vraisemblablement évité à mes auditeurs d’errer tant de fois sur de fausses voies, lesquelles finissaient par les faire dérailler.
[...]
De tous les pays européens, c’est la France qui s’est révélée la plus réfractaire à la psychanalyse [...] À Paris même, semble encore régner la conviction - exprimée par Janet lui-même en des termes assez médisants en 1913, lors du Congrès de Londres – selon laquelle tout ce qu’il y avait de bon dans la psychanalyse ne serait que la reproduction des vues, à peine retouchées, de Janet, tandis que tout ce qui s’écarterait des vues de ce dernier serait mauvais. Lors de ce Congrès, c’est Janet lui-même qui dût s’incliner devant une série d’admonestations par Ernest Jones, qui fut en mesure de confondre l’insuffisance de sa connaissance du sujet. Bien que nous récusions ce à quoi il prétend, nous ne pouvons néanmoins négliger les services rendus de Janet à la psychologie des névroses.
[...]

Après m’être imposé de ne jamais bagarrer avec des contradicteurs extérieurs à l’analyse, voilà que je me vois contraint de répondre aux hostilités engagées par d’anciens alliés ou par ceux qui voudraient bien, encore aujourd’hui, se faire passer pour tels [...] Je tiens juste à montrer - et sur quels points - [leurs] théories sont la négation des principes fondamentaux de la psychanalyse et que, pour cette raison, ils ne sont pas habilités à se réclamer de son nom.

[Note • Dans le chapitre sur ses détracteurs (Adler, Jung... ), Freud précise qu’il s’agit, pour l’un ou pour l’autre de présenter leurs théories comme émanant de leur découverte personnelle, par un artifice qui consiste à changer tout simplement la terminologie des énoncés freudiens. Freud poursuit en notant que ces détracteurs n’envisagent pas  de rompre avec la psychanalyse, dont ils furent un temps, tel Jung, les représentants, autrement dit qu’ils tiennent à continuer de s’intituler “psychanalystes”, de telle sorte qu’ils préfèrent annoncer qu’ils ont - du vivant de Freud ! - modifié la psychanalyse, pratiques qui se sont multipliées jusqu’à nos jours]

La deuxième partie, l’OPA 2, est à suivre, elle n’est pas encore écrite.

[...]

M. W.

Fin avril 2010

ø

ψ  [Psi] • LE TEMPS DU NON
cela ne va pas sans dire
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