Psychanalyse et idéologie

Psi . le temps du non

Micheline Weinstein

Freud, Françoise Dolto... à l’aune de la calomnie

Une escapade

Extraits de « Une non-biographie »

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Il est plus facile d’élever un temple que d’y faire descendre l’objet du culte

Samuel Beckett • « L’Innommable »

Cité en exergue au « Jargon der Eigentlichkeit » par T. W. Adorno • 1964

It is easier to raise a temple than to bring down there the worship object

Samuel Beckett “The Unspeakable one”

Underlined in « Jargon of the authenticity » by T. W. Adorno • 1964

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Personne n’a le droit de rester silencieux s’il sait que quelque chose de mal se fait quelque part. Ni le sexe ou l’âge, ni la religion ou le parti politique ne peuvent être une excuse.  

Nobody has the right to remain quiet if he knows that something of evil is made somewhere. Neither the sex or the age, nor the religion or the political party can be an excuse.

Bertha Pappenheim

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L’association ψ [Psi] LE TEMPS DU NON a toujours pour but de favoriser la réflexion pluridisciplinaire par les différents moyens existant, la publication et la diffusion de matériaux écrits, graphiques, sonores, textes originaux, œuvres d’art, archives inédites, sur les thèmes en relation à la psychanalyse, l’histoire et l’idéologie.
ψ = psi grec, résumé de Ps ychanalyse et i déologie. Le NON de
ψ [Psi] LE TEMPS DU NON s’adresse à l’idéologie qui, quand elle prend sa source dans l’ignorance délibérée, est l’antonyme de la réflexion, de la raison, de l’intelligence.

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© Micheline Weinstein   / Octobre-Novembre 2013

 

 

Freud, Françoise Dolto… à l’aune de la calomnie

 

Une escapade [Extraits de « Une non-biographie »]

Extra

Attristée par le substrat des échanges récents de correspondance entre collègues, suite aux annonces et commentaires élogieux par la presse lors de la parution de deux livres, l’un de Goce Smilevski, « La liste de Freud », le second de Didier Pleux, « Françoise Dolto : La déraison pure », je m’écarte un moment de la rédaction de ce que j’intitule, provisoirement ou pas, ma “non-biographie”.

Pourquoi ce titre de “non-biographie” ?

Après m’être opposée jusque là à exposer mon histoire singulière - une psychanalyse est faite pour cela -, et la dernière étape d’une vie étant déjà bien entamée, dont les éléments biographiques infléchirent mon itinéraire professionnel, c’est ainsi que je fus amenée à n’être que simple témoin de mon temps.

Vu la teneur de cette histoire, l’on comprendra aisément que je n’ai aucune raison d’éprouver une nostalgie de tout ce temps passé.

Une grande part de mes travaux et contributions professionnelles, publiés ou non depuis 1967, datés et déposés, figurent déjà sur le site de notre association témoignent de cette histoire. Pour des raisons éditoriales indépendantes du vœu candide des auteurs et sympathisants du site, je l’ai intitulé « Site d’Archives ».

Mais résumons et revenons à mon propos d’aujourd’hui.

En 2005, parut l’ouvrage collectif, « Le livre noir de la psychanalyse ».

En avril 2010, « Le crépuscule d’une idole • L’affabulation freudienne », par Michel Onfray.

Entre 2005 et 2013, notre site a publié les commentaires dûment documentés d’auteurs accablés devant les thèses se référant à la psychanalyse propagées par Michel Onfray et ses adeptes, lesquels ne connaissent rien à la psychanalyse, ni d’expérience personnelle ni pour avoir pris la peine d’étudier la théorie freudienne.

Il est d’ailleurs permis de se demander pourquoi tant d’intellectuels s’acharnent sur Freud si Freud ne leur convient pas.

De mon côté, fin 2006, à l’aube de la précédente campagne présidentielle, j’avais largement diffusé un courrier dans lequel je m’étonnais de l’indulgence et de l’engouement de mes contemporains philosophes et psychanalystes pour les thèses de ce même Michel Onfray, que je n’hésitais pas alors à qualifier de graines de négationnisme.

J’avais alors en retour reçu des échos plutôt désagréables émanant de mes contemporains et de leurs accoutumés de divers horizons : “On” le sait tout ça, ça se sait depuis longtemps, laissez tomber…, et autres remarques semblables à celles que j’entends quand je reste consternée devant les laides apostrophes de Lacan envers, pour n’en citer que quelques-unes et ne relever que quelques dates, Freud (en 1938, 1967, 1974, 1977…), François Le Lionnais (en 1945), le Pr François Jacob (en 1973), Anna Freud (en 1974)…, dont les plus irrespirables sont gommées lors de la parution officielle de ses séminaires.

Ou alors, nous nous heurtons à un consensuel silence épais, comparable à celui des systèmes et discours en usage dans toutes les monocraties, où si tu dis ce que tu penses, ta parole ne vaut rien, tu n’existes tout simplement pas, “on” ne te connaît pas. Curieusement, cela vaut aussi de la part de psychanalystes, assez nombreux, qui ont participé à des colloques publiés par notre association.

La seule clef, là comme dans tous les domaines, pour être, en tant qu’humain parlant réflecteur, simple témoin de son temps, c’est, si tu n’as pas le moindre patrimoine, si tu es orpheline ou orphelin, très préférentiellement femme, si tu gênes tout le monde parce que tu es “inclassable”, inapte aux collectivités, confréries, phalanstères, que l’on ne peut repérer d’où tu viens, alors que toi-même a passé des années d’analyse à en reconstituer les signifiants, quel que soit le niveau de tes qualités, positives ou négatives, de tes aptitudes, de tes compétences, de la teneur de tes travaux, tu butes sur l’étanchéité de la classe sociale, innée ou acquise, du pouvoir universitaire, leurs avoirs, bref c’est en général les bienfaits de l’argent avec le paraître, le semblant qu’il procure et exhibe.

Voilà qui laisse tout de même une intense impression de “unheimlich”, d’inquiétante familiarité, selon la traduction de François Perrier, auquel d’estimés collègues empruntent sans jamais citer son auteur, et où le “un” allemand, selon Freud, désigne la marque du refoulé.

La parole, le langage étant nos seuls instruments de travail, quelle est alors la signification de la psychanalyse, de la dénomination de Freud, si l’analyste et, pour le coup, ses analysants, n’existent pas ?

Il fallait s’y attendre, le collectif du « Livre noir de la psychanalyse » lequel, plus sagace, aurait été davantage inspiré, s’il avait été titré « Le livre noir de [et non pas des] psychanalystes », s’est emparé de la chose avec délectation. Ainsi :

 

Très peu de psychanalystes agissent comme Lacan qui, au sommet de sa gloire, se permettait de dire tout haut ce qui se murmure parfois entre initiés : « Notre pratique est une escroquerie, bluffer, faire ciller les gens, les éblouir avec des mots qui sont du chiqué, c’est quand même ce qu’on appelle d’habitude du chiqué. [...] Il s’agit de savoir si Freud est oui ou non un événement historique. Je crois qu’il a raté son coup. » […]

 

Ah oui ? Grâce à qui ? Qui aurait mieux dit pour inciter à piétiner la tête de Freud, le parodier grassement jusqu’à égruger compulsivement l’homme, sa découverte et, sans les avoir expérimentés, sans même en consulter les concepts, à regarder par un trou de serrure pré-calibré sa supposée vie privée, sexuelle, et celle des siens, pour les jeter en pâture sur l’étal médiatique ?

Se permet-on cela avec Lacan ? Certes non, est-ce la crainte d’un procès par les vigoureux ayants droit, au-delà de la sainte “liberté d’expression”. Comment l’éthique de la profession accepte-t-elle sans moufter qu’un psychanalyste [mondial !] intente un procès, sans essayer de l’en dissuader, de l’inciter à analyser soigneusement cette étrange lubie mégalomaniaque ?

Qu’entendent par psychanalyse ceux et celles qui s’auto-intitulent “psychanalystes” et électivement “n’importe quoi et psychanalyste”, quelle   en est leur définition ? Quel fut leur itinéraire psychanalytique personnel et éventuellement didactique ?

“On” s’évertue avec persévérance - et cela réussit excellemment -, à l’américaine, contre toute espérance de Freud, à faire de la psychanalyse le sous-fifre des systèmes idéologiques, universitaires, philosophiques, médicaux, médiatiques, journalistiques, linguistiques, pédants aussi bien que standards…

Pour une meilleure approche de la chose, au plan professionnel, se reporter à ce sujet à la réflexion de François Perrier dans ses « Voyages extraordinaires en Translacanie », plus précisément au chapitre sur cette “La Passe” délétère, qui continue, 45 ans après sa programmation, d’absorber entièrement les lacaniens, et dont l’unique visée est de produire des psychanalystes-clones. Pourtant, cette “passe” dispensait Lacan d’exercer la psychanalyse, tandis qu’il déléguait à ses Cartels (! • Voir ce mot = “trust”) pas plus analysés que lui-même, le soin d’apprécier l’analyse personnelle des impétrants, pour ensuite juger et nommer qui est analyste confirmé ou pas. Après quoi, les nominés qui avaient enfin pu parler de leur “Moi”, hypnotisés, par identification à leurs censeurs, le surdimensionnent en “Moi Je” et, quand ils le peuvent, se posent, s’exhibent, en stars des médias, ou en starlettes internes et, à leur tour, reproduisent le processus.

Je sais, dès que quelqu’un/e se permet d’énoncer ce qu’il/elle pense, s’il/elle n’est pas “dans la ligne” de l’époque, voici qu’aussitôt on le/la taxe de “puritain/e”, “moraliste” et autres menues civilités…

J’ai toujours perçu l’homme, le personnage, Lacan, son enseignement, comme les antonymes de Freud. J’ai toujours perçu Lacan comme égotiste, fesse-mathieu, prenant autrui, aussi éminents soient-ils, pour ses larbins, traditions qu’il transmit à ses élèves ; obscurantiste de style - sans doute dû à son admiration pour Heidegger -, accaparant totalement tout en l’embrouillant l’espace psychique de ses lecteurs et auditeurs ; bienveillant pour le pervers - Sade - manipulateur de la psychanalyse [distinguer la perversion des traits pervers polymorphes infantiles intrinsèques qui marqueront de leur empreinte les formes ultérieures que prendra la névrose] ; sarcastique, assidu à intégrer la psychose à la psychanalyse, devant laquelle la psychanalyse ne peut offrir qu’un relai efficace à la psychiatrie, - cf. Freud : hypothèse itérée dans son abondante correspondance, Dostoïevski, Schreber, « Pour introduire au concept de narcissisme »… … …

Je suis allée 3 fois chez lui à titre personnel, lui dire ce que je pensais, ai assisté à ses séminaires, les ai travaillés - notamment ceux sur les “mathèmes”, la physique, la cybernétique... avec François Le Lionnais -, ai enregistré la totalité de ses « Écrits » avec mes propres commentaires pour quelqu’un dont la vue déclinait...

Salvador Dali, grâce à Stefan Zweig, a traversé la Manche, pour rencontrer Freud à Londres, ce dont Lacan, qui atteignait tout de même les 37 ans, futur chef de file de la psychanalyse française, s’est dispensé. Quand je m’en suis étonnée devant une proche de Lacan, il me fut répondu qu’à cette époque, il avait autre chose à faire, au motif tant incongru que je ne le tairaireproduirai pas. Dali, “ce jeune homme [de 34 ans]  aux yeux de braise” selon Freud, fut un peu déçu lorsqu’il lui exposa sa théorie  de la “paranoïa critique”, ne pouvant réaliser, de phénixgénie à phénixgénie, qu’il était trop tard, la barrière de la langue et de l’accent aidant, que Freud était dans un état d’épuisement terminal. Demeure le magnifique portrait que fit Dali de Freud.

Certes, Lacan était un personnage baroque, d’une intelligence éblouissante, façonneur talentueux de concepts dont, excepté ceux de “forclusion”, de [ses fameux] “mathèmes”…, jje n’ai jamais contesté, bien au contraire, la valeur pour l’évolution de la théorie psychanalytique - à l’exclusion cependant de ses éructations céliniennes chères à nombre d’intellectuels, de ses plus ou moins gracieux (!) calembours…

Seulement, au plan clinique, ces outils, selon les dires mêmes de ses meilleurs élèves, cela ne servaient pas à grand-chose…

Sept ans ont passé depuis ma remarque sur le négationnisme ambiant, et hélas, à l’usage d’icelui, je soutiens cette position.

De même, je considère depuis l’âge de 24 ans, l’hypothèse que les postures, les propos irréfléchis, les flèches de Lacan à l’adresse de Freud, ont produit cet effet, qu’à la psychanalyse conceptualisée par Freud, s’est substituée et mise en pratique une théorie de la perversion, élevée à la dignité d’une éthique. Dont actes, au pluriel.

Les ouvrages récents d’Onfray et de Pleux procèdent de la même famille, du même courant d’écriture, lesquels à mon sens s’apparentent à de la délation, de la même verbosité, de la même volonté intellectuelle délibérée, du déni, du même mépris pour le savoir, d’une même faconde logorrhéique, auxquels l’acharnement obsessif du négationnisme ne nous a toujours pas accoutumés.

C’est pourquoi, en réplique au livre abondamment salué par les médias de Goce Smilevski, et étonnée du peu de réactions, sinon plutôt tièdes, des psychanalystes, notre site en a relayé l’analyse approfondie, bien écrite de surcroit, par le philosophe Michel Rotfus, avec lequel je partage l’inquiétude devant l’absence de responsabilité intellectuelle récidivante de certains éditeurs, et que l’on trouvera à l’adresse suivante,

 

http://www.psychanalyse.et.ideologie.fr/courrier/michelrotfus.html

 

Cf. également le site,                                 http://agauchepourdevrai.fr/tag/smilevski/

 

Au cours d’échanges de correspondance, je n’ai pas voulu laisser passer sous silence les livres précités, dont la sortie du livre de Smilevski. En retour, j’ai reçu quelques objections lues :

“Ce n’est qu’un roman…” ;

“… Liberté d’expression…” ;

“Diffusez si cela vous fait plaisir, les journalistes lisant toutes les critiques parues dans l’ensemble de la presse, ils vont rigoler…” etc.

À cela, je n’ai pu que répliquer :

 

Que des journalistes [des, pas les] rigolent ou pas etc., c’est leur droit et cela, vu l’estime en laquelle j’apprécie telle ou telle de leur idéologie, m’indiffère. W.

 

J’ai complété, en plusieurs séquences.

 

La réponse qui m’est venue ce matin en écoutant les infos sur les braillements répétés ces temps-ci de tous les horizons contre la montée [depuis + de 30 ans !] des extrêmes - amalgamant délibérément la gauche, la droite et le reste sans distinction aucune - m’est venue d’Arletty, que les courageux français avaient sans la moindre honte sanctionnée de sa liaison avec Soehring en lui rasant, comme aux déportées, la tête : « Fallait pas les laisser entrer ! »

Ne serait-ce pas l’une des fonctions des politiques d’agir à temps plutôt que s’indigner quand ils ont laissé se casser les pots pour ensuite nous laisser le soin d’en ramasser les morceaux et de faire avec leur replâtrage ?

Ne serait-ce pas aux éditeurs d’attester de leur honnêteté intellectuelle, de leur responsabilité face à leur audience, à leur lectorat (je sais… l’argent… l’argent…) ?

Quant à la responsabilité des psychanalystes, à part plaquer, bizarrement, abusivement, l’effigie de Freud, ce Juif allemand, sur les affichettes publicitaires de leurs séminaires, à l’horizontale de la ligne éditoriale de celle de Lacan, elle ouvre la voie à tous les béotiens, dont particulièrement les délibérés, pour déverser dans les médias la terminologie propre à la psychanalyse et à la psychiatrie, tourner les concepts en dérision*, pour “laisser entrer” dans les esprits des torrents d’anecdotes de préférence calomnieuses, pour discréditer la psychanalyse… “On” manifeste aujourd’hui comme hier une égale hostile opiniâtreté…

 

* Bref ex. : consiste en nos temps en une phraséologie destinée à abâtardir pour l’usage collectif les termes de “schizophrénie, schizophrène”, à ce qu’il en est chez le schizophrène de la dissociation psychique, de la rupture de contact avec la réalité… en les substituant à ceux de “perversion, pervers”, autrement dit à ce qui caractérise le clivage, le déni, chez le pervers (pas vu pas pris, la main gauche ignore ce que fait la main droite etc.), la perversion étant érigée en système idéologique.

• “Paranoïa, paranoïaque” = [supposé] martyr, arriviste, mégalomane, intrigant, persécuté, victime d’un [supposé] complot…

• “Hystérie, hystérique” = agité, hurleur, frénétique, convulsif, trublion…

• “Fantasme” = chimère, fiction, cliché, image, illusion, poncif… [Pour Freud, 3 formes de fantasmes : scène primitive, de séduction, de castration, cf. François Perrier.]

• “L’Autre” avec majuscule = autrui et termes apparentés… congénère (plutôt négatif), semblable, proche, prochain…

•“Inconscient collectif, imaginaire collectif” : portent à faux sens, du moins dans notre métier. Formules dérivées des archétypes junguiens.

• “Décomplexé” = intelligible, courageux, audacieux…

• “Humour”, appellation impropre (cf. définition par Freud et par François Perrier), vu l’usage qui en est fait = blague salace, ironie [“fait toujours une victime”], dérision, sarcasme, caricature, médisance, parodie, calembour, jeux de mots faciles désobligeants, antonymes du mot d’esprit...

• “Résilience” : est un mot emprunté aux domaines de la mécanique et de la physique. Sur le site de « La Recherche », nous lisons ceci :À l’époque de Newton, l’adjectif anglais resilient désigne un matériau à la fois « capable de rebondir » et « capable de manifester une résistance élevée aux chocs ». Le mot restera réservé à l’usage des physiciens, puis fera son entrée dans l’anglais courant pour désigner la faculté pour un individu de recouvrer ses forces après un affaiblissement ou le moral après une dépression. Les psychologues et psychiatres anglo-saxons se le sont approprié au début des années quatre-vingt.”

• “Envie”, besoin urgent, impératif, immédiat, soit par nécessité, soit pour satisfaire au principe de plaisir : “Avez-vous envie de devenir Président de la République ?” Sans aller jusqu’à “désir” = intention, projet…

• “Burn-out” = surmenage [Dict. médical - Signes : fatigue, insomnies, difficultés de concentration, découragement, idées noires, sommeil non réparateur. Risque : dépression, voire tentative de suicide.]

• Anecdotiques pour exemples pédants, à la télévision : “saison” = épisode... “Produits” à toutes les sauces… La désignation de “denrée” pour caractériser l’alimentaire n’était pourtant pas déshonorante... ; “ingrédients”’” = éléments…

[… … …]

 

C’est ainsi qu’en 2013, lors de la mise en acte de la loi sur le mariage homosexuel, il fut tranquillement affirmé, pour la soutenir, par une experte es-psychanalyse, lors d’un entretien sur une radio du service public et de large écoute : “Freud n’a jamais écrit une ligne sur le Complexe d’Œdipe… aucun de ses écrits n’est intitulé Le Complexe d’Œdipe.”

Nous fûmes, quelques psychanalystes, stupéfiés. J’ai répondu aussitôt à cette bévue, par un texte qui figure sur notre site. Nous trouvons une première mention d’Œdipe, sans la désignation de “complexe”, dans une lettre à Fliess du 15 octobre 1897 - Freud, à l’âge de 17 ans, avait traduit Œdipe-Roi du grec en allemand.

Dans l’index daté des œuvres de Freud, Œdipe, avec ou sans complexe, en tant que concept fondamental, est re-explicité tout au long des années, de 1897 à 1938 [« Abrégé de psychanalyse »].

L’expression “Complexe d’Œdipe”, à la suite de celle d’“Œdipe”, puis caractérisé en “complexe nucléaire [ou nodal] de la névrose”, apparaît seulement en 1910, dans la correspondance Freud / Ferenczi. Il est possible que l’appellation “complexe” ait été suggérée par Jung, Freud ne l’utilisant qu’avec réticence. En témoigne une lettre de la même année 1910, 

 

Il faut être très prudent avec les complexes. Autant ce concept est utile dans son maniement et diverses démonstrations, autant il faut veiller à toujours lui substituer ce qui se cache derrière lui […] Il est vraiment trop vague et trop inadéquat. 

 

Et plus tard, Freud en 1914, dans « Sur l’histoire du mouvement analytique », 

 

On se mit à parler couramment dans les milieux analytiques de “retour de complexes”, là où on pensait au “retour du refoulé”, où l’on s’habitua à dire “J’éprouve un complexe à son égard”, là où on devrait dire correctement “J’éprouve une résistance”. 

 

Suite de mes réponses aux courriers,

 

[…]

Pourtant, la qualité, l’objectif, thérapeutiques, d’une analyse peuvent s’entendre simplement et avec mesure, tels que Freud les a énoncés : “Le but de l’analyse est d’amener une souffrance névrotique intolérable à devenir une misère ordinaire...”, telle que la vie l’octroie à chaque humain. À noter que la psychose, les “pathologies” que l’on désignait autrefois par “névroses narcissiques”, telle la “démence précoce” (schizophrénie), ne relevaient pas, pour Freud, de la psychanalyse. Cf. à ce sujet, outre les écrits de Freud, pour mieux approcher sa découverte de la psychanalyse, son évolution scientifique, l’environnement dans lequel elle s’est développée : Albrecht Hirschmüller, Joseph Breuer, PUF, 1978, Max Schur, La mort dans la vie de Freud, Gallimard, 1972…

[…]

J’ai essayé de vous dire qu’il n’y avait pour moi aucun “plaisir” à insister, mais comme mes travaux ni leur contenu ne vous ont jamais intéressée, pas plus que le motif de l’existence (depuis 28 ans !) de notre association, ce fut en vain. Par contre, ils intéressent nos correspondants et, comme vous savez, ni eux ni moi n’en tirons aucun profit, publicitaire ou / et matériel, d’autant que nous ne disposons pas d’assez de temps, ni d’un intérêt minime pour pratiquer les réseaux sociaux. Par contre, je me permets de vous retourner les qualificatifs particulièrement “élégants” envers ce à quoi j’ai choisi d’occuper mon existence, ainsi que la, disons, déconsidération professionnelle qui est une coutume chez les lacaniens (Untel est allé jusqu’à déclarer que notre site pratique le “dumping” - ça se saurait ! -, ce pourquoi, après tant d’années, j’ai enfin accepté d’admettre combien ce collègue était foncièrement laid).

Amitiés tout de même. W.

 

Passons maintenant à l’ouvrage de Pleux, lequel naturellement n’a pas pris la peine de lire, ne seraient que les deux tomes de la correspondance de Françoise Dolto. Pleux, lansquenet d’Onfray, manie à l’identique le style maniaque de la calomnie, laquelle, comme l’écrivait Freud de la résistance à la psychanalyse, “vise toujours à la satisfaction de besoins primitifs”. Méchanceté doublée d’une méconnaissance délibérée de la psychanalyse, d’un déni obstiné de leur propre inconscient.

À mon sens, ces gens représentent les héritiers, d’une part, de qui refuse résolument d’admettre qu’il n’y a que les abrutis, les semblables aux brutes et les fascistes, pour interdire aux facultés intellectuelles d’évoluer, de modifier leurs appréciations ; de l’autre, héritiers des robustes “Dupont Lajoie” auto-proclamés résistants lors de la Libération de Paris, qui rasèrent avec une obscène jouissance, les cheveux des femmes ayant vécu une histoire d’amour, parfois conçu un enfant, avec l’Occupant.

 

À Nicole François

 

Merci Nicole de cette info qui ne me surprend pas venant du blog d’un magazine que je ne nommerai pas.

Tu comprendras pourquoi nous ne pratiquons ni les blogs ni autres “réseaux sociaux”, bref les décharges publiques.

Quant aux responsables de ce magazine, leurs amis et leurs émules, dont l’idéologie assume de près ou en silence la publication de ces abondants dégueulis, laissons-les là où ils sont (au titre de la “liberté d’expression”), ils nous flanquent la nausée, en quoi ils ne méritent pas que nous nous y attardions, histoire de leur faire de la pub.

Cordialement. W.

 

ÀÀ quelques collègues,

 

J’ai connu Dolto pendant 50 ans bien tassés, dont certaines énonciations, auxquelles d’ailleurs je répondais placidement, me pliaient en deux de rire, tant elles étaient candides.

Il y en eut d’autres, plus contrariantes, face auxquelles nous nous engueulions ferme, mais toujours avec loyauté.

Seulement dans sa pratique, le travail de Dolto n’a jamais été affecté par son idéologie ni aucune autre idéologie.

Je ne suis pas la seule à pouvoir en témoigner.

Et si vous me connaissiez un peu mieux, vous sauriez que dans le cas contraire, j’aurais cessé très tôt toute forme de relation avec elle.

Ces dégueulis vomitoires par Onfray et sa meute n’ont qu’un objectif : répandre la calomnie contre la psychanalyse, contre son auteur, Freud, ce Juif-Allemand, immigré de surcroît.

Reste à savoir ce qui, et qui, des maîtres français à penser la psychanalyse et des éditeurs, ont permis cela.

Je n’ai pas pour habitude de la boucler quand j’ai quelque chose à dire. J’ai indiqué que, fin 2006, j’avais qualifié Onfray de négationniste (publié sur notre site) et plus récemment, au moment de la présidentielle de 2012, de lepéniste. Hélas, hélas, ses copains (de la gauche antisémite.*, ça fait du monde) + les médias ont joui sans entraves de les choyer... lui et son idéologie philosophique pestilentielle.

Mais pourquoi donc Onfray et ses lansquenets s’ingénient-ils à traîner la psychanalyse dans la boue si la psychanalyse ne concerne ni eux ni leur conception du monde, entreprise qui est, en bref, la compulsion d’élection des négationnistes ?

En l’occurrence ici, je n’ai ni à la boucler ni à ne pas la boucler, je vous ai simplement passé l’info, dont je sais gré à Nicole François de me l’avoir communiquée, et m’en tiens là, suis occupée ailleurs.

Bien cordialement. W.

* Post scriptum, le 08 novembre 2013. Il est enfin pertinent que les médias, les autorités, s’élèvent avec indignation contre le placard ostraciste, répandu sur Internet par une ex-membre du FN, repris lors d’une manifestation par un groupe d’enfants de parents dont les prochains votes ne font aucun doute, à l’encontre d’une autorité de l’État. Cependant, avec Élisabeth Lévy, je m’étonne du peu de leurs réactions publiques quand fusent quotidiennement, sur tous les supports, dans la rue, dans les immeubles, dans certaines administrations, par des syndics d’immeubles… les insultes et actes antisémites d’une virulence brute. Des intellectuels estimés ne se privent pas de s’y associer… ah ! Céline, Céline... Ici, mon entourage, dont “on” amalgame chaque personne sans distinction d’appartenance, au vocable « Juif », en est tout autant que moi les objets. Pour résumer et sans m’attarder sur les épithètes et expressions dignes des années 30 et suivantes, il me fut personnellement proféré, tutoiement inclus : “Retourne d’où tu viens… on va te foutre dehors…” etc. Je passe sur les actes. Dans l’ensemble, lorsque nous nous montrons effarés devant ces usages, nous sommes aussitôt qualifiés de paranoïaques.

 

Enfin, sur ces mêmes thèmes, dans la foulée, à Nicole François, dont j’estime hautement le travail et qui, dans l’un de mes moments “soupe-au-lait”, écopa pour tout le monde,

 

J’ai encore oublié de te dire que tu peux, de même qu’à tes pairs et pairesses lacaniens, appliquer le courrier que j’ai adressé à qui tu sais aussi pour toi. Je ne sais que trop que mes remarques, réflexions, travaux, glissent sur votre plumage comme sur les plumes d’un canard, voire n’existent tout simplement pas, pas plus que leur auteur, pas plus que la moindre considération pour chaque analysante, analysant, de tous âges, toutes conditions, passés par ici en 45 ans, ce qui fait tout de même un peu de monde...

Vos “élites” pérorent, détiennent la vérité de la psychanalyse, de la déportation, de la pensée...*** en toute ignorance délibérée de la vie, des conséquences autant individuelles qu’historiques de chacune et de chacun... histoire que votre “Moi” supplante celui, déjà bien boursouflé du voisin. Que donnez-vous, en échange de ce que et de qui vous cannibalisez ? La réponse est toute trouvée : 0.

Je n’ai pas été élevée ni enseignée de cette façon et, vivant et travaillant sur les généreux acquis que m’ont transmis mes aînés, je n’ai jamais pu m’adapter aux infantiles jalousies, rivalités, vœux de meurtre, courses au pouvoir, prérogatives… de mes contemporains, restés inaltérés, tels quels, jusque dans leur âge adulte. M’adapter à la méchanceté. De cela, je n’ai aucun mérite, ma propre histoire a engendré ceci que je n’ai pas pu m’y identifier.

En ce sens, je suis une demeurée, perplexe devant l’absence chez mes contemporains, toutes provenances confondues, d’une valeur désuète : le respect minimal pour autrui et, accessoirement, pour sa pensée, pour son travail. Las ! Épargnons pour l’instant “liberté-égalité”, reconsidérons, en analystes avertis, ce qu’il en est de la fraternité ! Cette fois, je t’ai tout dit et fais silence, j’ai un texte à rédiger.

Bien à toi. W.

 

** Cf. Le monde d’hier d’où je viens et, à partir de documents officiels, je répertorie les faits en vue d’un bref état des lieux, pour ce que j’intitule une “non-biographie”. A-minima : née à Paris, à l’hôpital Rothschild pendant l’hiver le plus froid de l’Occupation. Toutes lignées, paternelle et maternelle, exterminées. Bébé en fuite depuis le 16 juillet 1942 quand la police française, sur dénonciation de la concierge de l’immeuble où j’étais cachée est venue me chercher pour me ’emporter au Vel d’Hiv - j’avais 8 mois -, sauvée par des “Justes” de condition modeste, communistes, le “petit peuple”, dont d’autres policiers français. Planques successives, communistes, catholiques, sans qualification particulière, dans plusieurs régions de la France occupée jusqu’à l’âge de 6 ans, après guerre. Pupille de la Nation, mon père s’étant engagé dans les régiments étrangers de l’armée française en 1940, déporté à Birkenau comme Juif en 1944. Pour les conséquences de cette histoire-là, l’itinéraire qui s’ensuivit et mes propres hypothèses sur les conséquences dans la psyché du programme d’anéantissement [Vernichtung en allemand] des Juifs, voir en fin de texte.

 

Je suis demeurée à un point tel que, ne m’occupant que de ce que j’avais à faire de ma vie, je n’avais pas vraiment intégré l’obligation pour trouver à publier ses travaux dans le milieu psychanalytique, d’appartenir à l’une ou l’autre corporation, c’est-à-dire de s’accommoder des confréries suffisamment solides pour assurer leur distribution, faute de quoi les portes sont hermétiquement closes… À moins de s’auto-produire. Demeurée, jJe pensais, jusque très tard, que leur contenu, soumis par des collègues au moins par des collègues à lecture et examen, méritait un minimumpeu  d’attention. D’où la création de notre association/micro-édition qu’effectivement, nous auto-produisons.

Revenons à la psychanalyse et comment, étrangement, elle est accaparée par la philosophie qui en récuse l’appellation de « science », de sorte que ses concepts fondamentaux ne sont plus mis à l’épreuve de la clinique.

Ainsi la transmission de la psychanalyse ne se fait pas.

Il n’est pas improbable que si la psychanalyse n’a pas obtenu cette qualification de science, ce soit tout simplement que personne ne l’a voulu. Autrement dit qu’elle s’est heurtée dès sa découverte et continue à se heurter à une résistance tenace à la méthode elle-même.

Si bien que, depuis quelques décades, nombre de candidats à une analyse personnelle, de surcroît rompus aux modes de communication informatiques, se présentent en toute innocence comme davantage instruits que les psychanalystes eux-mêmes sur ce qu’est réellement un travail d’analyse.

J’ai donc pris soin régulièrement, lors d’un premier entretien, de demander “qu’entendez-vous par psychanalyse” ?

Il y en est cependant de plus modestes, plus sages, qui reconnaissent n’avoir aucune idée de ce qu’est une psychanalyse. C’est seulement après avoir expérimenté toutes les combinaisons thérapeutiques possibles pour alléger leur souffrance sans qu’elle s’en trouve dénouée, qu’ils disent ne plus pouvoir faire autrement que s’adresser à la psychanalyse.

Cette résistance se manifesta dès l’origine chez l’excellent, le généreux Breuer, lequel annonçait innocemment dans ses comptes-rendus que “l’élément sexuel [est] étonnamment non développé” chez Bertha Pappenheim, que “pas une fois je ne l’ai trouvé dans la masse [de ses] hallucinations” ! Cela a sans doute contribué à l’éloignement ultérieur de Freud, la lecture de ce qui fut intitulé « Mademoiselle Anna O. » dans les « Études sur l’hystérie » témoignant indubitablement que l’élément sexuel était la clef de son mal-être. De plus, c’est grâce à la “grossesse” hystérique de Bertha, inventeresse malgré elle de la psychanalyse, que Freud, par delà son auto-analyse, découvrit la fonction cruciale du transfert.

La conduite quotidienne du traitement de Bertha par Breuer, sa frayeur devant ce que Freud n’avait pas encore désigné par “transfert” évoquent, trois-quarts de siècle plus tard, le transfert massif et probablement non-analysé de Ralph Greenson à l’égard de Marilyn Monroe… Seulement Marilyn Monroe ne bénéficiait à aucun point de vue des atouts de Bertha…

Une définition claire du concept de science, pour laquelle théorie et expérience, i. e. ici la clinique, sont indissociables, est décrite par Claude Bernard,

 

« La théorie est l’hypothèse vérifiée après qu’elle a été soumise au contrôle du raisonnement et de la critique. Une théorie, pour rester bonne, doit toujours se modifier avec le progrès de la science et demeurer constamment soumise à la vérification et la critique des faits nouveaux qui apparaissent. Si l’on considérait une théorie comme parfaite, et si on cessait de la vérifier par l’expérience scientifique, elle deviendrait une doctrine. »

[…]

« Le savant complet est celui qui embrasse à la fois la théorie et la pratique expérimentale. 1° Il constate un fait ; 2° à propos de ce fait, une idée naît dans son esprit ; 3° en vue de cette idée, il raisonne, institue une expérience, en imagine et en réalise les conditions matérielles. 4° De cette expérience résultent de nouveaux phénomènes qu’il faut observer, et ainsi de suite. »

[…]

« Les hypothèses sont indispensables comme les échafaudages sont nécessaires pour construire une maison. Sans hypothèse, c’est-à-dire sans une anticipation de l’esprit sur les faits, il n’y a pas de science, et le jour de la dernière hypothèse serait le dernier jour de la science. »

[…]

« L’observation initiale doit être celle d’un “phénomène imprévu”. »

[…]

« Une théorie est un modèle de la réalité, dérivé de principes de base. La réalité est toujours plus complexe que la théorie, c’est pour cela que chaque théorie a un domaine où elle s’applique. Une théorie qui n’est pas vérifiée ou vérifiable par l’expérience n’est pas scientifique. »

 

Je souligne cette dernière affirmation pour mettre en évidence ce qui me semble être la différence entre la méthode scientifique et la philosophie, l’“amour du savoir”. Il va de soi que rien ne saurait priver les philosophes de l’apport incontestable de la théorie freudienne, Freud étant lui-même épris de savoir (littérature, théâtre, poésie, sculpture, archéologie, architecture, mythologie, philosophie, religions, biologie, éthique…), j’en omets sans doute… mais la philosophie n’est pas une méthode de traitement.

En tant que nouvelle “méthode de traitement”, voici brièvement ce que Freud proposait à James Jackson Putman :

 

Le 14 mai 1911

 

[…] La théorie psychanalytique enseigne qu’une pulsion ne peut être sublimée aussi longtemps qu’elle est refoulée. Naturellement, cela vaut également pour chacune de ses composantes. C’est pourquoi il est indispensable de lever le refoulement en venant à bout des résistances avant de pouvoir accéder à la sublimation ou parvenir à une sublimation complète. C’est là que se réalise alors la thérapie psychanalytique et cela ouvre la voie à toute évolution, jusque dans sa forme la plus haute.

 

Or bizarrement, par snobisme, qu’il soit délibéré ou seulement préconscient, emboîtant leur savoir philosophique sur le dandysme de leur maître, les lacaniens se sont gorgés de heideggereries***… Il est difficile en effet, parmi les références proposées par Lacan, de trouver le nom de philosophes, notamment ceux des Lumières, de scientifiques, d’écrivains juifs… et pour peu que nous les ayons cherchés, c’est avec tristesse que nous lisons à quel point Lacan les brocarde, comme très tôt, dès 1938, il brocarde Freud, en termes plus qu’indécents - cf. mon « Préambule / Commentaire de La Famille selon Lacan • 1938 » à l’adresse ci-dessous,

 

http://www.psychanalyse.et.ideologie.fr/livres/preamb.comment.html

 

*** Passage de mon livre, « Travaux 1967-1997 », éd. ψ  [Psi] • LE TEMPS DU NON, 1998, où figure l’une des nombreuses estimations que j’ai relevées dans l’œuvre de Heidegger :

 

Alors, quelle était l’appréciation de Heidegger sur la psychanalyse ? En portait-il seulement une ? En effet. Dans son “Introduction” de 1949 à « Qu’est-ce que la Métaphysique ? », dédiée à Hans Carossa pour son 70e anniversaire, dédicace omise dans la traduction française, car Carossa présida une fois la Chambre Internationale des Écrivains, créée et contrôlée par Goebbels, voici ce qu’on peut lire, in “Questions I” :

 

S’il en était ainsi de l’Oubli de l’Être, ne serait-ce pas une raison suffisante pour qu’une Pensée qui pense l’Être soit prise d’Effroi, car rien d’autre ne lui est possible que soutenir dans l’Angoisse ce Destin de l’Être afin de porter d’abord la Pensée en présence de l’Oubli de l’Être ? Mais une Pensée en serait-elle capable tant l’Angoisse ainsi destinée n’est pour elle qu’un État d’Âme pénible ? Qu’a donc à faire le Destin Ontologique de cette Angoisse avec la Psychologie et la Psychanalyse ?

 

Et dans la langue, à l’intention des germanistes, qui sauront y mettre le son :

 

Wäre wenn es mit der Seinsvergessenheit so stünde, nicht Veranlassung genug, dass ein Denken, das an das Sein denkt, in den Schrecken gerät, demgemäss, es nichts anderes vermag, als dieses Geschick des Seins in der Angst aus zuhalten, um erst das Denken an die Seins vergessen heit zum Austrag zubringen ? Ob jedoch ein Denken dies vermöchte, solange ihm die so zugeschickte Angst nur eine gedrückte Stimmung wäre ? Was hat das Seins geschick dieser Angst mit Psychologie und Psychoanalyse zu tun ?

 

La méthode de la psychanalyse, originale en regard de toute méthode scientifique jusqu’alors, fut édifiée par Freud, pierre après pierre, à partir de l’analyse de ses rêves, ou voie royale vers la lecture de l’inconscient, qu’elle permet alors d’analyser. Point n’est besoin de re-souligner le fait que la lecture/interprétation des rêves n’a rien en commun avec l’occultisme, “la clef des songes”, divination ou autre onirologie.

L’application clinique de cette méthode semblerait avoir été abandonnée très tôt par les générations post-freudiennes d’analystes. Est-ce un phénomène dû au temps et au soin que cet exercice exige ? Dans ma propre analyse et dans celle de mes contemporains, je n’ai jamais entendu parler de cette pratique. Et pour appliquer cette méthode, je puis témoigner qu’elle est ardue, qu’il est préférable d’être patiente avec le temps qui passe, ne pas être trop polarisée sur l’argent devant ceux qui n’en ont guère…

C’est pourtant là, dans le rêve, que se révèle le trésor des signifiants de chacune et de chacun. Cette méthode a ceci de tout à fait nouveau jusqu’alors, en ce que la chaîne des signifiants de chacune et de chacun leur est singulière, n’appartient à personne d’autre. C’est qu’elle offre une possibilité permanente de faire évoluer la théorie.

Par exemple, brièvement, si nous avons certes des signifiants communs, nombre des miens n’ont aucun rapport avec ceux de Freud et pour n’en relever que quelques-uns : êtreje suis une femme ; suite à l’un ou l’autre rêve, les associations de Freud, dont les éléments, évoquant les lieux, les personnes, les noms, les événements… qui l’intéressent en propre, ses spéculations en calculs chiffrés répétitifs sur la date de sa mort, ses élaborations à partir de personnalités, d’artistes, d’œuvres, dont il décrit la vie et les réalisations sur un mode proche d’un “roman familial”, me sont ainsi qu’à mon histoire personnelle, complètement étrangers…

Par exemple encore, quelques absences de signifiants propres à un bébé fille, née pendant la déportation des Juifs, sans cesse en cavale et en planques, orpheline : silence obligatoire dès la naissance, pas de langue source, dite maternelle, et leurs conséquences ultérieures, pas d’identifications possibles, faille de l’imaginaire car empreintemarque trop brutaleviolente de réel, destruction de la structure œdipienne. Là, sur ce point capital précis, pour tenter d’exterminer non seulement ses sœurs mais Freud soi-même en même temps que tout l’édifice, l’Hitlérie - comme la nommait Freud - et ses internationaux suiveurs, ne pouvaient mieux réussir… Prescriptions, ou marque persistante des signifiants, qui bizarrement m’ont accompagnée jusqu’à présent : silence, en plus familier : “boucle-la” ; ukases donc sur la parole et le penser, du style “garde pour toi ce que tu penses”. Seul recours : l’acuité auditive, la lecture, la musique, les livres encore et encore, lle ’accès au symbolique et enfin, depuis que je sais lire et écrire, l’écriture.

Je n’ai jamais croisé de psychanalystes postfreudiens, pourtant diserts sur la déportation des Juifs, qui se soient intéressés à ces singularités.

Pour reprendre le motif de départ qui a occasionné cette escapade : Freud, Anna Freud, Françoise Dolto, Dali, Le Lionnais, Perrier… nommés ici, quelles qu’aient été leur idéologie s’ils en avaient une, leurs certitudes, leurs doutes, leur évolution, n’ont jamais commis la moindre traitrise, plus cru, la moindre saloperie, envers qui que ce soit. En cela, ils furent grands.

Un dernier mot sur les signifiants. Je n’ai pas inventé de pseudo d’écrivain ni francisé mon patronyme : il porte mon histoire, et témoigne d’un infinitésimal micron de l’histoire de France.

Toutefois, àÀ noter, à l’intention de traducteurs discourtois, que le verbe “weinen” en allemand signifie hélas “pleurer”, lequel a donné en ydish, où le “w” n’existe pas, l’expression “oyy vaï”, “ô malheur”.

Il n’est pas impossible aussi que, dans les pays à langue non germanophone, dans les tourmentes, la prononciation locale, l’accent hasardeux des exilés, hasardeux, un “W” ait été, par les officiers d’État-Civil, substitué à un “F”.

Prénom : Michèle. Mon père étant absentétant une première fois interné à Drancy lors de ma naissance, ma mère absolument seule, je fus déclarée Micheline, pour faire féminin, par [sic] Monsieur Pierre Monin, quarante-huit ans, employé, domicilié rue Santerre 15 [Rothschild], ayant assisté à l’accouchement, qui, lecture faite, a signé avec Nous, Joseph Jules Paul Toussaint, adjoint au Maire du douzième arrondissement de Paris, Chevalier de la Légion d’Honneur.

Second prénom : Estelle.

Bien, pour mettre fin à l’extra de l’escapade, voici un aperçu partiel de ce que je n’aime pas,

 

• La méchanceté.

• Ce qui va avec, soit l’absence consciente de respect et ce qu’elle charrie : vulgarité, violence, injures aux personnes dont le soubassement est toujours d’origine sexuelle / xénophobe, quelle que soit la forme extérieure qu’emprunte l’ostracisme. Le mépris en général, le mépris pour le langage, pour l’écoute et la parole de l’autre, avec son corollaire, le mépris pour ceux qui en sont privés pour cause de censure - familiale ou/et sociale -, de dysfonctionnements psychiques transmis par leur histoire et l’histoire des humains, ou somatiques, le mépris envers celles et ceux maladroits, à la parole mal assurée, de tous âges, toutes provenances...

• Le mensonge, l’hypocrisie, l’indiscrétion, la fatuité, la dissimulation, la duplicité…, en bref ce qui entraine des effets et des agissements pervers, à commencer par l’automatisme qui consiste à ne tenir ni sa parole ni ses engagements, à les dénier sans vergogne aussitôt qu’énoncés.

• La flûte traversière adaptée au jazz. La flûte, de par sa facture, précisément son embouchure, ne permet pas de syncoper, à moins d’être Roger Bourdin. Dans le jazz moderne, les flûtistes jouent tous et rarement juste sur le même registre, dans le médium - le moins difficile -, produisant un filet malingre sub-asthmatique, ponctué éventuellement de petits cris aigus.

• Le vacarme en tous genres, qui nous fracasse le crâne, la musique étant “l’art d’harmoniser les sons”.

• Les amoncellements en tous genres.

• Les mondanités, le paraître, le snobisme, où l’on se masse pour paraitre et ne rien dire.

• Les sectes, clans, corporations…

• Comme les chats, les portes fermées, la fermeture d’esprit en général, les ukases.

• L’avarice, que je considère comme une pathologie, en ce qu’elle conditionne économie libidinale et mesquinerie, autrement dit, dans tous les domaines, prendre et ne jamais rien donner, tout en trompant sur les apparences, par exemple la falsification qui consiste à étaler pour la galerie une munificence dont l’auteur est constitutionnellement dépourvu, le clivage radical entre les agissements et les paroles selon qu’ils s’adressent au monde extérieur ou aux proches.

• La pédanterie.

• Les navets. À l’extrême rigueur, cuits dans les pot-au-feu, ou tolérés crus à condition qu’ils soient immergés dans le vinaigre... ... ...

 

Ce que j’aime,

 

La loyauté.

M. W. 084 novembre 2013

ψ  [Psi] • LE TEMPS DU NON
cela ne va pas sans dire
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